Réforme de la politique migratoire de l’UE : les partis de l’opposition critiquent le gouvernement
Les partis de l’opposition à la Chambre des députés ont vivement critiqué le gouvernement après que le ministre de l’Intérieur a approuvé, la semaine dernière à Luxembourg, la proposition de réforme de l’Union européenne en matière de migration. Selon le leader du parti d’extrême droite SPD, le cabinet ne possédait pas de mandat pour valider les deux réglements, tandis que le mouvement ANO dirigé par l’ancien Premier ministre Andrej Babiš a demandé une réunion extraordinaire de la Chambre basse du Parlement, qui se tiendra ce mercredi.
« Ce que je tiens à dire encore une fois, et c’était le mandat du gouvernement, c’est que la République tchèque refuse les quotas. » Le ministre de l’Intérieur et vice-Premier ministre Vít Rakušan a eu beau insister sur le fait que la République tchèque avait obtenu satisfaction après l’abandon du principe de quotas de répartition des migrants par pays, le débat promet d’être animé à la Chambre des députés ce mercredi après-midi sur un sujet de l’accueil des demandeurs d’asile toujours très sensible.
En effet, à la différence de la Hongrie et de la Pologne, ses pays « partenaires » au sein du groupe de Visegrád, qui ont voté contre, et de quatre autres pays, parmi lesquels notamment la Slovaquie, qui se sont abstenus, la République tchèque a, elle, accepté la proposition de réforme de l’UE en matière de migration. Celle-ci prévoit notamment la mise en place d’une procédure accélérée obligatoire aux frontières et le principe d’une solidarité dite « obligatoire » entre États pour soulager ceux du sud de l’Europe qui sont en première ligne face à la migration irrégulière.
L’initiative prise par le gouvernement déplaît toutefois fortement aux deux partis de l’opposition à la Chambre basse du Parlement, le mouvement populiste ANO de l’ancien Premier ministre Andrej Babiš et le parti d’extrême droite SPD (Liberté et Démocrate directe), comme en témoignent les propos, à la Télévision tchèque, d’Ivan David, député européen du mouvement ANO, membre du groupe Renew Europe au Parlement européen, où les réglements adoptés jeudi dernier devront encore être négociés :
« Je pense que l’ensemble du principe est mauvais. Il est important de rappeler que nous en tant qu’UE devons aider dans les pays [d’origine des migrants], mais pas en accueillant sur notre territoire la part active de leurs populations. C’est une erreur. Il est préférable d’avoir des immigrés de pays qui sont culturellement plus proches de nous que de pays où les standards de comportement sont complètement différents des nôtres. »
Au lieu d’une répartition contraignante des migrants, mécanisme rejeté par la République tchèque, la Pologne et la Hongrie lors de sa tentative d’introduction il y a sept ans, la majorité des États membres ont donc cette fois, après des années d’efforts infructueux, trouvé un accord politique sur deux textes-clés du pacte sur l’asile et la migration. « C’est une trahison incroyable, un échec incroyable de notre gouvernement, qui est inféodé à Bruxelles », s’est lâché après coup Andrej Babiš.
Les Vingt-Sept ont notamment validé l’idée d’une solidarité de tous les pays dans la gestion des demandeurs d’asile et Maria Malmer Stenergard, qui est la ministre suédoise des Migrations, dont le pays, après la République tchèque, assure actuellement la présidence tournante de l’UE, n’a pas caché son étonnement lorsqu’elle s’est présentée devant les médias pour informer de l’issue des discussions et du compromis. « Franchement, je suis un peu surprise d’être assise ici devant vous pour annoncer un accord », a-t-elle reconnu au terme d’une journée qu’elle a par ailleurs qualifiée « d’historique ».
En matière de migration, la décision se prend à la majorité qualifiée, qui doit associer 55 % des États-membres, soit donc au moins quinze pays, représentant 65 % de la population de l’UE. Comme beaucoup de dirigeants européens, le ministre tchèque était lui aussi soulagé, mais pour d’autres raisons :
« Avant tout, je suis heureux de repartir pour la République tchèque avec ce pour quoi j’étais venu ici, à savoir qu’il n’est plus question de quotas obligatoires. Ils sont définitivement abandonnés. La deuxième chose est qu’il existe une solidarité financière avec les pays touchés, mais la République tchèque en est exemptée pour la période durant laquelle elle est touchée par la crise migratoire ukrainienne, et ce comme je l’ai proposé aujourd’hui. Cela signifie qu’à l'heure actuelle, si nous avons plus de 300 000 Ukrainiens sur notre territoire, nous ne paierons aucune contribution de solidarité à aucun pays. Je pars également avec la promesse que la Commission continuera à soutenir la République tchèque et les autres pays touchés par la crise migratoire ukrainienne. Un autre résultat approuvé concerne les procédures aux frontières, qui sont très importantes pour nous afin d’enregistrer les personnes qui arrivent dans l’UE. Pour nous, il s’agit donc d’un compromis très acceptable qui répond pleinement à la position de la République tchèque sur le long terme. »
Si la République tchèque, comme aussi par exemple la Pologne, devrait être exemptée dans un premier temps de ce mécanisme de solidarité c’est parce qu’on estime à 325 000 le nombre de réfugiés ukrainiens qui, après avoir quitté leur pays en raison de la guerre et bénéficient depuis d’un visa de protection temporaire, résident toujours sur son territoire.
Or, chaque année, jusqu’à 30 000 relocalisations de demandeurs d’asile pourront être organisées pour soulager l’Italie, l’Espagne, la Grèce, Malte et Chypre. Une relocalisation qu’il sera néanmoins possible de refuser, les pays ne souhaitant pas accueillir de demandeurs d’asile, comme donc la République tchèque, étant autorisés verser quelque 20 000 euros par personne non accueillie à un fonds européen géré par la Commission. Ces moyens viendront ensuite financer les besoins des pays en première ligne, à condition toutefois d’abord que le débat abouttise à une issue positive aussi au Parlement européen...