Pour les Tchèques aussi, fumer dans les bars et restaurants est désormais interdit
Cette fois, les Tchèques n’y échapperont pas. Depuis ce mercredi, moment de l’entrée en vigueur de la loi dite antitabac, il est interdit de fumer dans tous les bars, restaurants et autres lieux publics de convivialité en République tchèque. Une révolution dans un pays où boire de la bière ou du café dans une ambiance enfumée faisait partie de la culture populaire.
Les médias tchèques, multiples chiffres, reportages et autres commentaires à l’appui, ont réservé une (très) large place à l’entrée en vigueur de ce texte officiellement intitulé « loi sur la protection de la santé contre les effets négatifs des substances engendrant une dépendance ». A en croire leur lecture, les avis sont partagés sur les bienfaits de cette nouvelle mesure, comme le confirme l’avis de Jakub Donát, serveur dans une brasserie pragoise :
« Je ne pense pas qu’il y aura moins de monde, car les gens n’auront pas le choix. Ceci dit, ce n’est pas une bonne chose. Ici, nous avons différentes salles pour les fumeurs et les non-fumeurs comme dans beaucoup d’autres établissements. Interdire complétement est, selon moi, un non-sens. Les gens fumeront dehors, ce sera sale, il y aura du bruit… Non, franchement, je ne vois pas le sens de tout cela. »Selon un sondage réalisé par l’Université Charles de Prague il y a deux ans de cela, une très grande majorité de Tchèques (78%) sont toutefois favorables à l’interdiction de fumer, tout comme près de 40% des fumeurs quotidiens. Des chiffres que confirment Karel Doubek, manager du restaurant U Pinkasů, un établissement traditionnel situé à proximité de la place Venceslas et dans lequel la bière de Plzeň coule à flots depuis plus d’un siècle et demi :
« Nous sommes un restaurant qui écoute et respecte les souhaits de ses clients. Il y a dix ou douze ans de cela, nous étions encore un établissement classique dans lequel il était possible de fumer absolument partout. Ce sont les clients eux-mêmes, du moins la majorité d’entre eux, qui ont demandé à ce qu’il n’en soit plus ainsi. Le résultat est que, avant même l’entrée en vigueur de la loi, les trois quarts du restaurant étaient déjà des salles dans lesquelles il était interdit de fumer. Les gens ont eu le temps de se préparer à cette nouvelle loi, et je pense qu’un très grand nombre, y compris parmi les fumeurs, y est favorable. L’expérience des autres pays en Europe montre que c’est une évolution positive pour tout le monde, et les gens en sont conscients. C’est pourquoi je ne pense pas qu’il s’agisse là de quelque chose de dramatique qui fera fuir les clients. »
Depuis l’adoption en 2005 d’une première version qui instaurait l’interdiction de fumer dans les lieux publics, y compris en plein air aux arrêts de bus ou de tramway et sur les quais des gares, le projet visant à l’interdiction complète de fumer dans les lieux à usage collectif a fait l’objet de maintes controverses au sein des diverses coalitions gouvernementales qui se sont succédés au pouvoir et de nombreux rejets par les députés tchèques. Pourtant, comme le rappelle Jindřich Vobořil, coordonnateur du programme national de lutte anti-drogue, on oublie trop souvent l’intérêt premier de cette interdiction, qui concerne aussi par exemple la vente d’alcool aux mineurs :« Le but primaire de cette loi n’est pas de réduire le nombre de fumeurs, mais d’abord de protéger la santé des employés qui travaillaient dans des lieux où fumer était autorisé. Cela restait un des rares domaines d’activité où cela était encore possible. Bien entendu, l’adoption de cette loi est une mesure supplémentaire qui doit aussi contribuer à faire prendre conscience aux gens que fumer comporte des risques pour la santé. »Malgré ces risques, fumer en République tchèque restera toutefois possible par exemple sur les terrasses des restaurants, avec l’accord du propriétaire.