«Le fair play, une lutte éminemment humaniste»

Photo: Isifa

Nous en avons déjà parlé dans la dernière émission, Prague a récemment été la capitale européenne du fair play. Le 16e congrès annuel du Mouvement européen pour le fair play s’y est en effet tenu fin octobre avec l’éducation au fair play dans les écoles comme thème de débat retenu. La France était représentée à cette occasion par Christian Blareau, vice-président de l’Association française pour un sport sans violence et pour le fair play. Nous vous proposons donc la suite de l’entretien que Christian Blareau a accordé à Radio Prague, un entretien dans lequel il a d’abord expliqué le rôle du Mouvement européen pour le fair play :

Photo: Isifa
« Notre rôle ne peut pas uniquement consister à faire une déclaration au bout de deux jours de congrès. ‘Il n’y a qu’à’, ‘il faut que’, c’est trop facile. A un moment donné il faut quand même qu’il y ait un effet sur le terrain. Le principal effet que peut voir chaque téléspectateur peut voir est le grand drapeau jaune du fair play qui est porté par des jeunes au moment de l’entrée des équipes sur le terrain lors des matchs de coupes d’Europe de football. Ca, concrètement, c’est de notre fait. Mais après, c’est de la responsabilité des joueurs. Dans le cadre du congrès j’ai vu un certain nombre de mini-films sur les exactions, et évidemment le coup de tête de Zidane en finale de la Coupe du monde restera à vie. »

« Après, toujours concrètement, nous offrons des bibliothèques avec des livres sur le fair play aux écoles qui le souhaitent. A chaque fois que nous organisons un congrès en France, nous sortons des actes. Notre association en France existant depuis plus de vingt ans, nous avons donc une vingtaine de livres à offrir avec tous les thèmes qui ont été traités. Nous remettons également des récompenses dans le cadre des manifestations, par exemple pour l’attitude la plus fair play ou à une équipe qui s’est distinguée par son comportement exemplaire tout au long de l’année. Nous ne sommes pas les seuls sur le ‘marché de l’esprit sportif’. Mais ce qu’il faut comprendre, c’est que nous sommes les derniers remparts par rapport aux marchands du temple. Nous sommes encore des gardiens, et si notre système saute, on ne pourra plus rien contrôler ensuite. C’est déjà suffisamment difficile comme ça aujourd’hui. Alors imaginez sans nous… Si nous disparaissons du paysage, il y aura des dégâts en conséquence. »

-Vous êtes historien professionnel et vous êtes engagé dans la lutte pour le fair play depuis plusieurs années. Par rapport à la violence, au dopage et à la triche dont on a le sentiment qu’ils se généralisent de plus en plus, avez-vous le sentiment que la situation se détériore ou, inversement, qu’il y a des signes encourageants ?

« Parfois des chiffres valent mille mots. Les Jeux olympiques, c’est 1 116 ans, les JO modernes 116 ans. Il y a donc encore du boulot ! Mais rappelons-nous quand même, et nous avons intérêt à retenir les leçons de l’histoire, que les JO antiques ont mal terminé, ils ont terminé sous la forme de jeux du cirque et ont été supprimés en 396 ap. J.-C. par l’empereur Théodose parce que ça devenait n’importe quoi alors que, initialement, les JO antiques étaient tout à fait sacralisés. On rendait d’abord hommage à Zeus et ce n’est qu’après que les épreuves pouvaient alors lieu. Et celui qui trichait avait son nom sur le stade, et ça se passait mal pour lui… Bon, ça ne passe malheureusement pas comme ça dans la période moderne, où on assiste à des débordements de plus en plus forts avec des enjeux derrière de tout type : politique, médiatique, financier. Nous essayons d’être un rempart, mais celui-ci est parfois submergé par des épisodes comme celui de cet été avec l’équipe de France à la Coupe du monde de football. Nous en sommes navrés, mais il ne faut pas lâcher. Si nous n’y croyons pas, ce n’est pas la peine de continuer. Mais il s’agit d’un travail de base, et c’est pour ça que le thème choisi cette année en République tchèque est excellent. Tout le monde a compris que si on veut avoir des citoyens du monde, il faut les former dès le départ. Il n’y a pas de cause perdue. Napoléon disait que l’impossible n’est pas français, et c’est ça : nous sommes peut-être engagés dans une mission qui peut paraître ringarde de l’extérieur, mais c’est une belle mission car éminemment humaniste. »