A la recherche du trésor du comte Chamarré
Aujourd'hui, j'aimerais vous proposer une balade romantique. Je suis sûre que ce sera pour vous une révélation d'apprendre qu'on peut découvrir, en Tchéquie, un château construit par le comte français, Jean-Antoine Harbuval de Chamarré. Ce château est, en plus, l'un des très rares châteaux rococo en Tchéquie. Il s'appelle Nove Hrady - château neuf, et il se trouve en Bohême orientale, non loin de Litomysl. Je souhaite que sa visite soit aussi agréable qu'intéressante pour vous.
Le château de Nove Hrady a été édifié dans les années 1774 - 1777, sur l'exemple des résidences estivales françaises. Le comte français, Chamarré, a choisi un terrain descendant en pente qui a permis de construire une grande cour en terrasse, entourée d'un parc rococo. La vue de l'imposant bâtiment du château peint en rose et en blanc est insolite. On y accède par un long escalier orné de plastiques rococo menant sur une rampe, de laquelle on peut contempler le panorama de la région. On continue, en traversant le jardin français, pour arriver à la porte du château. Ce dernier se compose d'un bâtiment central et de deux ailes, richement décorés de reliefs en stucs et de sculptures. Plus loin, il y a une gloriette, un ancien grenier à blé rococo et une maison de jardin en style néo-classique. Pour son caractère architectonique unique en son genre, sa disposition au milieu des jardins et parcs, et son système d'étang en cascade, le complexe est surnommé petit Versailles. A l'entrée du château, nous sommes accueillis par ses nouveaux propriétaires, M et Mme Kucera. Il faut dire que c'est encore une rareté de ce château. En 1997, il a été acheté, en vente publique, par les époux Kucera, une famille avec 4 enfants de Prague. Après avoir vendu à Prague tous les biens obtenus en restitution, la famille a acheté le château et s'est fixé ici, pour commencer une vie nouvelle liée au château et à sa reconstruction générale. C'est Mme Kucerova qui nous accueille, pour nous raconter cette histoire:
"Le château a été construit en 1777, selon les plans de l'architecte originaire du Tyrol, Josef Jäger. Le comte Chamarré, descendant de l'aristocratie française, établi en Bohême, possédait un ancien château, sur une colline au-dessus du château actuel. Espérant trouver dans ses murs un trésor, le comte a démantelé tout le château, sans qu'un trésor soit trouvé. De ce matériel, il a fait construire, un peu plus bas, un château nouveau, en style rococo pur, tout à fait rare dans notre pays. Comme le château n'a jamais été reconstruit, son style original a été sauvegardé. Des mains aristocratiques, le château est passé, au 19e siècle, entre les mains d'hommes d'affaires. Au début du 20e siècle, son état s'est beaucoup détérioré. Le plafond s'est effondré, dans la grande salle représentative. En 1936, le château a été acheté par le propriétaire des usines textiles de Nachod, M. Barton, mais celui-ci l'a quitté. Après la guerre, le château est passé sous l'administration de l'Etat. En 1991, il est devenu l'objet de la restitution. Les ayants droit, les frères Cerych, petits-fils de Barton, n'ayant aucun lien envers ce château, l'ont vendu, en 1997, lors d?une vente publique".
"Depuis que nous sommes arrivés au château, il y a 4 années, nous ne connaissons pas un jour de repos", continue Mme Kucerova. "Personne de nous n'était spécialiste en bâtiment. Aujourd'hui, c'est moi, mon mari, nos quatre enfants, qui travaillons, nous-mêmes, sur son renouveau. Nous avons commencé par des réparations de la grande salle, où il a fallu faire un nouveau plafond. Comme la documentation n'existe pas, nous avons procédé suivant le principe d'analogie. Tel est le cas, aussi, des plastiques ornant les balustrades de l'escalier d'entrée. Des vases d'origine qui le décoraient, y manquaient. Nous les avons fait faire selon les vases qui se trouvent sur le toit du château. Il a fallu refaire les façades extérieures, réparer les intérieurs, faire les stucs, le parquet, pratiquement tout", dit Mme Kucerova, en précisant que tous les travaux sont consultés avec l'Office de protection des monuments historiques.
Le travail réalisé en 4 ans depuis la restitution du château est énorme. Outre la grande salle représentative, qui sert aujourd'hui de salle de mariage, la famille Kucera a déjà réparé et rendu accessible toute la partie inférieure de l'aile orientale du château où se trouve une galerie et un restaurant. Elle a réussi à terminer la réparation de la gloriette en style néo-classique. Après avoir passé un an d'études des jardins à Versailles, en France, le fils aîné des Kucera, David, s'est chargé d'une tâche difficile: c'est lui-même qui a fondé un grand jardin rococo, devant le château. Un autre jardin, de type français, devrait occuper l'espace entre la gloriette et l'ancien grenier, qui est à réparer. A proximité des étangs, Mme Kucerova veut créer un jardin japonais. "Il reste encore beaucoup de travail à faire, nous sommes à mi-temps", sourit-elle, visiblement satisfaite. Et le trésor du comte Chamarré, je demande. "Il a été, effectivement, trouvé", me répond Mme Kucerova. Mais non pas celui que le comte cherchait dans les murs du vieux château. C'est le comte lui-même qui a fait emmurer dans une niche entre deux fenêtres du nouveau château un vase abritant le trésor: une précieuse collection de pièces de monnaie, depuis les plus anciennes jusqu'à son époque. Le vase a 1 mètre de hauteur. En réparant, dans les années trente du 20e siècle, la chapelle, on a trouvé, sous le crépi, l'inscription en latin: un trésor se cache dans ce château, celui qui ira le chercher, finira par le trouver. C'est ainsi que le trésor du comte français, Chamarré, a été retrouvé...