Skryjska jezirka - les lacs de Skryje
L'été est encore là et même si c'était l'automne, cela ne changerait rien. L'endroit où je vais vous emmener virtuellement, est aussi charmant en été qu'en automne ou au printemps.
On peut s'y aventurer même en hiver, sauf qu'en cas de haute neige le chemin pourrait être un peu glissant. Je vais vous faire découvrir les lacs de Skryje (Skryjska jezirka) se trouvant dans la région de Krivoklat à l'ouest de Prague, sur le ruisseau de Zbiroh. Mais il ne faut pas vous attendre à de grandes surfaces d'eau, vous seriez déçu. C'est une brèche qui forme une vallée romantique avec de petites cascades, des rapides et des marmites torrentielles. Le débit et la couleur de l'eau sont influencés par les conditions climatiques et les saisons. Les petits lacs ne sont guère profonds, mais on peut s'y rafraîchir en pataugeant dans l'eau montant jusqu'aux genoux, par endroit mi - cuisses ou plus, cela dépend toujours de la saison. En 1995, la vallée a été déclarée réserve naturelle. Et bien évidemment, j'ai pour vous une petite légende qui se passe au moyen âge en réserve.
A l'époque médiévale, les forêts de la région de Krivoklat étaient très profondes, parfois même infranchissables. Le ruisseau était plus sauvage, les rochers plus noirs, car les rayons de soleil n'arrivaient pas à pénétrer les branches épaisses des feuillus et des conifères abondants. Seuls quelques solitaires intrépides s'aventuraient dans la forêt. En ces temps anciens, les lieux étaient plutôt habités par des brigands ou des ermites. C'était également le royaume des créatures surnaturelles. Les elfes croisaient les dryades, les ondines dansaient à la surface de l'eau, de minuscules petits nains verts sautillaient sur les mousses et lichens. Ils n'étaient pas méchants avec les bonnes et honnêtes gens, mais gare à celui dont l'âme étaitt noircie par le péché !
Toutes ces créatures étaient bien sûr dominées par une reine - la Reine de la forêt et des ruisseaux. Elle était belle, mais c'était une beauté surnaturelle, ne plaisant pas forcément à tout le monde. La Reine de la forêt et des ruisseaux avait d'interminables cheveux d'un vert mousse, le regard de ses yeux de la même couleur était lointain, ses lèvres viraient au bleu-vert, les traits étaient réguliers, fins, le teint translucide. Elle était grande et incroyablement mince. Donc c'était plutôt l'étrangeté de son apparence et son aura de mystère qui attiraient l'attention comme un aimant. La reine avait le don de se métamorphoser en toute sorte de choses ou de créatures. Ainsi, elle était partout et nul part. Tantôt elle prenait la forme, d'une souche, d'une biche, d'une jeune fille paysanne, d'une fleur, d'un sanglier, d'un glaçon ou alors elle se transformait en brouillard épais.
En ces temps, vivait dans un des villages de la région une bien belle et gentille jeune fille dont les parents étaient très riches. Elle s'était éprise d'un jeune homme beau et brave, mais par malheur assez pauvre. Les parents avaient déjà choisi le mari pour leur fille unique. Evidemment, celui-ci était dix fois plus riche qu'eux. Mais c'était un petit vieux chétif, pas très bien bâti, la peau collée aux os, le teint jaunâtre. Il avait mauvais caractère, était vindicatif et lâche. La jeune fille, très malheureuse pleurait tous les jours au bord du ruisseau de Zbiroh. Il va de soi que finalement elle se fit entendre par les esprits des eaux, de petits êtres ressemblants à des gouttes d'eau. Ils sortirent de l'eau et entourèrent la jeune fille couchée sur l'herbe. "Pourquoi pleurs-tu ? Si jeune et si jolie que tu es", demandèrent-ils. "Mes parents m'obligent à épouser un homme riche, vieux et laid. Mais moi j'aime quelqu'un d'autre. Oh, pauvre de moi, que vais-je devenir !", sanglotait la jeune fille. "Attends, ne désespères pas. Nous pourrons peut-être t'aider", gloussèrent les petites créatures en sautillant sur l'herbe. Puis elles disparurent. La jeune fille se sentit tout de même un peu réconfortée. Les esprits des eaux allèrent sans tarder raconter le malheur de la jeune fille à la Reine de la forêt et des ruisseaux. La belle reine, prête à aider ceux qui le méritaient et à corriger les méchants et perfides, sourit. Sans un mot, elle se métamorphosa en poisson, sauta dans l'eau et nagea jusqu'au village. Là, elle pris la forme d'un chat, se dirigea d'abord vers la maison des parents de la jeune fille et ensuite vers la demeure du futur mari de la jeune fille. La demeure somptueuse se trouvait à l'écart du village. "Oui, je vois tout à fait ce qu'il faut faire", murmura-t-elle tout bas et repris sa forme originale, Puis, la reine fit un geste souple de la main et disparut. Sur le coup, le chemin menant de la demeure du vieux richard fut parsemé de pépites d'or et de pierres précieuses.
La nuit tombait déjà et le vieux, sortit comme à son habitude, pour contempler ses vastes terrains. Dès qu'il fit quelques pas, il remarqua les pépites et les pierres précieuses. Il retourna rapidement chez lui pour chercher une bourse en cuir et se mit à ramasser les précieux objets. Il marchait et ramassait, sans se rendre compte qu'il approchait de la forêt et des lacs de Skryje. Soudain il entendit un hurlement sinistre. Il leva la tête et tressaillit. C'est là que l'homme réalisa qu'il se trouvait bien loin de chez lui, en pleine forêt profonde. Il sentit une sueur glacée lui couler le long de l'échine. Puis il vit la tête d'un chien noir aux yeux étincelant au bord de l'eau. L'homme ne put bouger, clouer sur place par la peur. Le chien sauta sur un rocher se trouvant au- dessus d'un des petits lacs de Skryje, en faisant tomber une avalanche de pierre. A l'instant une énorme vague couleur bleu roi se souleva, retomba sur le petit vieux et le projeta dans le lac. Tout à coup, l'innocent petit lac était devenu très profond. Le pauvre homme gigotait dans l'eau. "Au secours, je vais me noyer", hurla- -il. Ce fut alors la Reine de la forêt et des ruisseaux qui jaillit comme une flèche à la surface. "Si tu promets de faire ce que je te dirais, tu vivras, au cas contraire, tu mourras", l'interpella-t-elle. "Je ferais tout ce que tu voudras, mais ne me laisse pas mourir", supplia le chétif petit-vieux. "Bien, renonces alors à ton mariage avec la belle jeune fille et laisses la épouser l'homme de son coeur. Et ce n'est pas tout", ajouta-t-elle encore. "Il faut que tu donnes au pauvre garçon qu'elle aime une fortune assez élevée pour que les parents de la jeune fille se décident à consentir au mariage". Le vieux richard fut d'accord avec tout, tellement il avait peur. La reine fit encore un de ses gestes souples de la main et le petit vieux perdit conscience.
Lorsqu'il se réveilla, il était dans son lit. Il aurait cru à un cauchemar s'il n'avait pas été dans son lit trempé jusqu'aux os, les poches pleines de pépites et de pierres précieuses. Le lendemain, il alla expliquer aux parents de sa futur femme qu'il renonçait au mariage, s'estimant trop vieux pour elle. Puis, il porta les pépites et les pierres précieuses au jeune homme pauvre. Celui-ci courut chez les parents de la jeune fille pour demander la main de leur fille. Cette fois, les parents n'y voyaient pas d'objection et le couple se maria. Le petit vieux ne raconta jamais à personne la vraie raison du brusque changement de sa décision.