Concert du Jour de l'An

C'est déjà une tradition. La section française de Radio Prague présente au début de l'année un concert. Aujourd'hui, nous aimerions vous offrir avec les voeux de la Nouvelle année aussi quelques compositions d'un genre plutôt léger. Nous allons vous présenter deux compositeurs tchèques dont nous ne parlons pas très souvent, mais dont les oeuvres sont très connues. Vous allez constater d'ailleurs que vous avez entendu déjà quelques unes de ces mélodies célèbres.

"Vous avez du talent et du coeur - c'est un don rare." C'est ce qu'a dit le compositeur Antonin Dvorak à son élève Julius Fucik. Un autre jour, il lui a dit en rigolant: "Je vous vois comme un chef de fanfare militaire qui sera gros et ne fera rien." Cette prophétie n'allait se réaliser qu'en partie. En effet Julius Fucik devait devenir chef de fanfare et compositeur renommé. Par contre il n'avait rien d'un paresseux, il travaillait beaucoup et a donné à la musique tchèque de nombreuses compositions dont la popularité ne s'est jamais démentie. Il n'a vécu que 44 ans, et c'est peut-être pour cela que ses oeuvres restent étonnamment jeunes. Aujourd'hui comme hier, ses marches et ses valses figurent dans le répertoire de nombreux orchestres et le public continue à savourer les richesses mélodiques, le tempérament et les rythmes vifs de ces petits chefs-d'oeuvre.

La Marche florentine, les valses Légendes danubiennes, Tempête de neige, l'ouverture Marinarella ou la polka Le vieux bougon continuent à nous plaire et à nous amuser. Mais son oeuvre la plus célèbre est sans doute la marche "Entrée des gladiateurs" qu'on peut entendre souvent dans des cirques, mais aussi, par exemple, aux Jeux olympiques ...

Julius Fucik était chef d'une fanfare militaire dans l'armée de l'empire austro-hongrois. On dirait que son métier ne lui donnait pas assez d'espace pour cultiver l'art de la composition. Et pourtant on est toujours étonné en écoutant ses oeuvres pleines de tempérament, de charme et d'humour. Aujourd'hui encore, on admire la richesse et l'originalité de son inspiration qui ont hissé ses marches, ses valses et ses polkas, donc les genres mineurs, au niveau de l'art et en ont fait les classiques du genre. Il était sans prétention, il ne cachait pas qu'il voulait amuser son public, et il a merveilleusement réussi. On raconte une histoire sur sa composition pour basson intitulée "Le vieux bougon".

Un jour Fucik a laissé entendre, devant quelques amis, que cette pièce caractéristique lui avait été inspirée par "le Vieux" c'est-à-dire le commandant de son régiment. L'armée autrichienne étant pleine de rapporteurs, son secret a été bientôt révélé au commandant, et ce dernier s'en est offusqué. L'indiscrétion aurait pu dégénérer en une affaire désagréable et même dangereuse pour le compositeur. Dans un accès de colère, le commandant a appelé le pauvre musicien, l'a sermonné d'une voix tonitruante et est allé jusqu'aux menaces. Fucik ne s'est pas laissé impressionner et a gardé son calme. Il a expliqué au "Vieux bougon" que la composition n'avait rien de sournois et qu'il était loin de l'intention de tourner en ridicule l'officier vénérable. Il a parlé au commandant du caractère gentil et souriant de cette composition pleine de bonne humeur. La colère de l'officier est tombée, mais sa rancune ne s'est pas dissipée pour autant. Il a décidé de soumettre l'oeuvre scandaleuse à un examen sévère. Mais le lendemain, après avoir entendu la composition, il a accueilli Fucik avec un sourire et lui a serré la main. "Fucik, vous êtes un crack colossal, a-t-il dit. Eh bien, d'après ce bougonnement ça pourrait être moi, mais, a-t-il ajouté, si je râlais d'une façon aussi, aussi ... "mélodieuse", les soldats se ficheraient complètement de moi ..."

Connaissez-vous les opérettes Rose-Marie, Les Trois Mousquetaires, l'Oiseau du paradis? Leur auteur s'appelle Rudolf Friml. Dans les dernières années du XIXème siècle, Rudolf Friml étudiait au conservatoire de Prague. Parmi ses professeurs, il y avait Antonin Dvorak. Friml était un étudiant talentueux, mais extravagant. Ses cheveux longs qui le faisaient ressembler à Franz Liszt, ses fantaisies vestimentaires, son manque de discipline, ses opinions originales attiraient, certes, l'attention sur lui, mais déplaisaient sans doute à ses professeurs. Comme il n'a pas respecté l'interdiction de participer à des productions musicales en dehors du conservatoire, il a été chassé de cet établissement. Et qui sait, c'était peut-être bien pour sa carrière. A partir de ce moment, il a pu jouer sans problèmes dans des théâtres, et il est parti finalement aux Etats-Unis. Son talent et les qualités de sa musique l'ont imposé bientôt comme un des compositeurs de music-hall les plus en vue des années vingt. Ses opérettes étaient jouées dans des théâtres de Brodway, Hollywood a porté à l'écran ses plus grands succès, Rose-Marie et l'Espionne espagnole. Rose-Marie, incarnée à l'écran par Jeanette Mc Donald, lui a apporté une véritable gloire. Le Chant d'amour indien tiré de cette opérette est devenu un grand tube...

Pendant sa longue vie, Rudolf Friml allait créer plus d'une trentaine d'opérettes, mais aussi d'autres oeuvres. Vers la fin de sa vie, il voyageait beaucoup et revenait assez souvent à Prague. Le vieux maître ne manquait pas du sens de l'humour. Quand il passait devant la salle de concert du Rudolfinum, il se souvenait de son professeur Antonin Dvorak: "J'étais un étudiant sans doute insupportable, parce que je voulais savoir trop de choses. Souvent j'accompagnais Antonin Dvorak, quand il retournait à la maison. Et je n'en finissais pas de lui poser des questions. Il devait être bien fatigué par un type aussi rasant et cherchait sans doute le moyen de se débarrasser de moi. Un jour on arrive, comme ça, place Venceslas, et il me dit, devant un bureau de tabac: "Friml, attends ici, je vais acheter un cigare." J'attends donc, j'attends, Dvorak ne revient pas. J'entre dans le bureau de tabac, mais Dvorak n'est pas là. Je demande donc au buraliste où le maître Dvorak est passé, et il me dit: "Dvorak est venu il y a une demi heure, il a acheté un cigare de Virginie et m'a demandé s'il pouvait sortir par la porte de derrière..."

C'était donc quelques airs célèbres de compositeurs tchèques. Ainsi prend fin la première émission de l'année de la section française de Radio Prague. Nous vous souhaitons pour l'année 2003 la santé, le bonheur et la prospérité et espérons que Radio Prague continuera encore longtemps à vous informer et à vous divertir.