Avec ou sans sportifs russes, les Tchèques n’envisagent pas de boycotter les JO de Paris
La République tchèque ne boycottera pas les Jeux olympiques de Paris en 2024, pas même en cas de participation des sportifs russes. Alors que plusieurs pays qui soutiennent le combat de l’Ukraine pour son indépendance pourraient renoncer à envoyer une délégation en France si le Comité international olympique (CIO) réintégrait les athlètes russes et biélorusses dans le giron du sport international, le Comité olympique tchèque (ČOV) affiche, lui, une position claire quant à une telle éventualité.
« Le Comité olympique tchécoslovaque a décidé à l’unanimité de ne pas envoyer nos sportifs aux prochains 23es Jeux olympiques d’été. […] Nous avons pour cela des raisons graves que nous avons exprimées à la réunion plénière du comité », avait déclaré Antonín Himl, président du Comité olympique tchécoslovaque et haut fonctionnaire communiste, en mai 1984.
Près de quarante ans après ces Jeux de Los Angeles qui avaient été marqués par le boycott de l’URSS et de quatorze de ses pays alliés, parmi lesquels donc la Tchécoslovaquie, le ČOV n’entend plus « sanctionner » ses propres sportifs. Pressé de réagir, son président Jiří Kejval a expliqué pourquoi, à ses yeux, empêcher des athlètes de participer à une compétition qui est l’aboutissement d’une longue préparation et qui, pour beaucoup d’entre eux, constitue le sommet de leur carrière, n’était pas, en l’état actuel des choses, une solution envisageable :
« Le président du Comité olympique ukrainien nous a envoyé une lettre dans laquelle il nous a fait part de l’éventualité d’un boycott. De notre côté, nous avons débattu de ces différents sujets (réintégration des sportifs russes et biélorusses et boycott) lors de la comission exécutive il y a déjà deux semaines et nous sommes prêts à envisager toutes les solutions, à l’exception d’un boycott. C’est une éventualité que nous avons immédiatement rejettée. D’une part parce que nous en avons déjà fait l’expérience douloureuse en 1984, quand la décision prise par le régime communiste avait brisé la carrière de plusieurs sportifs, et d’autre part parce que nous ne comprenons pas pourquoi les sportifs tchèques devraient pâtir du fait que les Russes combattent en Ukraine. »
Pour l’heure, aucune décision n’a encore été prise. Si le CIO a esquissé les modalités d’une réintégration des athlètes russes et biélorusses, qui ont été mis au ban du sport mondial suite à l’invasion de l’Ukraine en février 2022, il faudra attendre sa commission exécutive, le 15 février, à Lausanne, pour que ce retour, pour l’heure envisagé sous bannière neutre, prenne des contours éventuellement plus précis. Surtout, la décision finale reviendra aux vingt-huit fédérations internationales sportives, qui sont les seules autorités pouvant régir leurs compétitions, y compris donc dans le cas des JO.
En attendant, l’éventualité a suscité de vives protestations à Kyiv, où l’on rappelle que quelque 180 sportifs ukrainiens aussi sont morts depuis le début de la guerre. Dans un message vidéo posté sur Twitter, l’ancien champion olympique et champion du monde chez les professionnels de boxe Wladimir Klitschko, dont le frère Vitali est le maire de la capitale ukrainienne, a, lui, interpellé le président du CIO, l’Allemand Thomas Bach, et suggéré que les dirigeants sportifs seraient complices de la guerre si les Russes, « champions olympiques des crimes contre les civils », étaient autorisés d’une manière ou d’une autre à prendre part aux Jeux à Paris.
À Prague, au-delà de la position ukrainienne, les médias notent aussi que les pays baltes et la Pologne, notamment, sont prêts, eux aussi, à renoncer au voyage à Paris. Mais jeudi, alors que les ministres des sports des quatre pays (Estonie, Lettonie, Lituanie et Pologne) ont fait une déclaration commune dans laquelle ils rejettaient « toute tentative du CIO de faire revenir les athlètes russes et bélarussiens pour leur permettre de concourir, même sous un drapeau neutre », le ČOV a confirmé que s’il « [soutenait] les sanctions actuelles liées à l’agression de l’Ukraine, qui, sur recommandation du CIO, empêchent les athlètes russes et biélorusses de concourir dans la plupart des sports lors d'événements internationaux », un boycott n’était absolument pas envisagé.
Il y a quelques années, à l’occasion du 30e anniveraire des JO de Los Angeles, le ČOV avait organisé une cérémonie à Prague à laquelle il avait invité les anciens sportifs pour leur présenter ses excuses de leur avoir brisé leur rêve olympique. L’ancien lanceur de disque Gejtza Valent, candidat à une médaille, avait alors exprimé sa frustration en ces termes :
« La déception ne s’est pas encore atténuée. Quand vous avez une activité comme le sport et que vous y consacrez toute votre énergie, que vous savez qu’un grand rendez-vous pour lequel vous vous préparez depuis des années va bientôt arriver, et que finalement vous ne pouvez pas y aller, c’est triste et c’est un sentiment terrible. Aujourd’hui, bien sûr, le temps a fait son œuvre et la déception est moins grande que tout de suite après les Jeux, mais elle est toujours bien là quand même. Pendant des années, j’ai rêvé que je participais à ces JO... »
Alors que, depuis le début de la guerre, la République tchèque a toujours été solidaire de l’Ukraine et de ses autres grands alliés dans la région que sont la Pologne et les pays baltes, la position par rapport à une participation ou non à ces JO de Paris apparaît, pour l’instant, comme une première fissure dans cette unité contre la Russie.