Après l'Oiseau-Mouche, la Compagnie Axe Sud met à son tour en exergue le théâtre africo-français au Festival de Hradec Kralové
Après le formidable courant d'émotion soulevé, lundi, par la singulière Compagnie l'Oiseau-Mouche de Roubaix (voir article du 24.06.2003) et ses attachants comédiens, une deuxième troupe française était à l'affiche, ce mardi, du IXe Festival des Théâtres des régions d'Europe de Hradec Kralové, en Bohême de l'est.
La Compagnie Axe Sud de Paris interprétait « 13 décembre, ligne 9 », pièce de l'auteur et metteuse en scène d'origine ivoirienne Mata Gabin. Sur les planches du Studio Beseda, trois comédiennes, trois femmes, trois couleurs, et trois âmes ont partagé avec le public leurs douleurs. Celles d'une histoire vraie qui peut arriver à chacun d'entre-nous : sans raison existante, vous devenez, un jour, la victime d'un agresseur inconnu sans que les témoins autour de vous, indifférents à votre malheur, ne réagissent. Ce drame, Mata Gabin l'a connu. Pour se soigner, elle raconte son histoire avec des mots, un langage poétique et théâtral pour rassembler et, toujours, partager les émotions. La veille de sa représentation à Hradec Kralové, Lucie Nemeckova, responsable de la dramaturgie du Festival, nous a présenté la compagnie Axe Sud. Elle nous explique son choix d'avoir fait venir cette troupe qu'elle a découverte l'an dernier au Festival d'Avignon :
« La pièce de Mata Gabin « 13 décembre, ligne 9 » est une pièce qui parle d'une jeune femme voyageant, un jour, en bus et qui est agressée, sans raison, par un type de 15 ans. C'est en fait l'histoire de Mata Gabin, une histoire au sujet de laquelle elle a eu, par la suite, le besoin d'écrire. Mata Gabin est à la fois une actrice, une metteuse en scène et une auteur de théâtre. Trois filles jouent dans cette histoire, une noire, une blanche et une métisse. On peut dire que c'est un texte un peu féministe, mais surtout contre le racisme. Pour moi, cette année, au Festival, c'est l'occasion d'une rencontre entre la France et l'Afrique en République tchèque. »
La pièce de Mata Gabin « 13 décembre, ligne 9 » était, en effet, la deuxième oeuvre d'un auteur africain inscrite au programme du festival après « Bintou » de Koffi Kwahule. Lucie Nemeckova tenait à ce que le public de Hradec Kralové puisse découvrir cette confrontation africo-française :
« Cette année, j'ai choisi le thème de l'Afrique et de la France. Pourquoi ? « Bintou », c'est une pièce de Koffi Kwahule, un auteur ivoirien bien connu en France, mais aussi en Allemagne ou en Angleterre. L'Oiseau-Mouche (qui interrprète cette pièce), quant à eux, ce sont des acteurs également très connus en France, qui ressemblent à la troupe tchèque (de Prague) Bohnicka divadelni spolecnost, dans le sens où c'est une compagnie qui travaille avec des comédiens handicapés. Pour moi, cette rencontre avec des acteurs français, blancs, qui jouent un auteur africain qui, à l'origine, avait écrit la pièce pour les Africains, est très intéressante. Pour lui (Koffi Kwahule), c'était très curieux de voir sa pièce jouer par des comédiens non africains. Encore une fois, selon moi, c'est un aspect vraiment intéressant. »
-Alors justement, selon vous, comment le public de Hradec Kralové, qui est un vrai public de théâtre, va-t-il réagir à cette rencontre africo-franco-tchèque ?
« D'abord, il faut dire que « Bintou » comme « 13 décembre, ligne 9 » sont des spectacles qui parlent de questions qui nous concernent. Parce que la violence ici, l'histoire de Mata Gabin est une histoire qui peut arriver à chacun d'entre-nous, chacun peut la vivre. Et l'histoire de la Bintou de Koffi Kwahule, c'est celle d'une jeune fille qui vit en banlieue. C'est sa révolte contre le monde des adultes, Bintou se bat pour sa vie. Donc, ce sont des questions qui sont très proches de notre public, et je pense que les gens vont bien le comprendre. »