Charles Malinas : « De Centrafrique à Prague, j’ai sauté par-dessus mon ombre »

Charles Malinas, photo: Site officiel de l'ambassade française

La France est représentée en République tchèque depuis peu par un nouvel ambassadeur. Le 11 octobre dernier, Charles Malinas a remis ses lettres de créance au président Miloš Zeman. Le lendemain de cette prise de fonctions officielle, Charles Malinas a reçu dans les salons de l’ambassade les quelques journalistes francophones en exercice en République tchèque. L’occasion pour Radio Prague de lui poser quelques questions, et d’abord sur le parcours qui a été celui de Charles Malinas avant son arrivée, qui est en fait davantage un retour, à Prague :

Charles Malinas,  photo: Site officiel de l'ambassade française
« J’ai effectivement déjà vécu ici de 2002 à 2006 lors de quatre années particulièrement fortes avec un lien qui s’est tissé avec ce pays et cette ville magnifique qu’est Prague (Charles Malinas était alors numéro deux à l’ambassade de France, ndlr). Entretemps j’ai fait d’autres choses : je suis allé en Allemagne (directeur de l’Institut français d’Allemagne) et à Paris (à l’Inspection générale du ministère des Affaires étrangères, puis au ministère de la Culture et de la Communication en tant que conseiller diplomatique), avant de passer ces deux dernières années et demie à Bangui en République centrafricaine dans un pays en guerre civile, en reconstruction et dans une situation extrêmement complexe avec une intervention militaire française pour arrêter un génocide et aider la population à reprendre pied. Pour moi, être envoyé à Prague, c’est donc revenir dans un monde et dans une vie très différents, et dans un pays que j’aime. »

Comment un diplomate passe-t-il de l’Afrique à l’Europe centrale ?

« Je pourrais même dire comment passe-t-on du deuxième pays africain le plus pauvre à un pays de plus en plus prospère ; un pays qui est dans une situation de quasi plein emploi et où la population vit bien. Eh bien, on y passe en faisant un saut à l’intérieur de soi. Les Allemands ont une très belle expression pour cela : ils disent qu’ils ‘sautent par-dessus leur ombre’, et c’est un peu ce que j’ai fait. »

Charles Malinas avec Miloš Zeman,  photo: Site officiel de l'ambassade française
« J’ai été envoyé en République centrafricaine pour une mission très spécifique liée à la situation du pays et à l’intervention militaire française. Je suis maintenant envoyé en République tchèque pour une mission totalement différente. Ce n’est pas rare chez les diplomates. C’est un changement qui peut intervenir, même si celui-ci, c’est vrai, est assez radical. Mais je le vis plutôt bien et j’avoue que ce retour en Europe centrale, qui est ma zone de prédilection, est un retour que je salue avec beaucoup de plaisir. »

Vous êtes présent à Prague depuis quelques semaines. C’est peu, mais suffisant néanmoins pour que vous ayez pu vous faire une première idée de l’évolution de la République tchèque depuis votre départ il y a dix ans de cela…

« Deux choses m’ont frappé. La première, c’est le pays lui-même. Il y a Prague, bien sûr, mais aussi les villes en province dans lesquelles je me suis rendu. J’essaie de faire un voyage dans le pays environ une fois par semaine. Je suis ainsi allé à Tábor (Bohême du Sud), à Brno (Moravie du Sud) et à Karlovy Vary (Bohême de l’Ouest), et j’ai été marqué par le changement que l’on voit en traversant les villes et les villages. Les maisons sont plus belles, des bâtiments ont été restaurés. La vie est belle ! Il y a le parc automobile aussi… Quand on a été absent dans un pays pendant dix ans, ce sont des choses qui sautent aux yeux. »

Charles Malinas à Plzeň,  photo: Site officiel de l'ambassade française
« L’autre chose qui me frappe, c’est que la coopération franco-tchèque, qui était déjà très belle notamment dans le domaine culturel, a pris un véritable essor dans les domaines économique et politique. Ces dix dernières années ont donc été marquées par le développement des relations franco-tchèques. »

En l’espace de dix ans, l’opinion qu’ont les Tchèques de l’Union européenne a aussi beaucoup évolué. Lorsque vous étiez là dans le milieu des années 2000, au moment de l’adhésion, l’enthousiasme au sein de la population et de la classe politique était majoritaire. Aujourd’hui, c’est encore oui à l’Europe, mais à reculons. Quel regard portez-vous sur cette autre évolution ?

« La vision de l’UE en République tchèque a évolué, c’est un fait. Mais elle n’a pas évolué qu’en République tchèque. Elle a évolué dans toute l’Europe, et ce parce que celle-ci a été confrontée à des défis auxquels elle n’était pas préparée, notamment le défi des migrations. Et puis l’Europe n’a pas forcément toujours su prendre les virages qu’elle aurait dû prendre aux bons moments ou de la manière adéquate. »

Charles Malinas à Tábor,  photo: Site officiel de l'ambassade française
« Aujourd’hui, quand on suit les différents débats dans les pays où des élections auront lieu l’année prochaine, c’est-à-dire en République tchèque, en France, en Autriche ou en Allemagne, on trouve des questions de cette nature liées à l’identité, à la place qu’on veut avoir en Europe, à la position que l’on a à l’égard des pays alentours, etc. Il est normal que ces débats aient lieu. Mais ce qui est important, c’est de ne pas perdre l’essentiel de vue : l’Europe, ou l’Union européenne en tant qu’entité politique, est ce qui nous a permis de sortir de la situation dans laquelle le continent se trouvait auparavant. Et en République tchèque, cela veut dire quelque chose de tout à fait sérieux… »

Suite de l’entretien avec le nouvel ambassadeur de France en République tchèque ce jeudi 27 octobre.