Ivan Bartoš reste à la barre du Parti pirate tchèque
Réuni en congrès ce week-end, le Parti pirate a élu sa nouvelle direction pour les deux ans à venir : Ivan Bartoš, reconnaissable à ses éternels dreadlocks et actuel ministre du Développement régional et de la Numérisation, a été reconduit pour un nouveau mandat tandis que le reste de la direction du parti a été, elle, entièrement renouvelée. Retour sur le parcours de cette figure emblématique de la scène politique tchèque qui, en à peine plus de dix ans, a amené son parti jusqu’au sein d’un gouvernement.
Avec trois ministres au sein de la grande coalition gouvernementale de Petr Fiala (ODS), le Parti pirate tchèque est devenu le premier représentant mondial de son genre à accéder à un cabinet. Né en Suède en 2006 comme une initiative citoyenne, défendant les libertés des internautes face aux lois de copyright, peu pris au sérieux par les partis ou médias traditionnels à ses débuts, le Parti pirate a pourtant essaimé et s’est implanté jusqu’au Parlement européen.
Mais c’est en République tchèque qu’il a pris racine et s’est imposé en une dizaine d’années comme un acteur intournable de la scène politique : avec ses positions libérales et progressistes et son image de parti anti-corruption, il est devenu une alternative crédible aux partis traditionnels et aux extrêmes. L’électorat citadin, jeune, libéral et pro-européen a trouvé dans ce parti le « champion » qu’il cherchait depuis la fin des années 1990, comme le notait il y a quelques années sur notre antenne le politologue Lukáš Macek.
Cette légitimité dans le paysage politique tchèque, c’est sans conteste aussi à la personnalité de son leader Ivan Bartoš que le parti la doit. Cet informaticien de 41 ans, qui ne rechigne pas à pousser la chansonnette à l’accordéon pour les besoins d’une campagne électorale, a contribué à l’image moderne et ouverte de ce parti entré pour la première fois à la Chambre des députés en 2017 avec pas moins de 22 mandats. C’est justement pour la perte vertigineuse de ces mandats aux dernières législatives d’octobre (plus que quatre députés à la Chambre basse) qu’Ivan Bartoš était critiqué en interne. Un mea-culpa qui n’a pas manqué, samedi, dans son adresse aux militants :
« En tant que leader et président du parti, j’ai ma part de responsabilité dans ce résultat. Mais tout ne s’arrête pas là. Un nouveau chapitre s’ouvre à nous, au Parti pirate, celui d’un parti qui est membre à part entière d’un gouvernement. »
Ivan Bartoš l’a finalement emporté au deuxième tour avec 662 voix sur 948, contre 265 pour son adversaire, le sénateur Lukáš Wagenknecht qui, comme de nombreuses voix critiques au sein de ce parti connu pour ses vifs débats internes, a exprimé ses craintes d’une position affaiblie et de faire-valoir du parti au sein du gouvernement de coalition de centre-droit. Une critique que rejette Ivan Bartoš :
« Quand on regarde la déclaration de programme de la coalition, on voit bien qu’on y trouve les priorités que nous avons défendues au sein de notre alliance avec le parti des Maires et Indépendants (STAN) pour les élections : la question du logement, de la numérisation, les problèmes d’insolvabilité, l’environnement avec l’année 2033 comme date de sortie du charbon. Toutes ces priorités, la coalition dans son ensemble les a faites siennes. Petr Fiala s’est adressé à notre parti pendant le congrès et lui-même a souligné que nous apportions au gouvernement de nouvelles idées et que nous étions des partenaires à égalité avec les autres. »
Les mois qui viennent diront si l’alliance insolite d’un parti aux idéaux progressistes à des partis de la droite classique et traditionnelle tiendra la route sur le long terme (quatre ans de législature quand même) et dans quelle mesure l’influence pirate pourra se faire sentir... Le dénominateur commun le plus fort de la coalition, tous partis confondus, reste la promesse d’un « virage à l’ouest » de sa politique étrangère, plus axée sur les droits de l’Homme. Des valeurs défendues par le Parti pirate depuis ses débuts et présentées comme une priorité par un de ses principaux représentants au sein du gouvernement, le chef de la diplomatie, Jan Lipavský, soutenu par le Premier ministre Petr Fiala quand le chef de l’Etat Miloš Zeman laissait planer le doute sur sa nomination.
Ivan Bartoš en tête, le parti va également se concentrer désormais sur le prochain rendez-vous électoral prévu dès l’automne prochain avec les élections municipales, un scrutin dans lequel il était venu se positionner en troisième place il y a quatre ans.