Les restes de prisonniers politiques mis au jour à la prison pragoise de Pankrác
Un site avec les cendres de plus de 80 prisonniers politiques morts entre 1948 et 1965 a été découvert par des chercheurs dans l’enceinte de la prison de Pankrác, à Prague.
Parmi les morts se trouvent des opposants au régime communiste, dont de nombreux militaires, exécutés dans différentes prisons du pays ou décédés à l’hôpital de la prison de Pankrác, a indiqué Aleš Kýr, historien de l'administration pénitentiaire, lors d’une conférence de presse organisée lundi à Prague :
« Nous avons trouvé ici des restes des prisonniers de Pankrác, mais également des personnes incarcérées à la prison de Mírov et de Valdice. Certains d’entre eux ont été transportés à l’hôpital de Pankrác. Après leurs décès, les urnes ont été détruites et les cendres ont été jetées. »
Il existe à Prague deux lieux de repos pour les victimes du régime communiste, pour la plupart anonymes, à savoir les cimetières de Ďáblice et de Motol. Pour en savoir plus sur celles qui n’ont été enterrées dans aucun de ces deux lieux, les chercheurs ont mené des fouilles archéologiques à la prison de Pankrác.
Selon Alena Šimánková des Archives nationales, il a fallu d’abord établir une liste de ces prisonniers politiques, rechercher les numéros de crémation qui prouvent que le défunt a été incinéré et vérifier si l’urne n’a pas été remise à la famille, ce qui survenait très rarement : dans la plupart des cas, les familles n’ont jamais appris où reposaient leurs proches.
En octobre dernier, les archéologues ont retrouvé les restes incinérés d’ossements sur le lieu où, entre 1947 et 1954, se déroulaient les exécutions à la prison de Pankrác. Après cette date, les potences ont été enlevées et l’endroit est resté tel quel jusqu’en 1992, où un mémorial y a été érigé. L’historienne Alena Šimánková explique :
« Nous pensions d’abord que les restes des personnes exécutées avaient été jetées dans une fosse, mais ce n’était pas le cas. Le géo-radar n’a identifié aucune fosse. Les cendres ont juste été dispersées. »
« Nous avons trouvé dans les archives l’information sur la destruction des urnes, ordonnée en 1961 par le ministre de l’Intérieur de l’époque. Dans l’un des documents retrouvés, le chef de la prison de Pankrác constate que les urnes avec les restes des prisonniers politiques ‘s’entassent’ dans le dépôt, qu’il y en a tellement qu’il faut s’en débarrasser et demande que le problème soit résolu. »
Même si une analyse a prouvé que le sous-sol du site contenait bien des fragments d’ossements humains, il n’est pas possible de les identifier. Par ailleurs, les cendres des prisonniers politiques ont été mélangées à celles d’autres prisonniers exécutés, des criminels ou des personnes condamnées après la guerre pour avoir collaboré avec les nazis. Toutefois, selon l’historien de l’administration pénitentiaire Aleš Kýr, cela n’enlève rien à l’importance de la découverte :
« Il arrive que les familles qui recherchent les dépouilles de leurs proches condamnés dans des procès politiques s’adressent à nous. Alors nous pouvons leur dire où se trouve leur lieu de repos. »
A leur tour, les historiens tentent de contacter les descendants des opposants au régime communiste dont les restes se trouvent probablement sur le site de la prison de Pankrác.
Parmi les dépouilles qui n’ont jamais été retrouvées, celles du journaliste Záviš Kalandra ou de la politicienne Milada Horáková condamnés dans le cadre du même procès stalinien et exécutés tous les deux à Pankrác, le 27 juin 1950.
Sur le site de la prison pourraient dorénavant se dérouler des commémorations des victimes du communisme, organisés régulièrement aux cimetières de Ďáblice et de Motol.