Une visite de la ville morave d'Ivancice
Aujourd'hui, je vous invite à Ivancice, une pittoresque ville de la Moravie du sud possédant une longue histoire, lieu de naissance d'hommes connus et célèbres, dont le peintre et affichiste, Alfons Mucha.
Ivancice se trouve non loin de Brno, métropole morave, en direction du sud-est de cette dernière. A l'origine, c'était un lieu fortifié, avec un marché, sur le mont de Réna, né sur un vieux sentier commercial reliant la région du Bas Danube au bassin tchèque. Vers 1212, une ville a été fondée sur cet emplacement qui devait sa prospérité au commerce et à la culture de la vigne. En 1304, Ivancice a été détruite et dépeuplée après une attaque militaire. Une seconde colonisation de la ville a marqué un nouvel épanouissement qui allait se poursuivre jusqu'à la guerre de Trente Ans. Déjà au XIVe siècle, Ivancice a été une ville royale et possédait ses propres armoiries - trois comportes de vins et une fourche, plus tard des coupes. Au XIVe également, la ville a été entourée de remparts et dotée par les rois de Bohême et les margraves de Moravie de nombreux privilèges. Jusqu'au XVIIe siècle, Ivancice a été la 7e ville de Moravie.
Au XVIe siècle, grâce à l'Union des Frères moraves, Ivancice est devenue un important centre spirituel et culturel. De 1558 à 1571 y a siégé l'évêque de l'Union, Jan Blahoslav, qui y a fait fonder une imprimerie, transférée 20 ans plus tard à Kralice, au nord de la Moravie, où la fameuse Bible de Kralice a vu le jour. A Ivancice, Jan Blahoslav a publié ses écrits: la traduction en tchèque du Nouveau testament, les cantionnaires d'Ivancice, la Grammaire tchèque...
Une puissante communauté juive, avec de nombreux rabbins érudits, prospérait à Ivancice dans la période de tolérance religieuse, avant la guerre de Trente Ans. Cette dernière a dépeuplé la ville. La population est partie en exil ou a succombé à la peste. Après sa confiscation par les Liechtenstein, la ville a perdu sa position d'autrefois.
Au XIXe siècle, Ivancice est devenu l'un des premiers centres du mouvement pour le renouveau de la langue et de la culture tchèque, le Réveil national. Après 1848, elle a été siège du tribunal régional et centre de la vie économique de toute la région. Parmi les monuments historiques d'Ivancice, il convient de mentionner l'église paroissiale de l'Assomption de la Sainte Vierge, dominante de la place centrale. Sa construction a commencé en 1288. Endommagé par un incendie, en 1304, elle a été terminée dans le courant du 15e siècle.
Une basilique romane Saint-Pierre et Saint-Paul édifiée vers 1160 par le prince des Premyslides, Konrad Ota, porte les traces de constructions semblables en Lombardie italienne. Dans les pays au nord des Alpes, la basilique d'Ivancice est la plus proche de la chapelle de Ratisbonne, en Bavière. Elle représente un monument d'importance européenne.
Le bâtiment de la municipalité est aussi remarquable du point de vue historique et architectonique. A l'origine, c'était un château fort dont les murs occidentaux faisaient partie des remparts municipaux.
Les restes du complexe des bâtiments des Frères moraves des XVIe - XVIIe siècles représentent aussi un monument précieux. C'est ici que travaillait l'imprimerie clandestine des Frères moraves sous la conduite de l'évêque Jan Blahoslav. Son monument de 1931 se trouve en face du complexe.
Un autre monument à découvrir à Ivancice - le cimetière juif qui, après celui de Prague et de Kolin, est le plus ancien en République tchèque. La pierre tombale la plus ancienne est datée 1552. Les Juifs s'installaient dans cette localité depuis le 9e siècle, à l'ère de l'empire de la Grande Moravie. Ils participaient à l'édification des remparts médiévaux ce qui explique qu'il leur était permis de déménager de la banlieue en ville, sous leur protection.
La ville d'Ivancice est réputée non seulement par ses monuments, mais aussi par ses originaires célèbres. A part l'évêque de l'Unité des Frères moraves, Jan Blahoslav, déjà mentionné, c'est incontestablement Alfons Mucha, né ici le 24 juillet 1860. Peintre et affichiste de renom mondial, l'un des fondateurs de l'Art nouveau. Il a quitté Ivancice en 1879 pour les ateliers de décoration de Vienne. En 1887, il s'installe à Paris. Un tournant dans sa vie s'est produit au moment où il a obtenu la commande de réaliser l'affiche pour l'actrice la plus célèbre de l'époque, Sarah Bernhard. D'un jour à l'autre, il devient un artiste mondialement célèbre et reconnu. La période de la plus grande gloire est celle autour de 1900, lorsque à l'exposition universelle à Paris, le style "Mucha", comme on appelait son art, est patent à chaque pas. Dans le milieu parisien, Mucha est accueilli comme décorateur. Pour franchir ce cadre, il a fallu qu'il vienne avec quelque chose de bouleversant. C'est ainsi qu'est né le projet ambitieux de l'Epopée slave: une célébration monumentale des peuples slaves. Il le crée dans sa patrie, où il retourne, en 1910. Pendant 18 ans, il travaille sur la création de toiles de dimensions imposantes. Le cycle de 20 tableaux, Mucha l'a offert en don à la ville de Prague. Après la fondation de la République tchécoslovaque, en 1918, Mucha a été l?auteur du premier timbre-poste et d'un billet de banque du nouvel Etat. Mucha a toujours gardé un lien étroit envers la ville d'Ivancice. En témoigne son tableau le Souvenir de la ville natale, une affiche créée à l'occasion d'une exposition régionale et une illustration de la première page de la chronique municipale. Un rideau ornant, aujourd'hui, la salle de mariage de la mairie est aussi une oeuvre d'Alfons Mucha. Le musée abrite quelques originaux et objets du maître. Après 1989, le monument Alfons Mucha a été édifié dans sa maison natale. L'artiste est mort à Prague, le 14 juillet 1939, des suites d'une pneumonie, après un interrogatoire à la gestapo.
Ivancice est, pour les Tchèques, synonyme d'un phénomène incontournable du film, de la télévision et du théâtre tchèque, l'acteur Vladimir Mensik. Il n'est sans doute pas connu en France, mais il reste, même après sa mort prématurée en 1994, un comédien immortel. Il a joué dans plus de 120 films. Il est toujours considéré comme un acteur populaire au meilleur sens du terme. Il a su jouer par le coeur ce qui lui a valu plusieurs fois le titre de meilleur acteur de l'année, de nombreuses distinctions et prix du cinéma. Une plaque commémorative a été dévoilée, en 1994, sur sa maison natale à Ivancice.