Kvetuska et les animaux

Au XVIIIe siècle, vivait en Moravie du Nord, dans la ville de Roznov pod Radhostem, un riche bourgeois avec sa femme et sa fille unique, Kvetuska.

C'était une très jolie et gentille jeune fille brune. La famille était très unie et vivait des jours heureux. Mais peu après le seizième anniversaire de Kvetuska, sa mère mourut d'une pneumonie. Une année s'écoula et le père se remaria. Il épousa une très belle femme blonde. Elle était méchante, perfide, aimait plus l'argent que son époux et détestait profondément sa belle-fille, qu'elle jalousait. Pourtant, elle ne pouvait pas trop manifester sa méchanceté car le mari protégeait sa fille qu'il adorait. Kvetuska pleurait souvent sa mère qui lui manquait beaucoup. Son seul réconfort était de faire du cheval et d'observer les animaux dans la forêt. Elle leur parlait, leur donnait à manger en hiver, ils étaient ses amis.

« Viens donc gentil écureuil ! Descends de ton arbre ! Je t'ai apporté quelques noisettes. Et vous, les biches, bien sûr que pour vous aussi j'ai de bonnes choses à se mettre sous la dent... Des pommes, des carottes...Ah, coquine, ne mets pas le nez dans ma poche ! Oh, c'est vous les sangliers ! Que vous êtes gros ! Voilà des marrons ! »

Un malheur n'arrive jamais seul. Deux ans après le décès de sa première épouse, le père de Kvetuska succomba à une septicémie provoquée par une blessure banale qui s'infecta. La pauvre jeune fille resta orpheline. La belle-mère profita du triste événement pour commencer à vraiment maltraiter Kvetuska. Sa méchanceté se déchaîna avec la violence d'une furie. La belle et méchante femme lui faisait faire les pires travaux et lui affligeait de cruelles punitions si elle manquait à son devoir.

« Tiens ! minable, nettoie mes chaussures ! Elles sont pleines de boue et après va nettoyer tous les fourneaux, les sols et les miroirs ! N'oublie pas les lustres en cristal ! Noël approche, il faut absolument que la maison brille de propreté. Tu t'occuperas aussi de décorer notre demeure pour qu'elle soit splendide. Pendant les Fêtes, j'attends la visite d'un gentilhomme auquel je tiens beaucoup. »

La pauvre jeune fille se mit au travail. Elle travaillait dur et ne mangeait que des oignons et des choux-raves cuits. C'était toute la nourriture que la méchante belle-mère l'autorisait à manger. La veille de Noël, un grand dîner fut organisé. L'arbre illuminait l'immense salon et les éclats de lumière faisaient scintiller les bijoux des invités. Après le festin, on distribua les cadeaux, mais évidemment aucun ne fut pour Kvetuska. Pour le jour suivant, la belle-mère pensait déjeuner en tête-à-tête avec son gentilhomme adoré. Elle avait prévu de l'oie. L'oiseau rôtissait au four et Kvetuska, terriblement affamée, en avait l'eau à la bouche.

« Hier, tout le monde a reçu des cadeaux, sauf moi. Tant pis, passons. D'ailleurs, je m'y attendais. Mais j'ai tellement faim ! Que c'est agréable de sentir l'odeur de l'oie rôtie ! J'aimerais tellement en manger mais je sais pourtant que je n'en verrai que les os. Ah, elle est là, prête à être servie ! Je vais goûter juste un petit morceau, il y en aura toujours assez pour eux deux. Une aile...Mmmh, que c'est bon ! »

A l'instant même, la belle-mère entra dans la cuisine pour voir où en étaient les préparations.

« Misérable, j'ai tout vu ! Tu es une voleuse ingrate. Sors de cette maison et n'y reviens jamais plus ! »

Et elle jeta la pauvre jeune fille dehors, seulement vêtue d'un simple châle en laine. Kvetuska dirigea ses pas vers la forêt, son grand réconfort. Le froid lui mordait le visage, ses pieds et ses mains étaient de glace. Elle avançait sans trop savoir où elle allait. La jeune fille marchait depuis déjà des heures, perdue dans ses tristes réflexions. Kvetuska sentait une irrésistible envie de dormir.

« Je suis si fatiguées et mes jambes sont si molles que je n'arrive plus à avancer. Je vais m'asseoir sur ce tronc d'arbre pour me reposer un peu. »

Aussitôt, ses yeux se fermèrent, son corps s'affaissa et Kvetuska s'endormit. Elle ne s'aperçut même pas qu'un lièvre la guettait caché derrière un sapin. Intrigué, il s'approcha, la renifla et, inquiet, courut vite réveiller l'ours brun hibernant dans sa grotte.

« Réveille-toi ! Vite, vite ! »

« Pourquoi hurles-tu comme un fou coquin de lièvre ? Si tu m'as réveillé sans raison valable, tu vas voir comment je vais te corriger ! »

« Non, non. Viens vite ! Viens ! Notre gentille amie Kvetuska est en danger. Elle dort sur la neige et si tu ne viens pas pour l'emporter au chaud, elle va geler. Tu es grand et fort, moi je ne pourrais même pas la soulever. »

L'ours sortit de sa tanière et suivit le lièvre. Une fois arrivé, il vit Kvetuska déjà raidie par le froid, à moitié gelée, la mort au bout de ses lèvres blanches.

« Quelle idée de s'endormir par un tel froid et si peu vêtue ? Viens, je vais te réchauffer. »

L'animal prit la jeune fille dans ses bras et la transporta dans sa tanière. Tous les animaux s'étaient déjà réunis tout autour. Le coucou a bien fait son travail. Les animaux formèrent un cercle serré autour de Kvetuska et les lapins sauvages, lièvres et biches se blottirent contre le corps de la jeune fille. Bientôt, elle ouvrit des yeux étonnés.

« Où suis-je ? J'ai faim. »

L'ours puisa dans ses provisions et tendit à la jeune fille une galette de miel et de framboises. Elle mangea avidement et bientôt, son visage reprit des couleurs et elle raconta ses malheurs aux animaux.

« Bien. Alors tu resteras avec nous. Tu peux habiter chez l'ours. C'est grand, chaud et il a des choses que tu peux manger en tant qu'être humain. »

Ainsi, Kvetuska resta dans la forêt passant une vie tranquille avec ses amis les animaux. Les mois passèrent. C'était l'automne, période de chasse. Tous les animaux avaient peur et se cachaient craignant les fusils des chasseurs et les dents de leurs chiens. Un jour, on entendit les cors sonner tout près de la tanière de l'ours. Kvetuska sortit de la grotte avec l'animal mais il était déjà trop tard. Une balle l'atteignit en pleine poitrine et l'ours tomba. Heureusement que la blessure n'était que superficielle.

« Qu'as-tu fait, misérable ! », s'écria la jeune fille en regardant avec colère un beau jeune homme vêtu d'un habit de chasse cher et élégant, qui avait fait partir le coup. « Maintenant tu vas m'aider à le soigner. »

Le jeune homme était très confus. Il ne comprenait pas pourquoi une si belle jeune fille habitait dans la tanière d'un ours et encore moins ce qu'elle faisait là.

« Bien. Je regrette mon geste et si tu le veux bien, je vais faire transporter l'ours dans mon château et toi, tu vas l'accompagner. »

Aussitôt dit, aussitôt fait. L'ours guérit rapidement. Kvetuska et le jeune homme le relâchèrent dans la nature où il était le plus heureux. Et comme les deux jeunes gens étaient amoureux l'un de l'autre, ils se marièrent et Kvetuska resta au château. Bientôt elle oublia tous les malheurs du passé, ainsi que sa belle-mère qui n'était point belle du tout car elle avait été défigurée par une brûlure de bougie dont la flamme s'était retournée contre son visage avec un courant d'air.