« A bude hur » : un cinéma alternatif sur l'underground tchèque
Le roman culte de Jan Pelc sur la jeunesse underground sous la normalisation vient d'être porté à l'écran par le réalisateur Petr Nikolaev. « A bude hur », que l'on peut traduire par « Et ce sera pire.. » n'est cependant pas facile à voir ; le producteur, Cestmir Kopecky, a en effet misé sur une distribution alternative, à l'image du film. Sorti en 2006, il avait été sélectionné pour la Berlinale 2007, dans la catégorie Forum, réservée au cinéma d'avant-garde. Depuis, les 3 copies voyagent en République tchèque et sont projetées dans des clubs ou dans des cinémas en plein air.
Réalisteur à succès, notamment avec son film « Bajecna leta pod psa » soit « Belles années de galère », ce n'est pas la première fois que Petr Nikolaev se penche sur les années sombres de la Tchécoslovaquie. Son dernier film, « Kousek nebe » (« Un petit bout de ciel ») racontait une histoire d'amour dans la prison communiste de Prague-Pankrac au début des années 50. Cette fois-ci, il s'est intéressé à la jeunesse dans les années 70-80 et au mouvement underground. Petr Nikolaev :
"Au départ, c'était pas tellement l'idée de filmer le roman « A bude hur », c'était plutot ou surtout l'envie de revenir à la période où j'était jeune, quand j'avais les cheveux longs et quand j'ai vécu les aventures d'un adolescent qui se cherche. La période dans laquelle j'ai vécu était une période -les années 70 en République tchèque, ou plutôt en Tchécoslovaquie- qui était très contrastée. A la fois, c'était une période qui était complètement perdue, sans mouvement dans la société. C'était quelque chose de très figé, très limité au niveau des libertés. Et en même temps, on a vécu des choses fascinantes, exceptionnelles. Et j'ai voulu raconter cette période d'une manière très personnelle. J'ai cherché une idée comment raconter cette période et finalement, je suis tombé de nouveau sur le roman de Jan Pelc et j'ai compris que c'était ça la matière."
Pensez-vous que le film et le roman que vous avez adapté reflète assez bien la période des années 70 et 80 ?
"Je ne peux parler que de moi-même mais j'en suis sur !"
Par souci d'authenticité, le film a été tourné à l'endroit même où se situe le roman, dans une zone sinistrée du nord du pays. Si la première partie du film parait plus cocasse en racontant les activités quotidiennes d'une bande de hippies avec les fêtes, l'alcool, et les drogues, la deuxième partie se fait plus grave et montre la pression policière et l'oppression du régime sur ces groupes qui refusaient de se plier aux règles établies. Naturellement, la musique underground est très présente. La plupart des projections sont d'ailleurs suivies de concerts. Pavel Zajicek, du groupe DG307, est l'auteur de la bande originale du film. On le voit apparaitre dans un rôle secondaire aux cotés de Vratislav Brabenec, le saxophoniste des Plastics People of the Universe. Nikolaev a voulu faire un film qui suscite le débat. Josef Dolak, étudiant en histoire, nous a d'ailleurs confié ses impressions :"C'est un film sur un mode de vie que je ne pourrais pas vivre mais c'est intéressant. C'est quelque chose qui s'est passé 20 ans avant ma naissance. Le maximum que j'en connaisse est à travers la littérature et ce que quelqu'un qui l'a vécu a pu m'en raconter. Pour moi c'est intéressant parce que c'est une expérience différente. Je n'avais jamais vu un film pareil..."
« A bude hur » va continuer sa diffusion atypique. Mais si le succès se confirme, il devrait finir par entrer dans les salles de cinéma classiques. En attendant, la liste des projections est disponible sur le site internet du film : www.filmabudehur.cz