La victoire du cœur
La République tchèque est de nouveau championne du monde de hockey sur glace. Cinq ans après leur dernier titre, les partenaires de l’attaquant vedette Jaromír Jágr ont battu la Russie (2-1) à l’issue d’une finale très intense, dimanche, à Cologne, écrivant ainsi une des plus belles pages de l’histoire du sport tchèque de ces dernières années.
Qui l’aurait cru il y a encore une semaine à peine de cela ? Au fond du trou après avoir été humiliés par la Norvège (1-3) puis avoir été dominés par la Suisse (2-3), les Tchèques, auxquels tout le monde promettait alors une sortie par la petite porte, avaient échappé de justesse à une élimination précoce avant le stade des quarts de finale. Au bout du compte, ils ont été sacrés en ayant battu la Suède deux fois, le Canada, la Finlande et enfin la Russie, soit toutes les grandes nations du hockey. Et en finale ils sont venus à bout d’une Russie double championne du monde en titre, qui restait sur une impressionnante série de vingt-sept victoires consécutives au championnat du monde et dont l’équipe était composée de quelques-uns des tout meilleurs joueurs au monde actuellement. Il ne faut cependant pas s’y tromper : si Russes et Tchèques devaient s’affronter dix fois en suivant, les Russes l’emporteraient sans doute huit ou neuf fois. Mais dimanche, c’était le jour des Tchèques, et la victoire leur était sans doute promise. Car après avoir ouvert le score dès la 1ère minute de jeu par Jakub Klepiš, ils s’en sont ensuite remis pour l’essentiel aux exploits de leur gardien, Tomáš Vokoun, en état de grâce. En arrêtant 35 des 36 lancers russes, Tomáš Vokoun a été le grand artisan de la victoire tchèque, notamment dans les derniers instants du match lorsque la pression russe était à son plus fort :« J’étais sur le qui-vive avec tous ces palets qui passaient devant mon but et revenaient sans cesse. Mais toute l’équipe s’est battue, les gars se couchaient pour bloquer les tirs russes. C’est un succès formidable car tout le monde sait combien cette équipe russe est talentueuse. Notre victoire prouve surtout une chose, que le hockey est vraiment un sport d’équipe. Quand vingt joueurs tirent dans le même sens et que la chance est de leur côté, ils peuvent battre n’importe qui. »
A l’issue du match, la médaille autour du cou, l’attaquant Jaromír Jágr n’a pas oublié lui non plus de rendre hommage à son gardien, grand héros du jour :
« Il n’y a aucun doute là-dessus. Sans un excellent gardien, il est impossible de gagner en hockey aujourd’hui. Toutes les équipes savent bien défendre, la différence entre des équipes de même niveau est donc infime. C’est pourquoi il faut un gardien dont tu sais que tu peux compter sur lui. Le gardien donne confiance à ses coéquipiers. Ils savent que s’ils font une erreur, ils ont un gardien derrière eux qui rattrapera le coup. Et nous, nous savions que nous avions Vokoun dans notre but qui ne laissait rien passer. Il a été la clef de notre victoire. » Réduire la performance des Tchèques seulement aux parades de leur gardien serait toutefois une erreur. Car si la réussite était indéniablement de leur côté, comme en témoignent les deux consultations vidéo d’abord sur le but égalisateur russe annulé à la fin du premier tiers-temps puis sur le deuxième but tchèque confirmé lui à la fin du deuxième tiers-temps, les partenaires de Vokoun et Jágr ont aussi su élever leur niveau de jeu pour être à la hauteur de l’événement et de leur adversaire. Presque aussi disciplinés en défense que l’Inter Milan en football, ils n’ont toutefois jamais manqué l’occasion d’aller de l’avant, et leur deuxième but a été une merveille de contre-attaque. Au final, c’est une équipe en laquelle personne ne croyait avant le début du tournoi qui a décroché le sixième titre de champion du monde de la République tchèque depuis la partition de la Tchécoslovaquie en 1993 (le douzième en tenant compte des victoires antérieures de la Tchécoslovaquie). Une équipe composée de joueurs mal connus, dont la majorité n’ont dû leur présence qu’à l’absence de plus de vingt joueurs NHL blessés ou pas motivés, et qui est parvenue jusqu’en finale après avoir éliminé la Finlande et la Suède en quarts et demi-finales à l’issue des tirs au but. Contre la Suède, samedi, les Tchèques ont même égalisé à huit secondes seulement de la fin du temps réglementaire… Une équipe au destin improbable, donc, qui a pourtant plongé des millions de Tchèques dans une folle joie dimanche soir.