Des étudiants tchèques s’essayent aux négociations internationales

Sommet des étudiants de Prague

A l'occasion du Pražský studentský summit – en français « Sommet des étudiants de Prague », des lycéens et des étudiants de toute la République tchèque se sont réunis en ligne pour mimer, le temps de trois jours, les réunions des plus hautes organisations internationales. De l'Union européenne à l'ONU en passant par l'OTAN, ce sont plus de 300 jeunes Tchèques qui se sont pris au jeu de la diplomatie.

Sommet des étudiants de Prague | Photo: Thibault Maillet

Samedi 10 avril, 9 heures. La séance est ouverte. Les représentants des 27 pays membres de l'Union européenne ont pris place derrière leur écran, et s'apprêtent à négocier les termes d'une décision environnementale. Mais c'était sans compter sur les soubresauts de l'actualité internationale. La veille, jour de début des échanges, ils ont été informés de tensions entre l’Inde et le Pakistan, et ont dû interrompre leurs travaux. Un flash d'information est diffusé sur les écrans.

Des terroristes pakistanais ont perpétré un attentat en Inde. La tension monte entre les deux pays d'Asie. L'Inde riposte en déployant des troupes sur la frontière, et réprime les musulmans au nom de la lutte contre le terrorisme. De leur côté, des généraux pakistanais lancent un ultimatum nucléaire : midi, pas une minute de plus.

Sommet des étudiants de Prague | Photo: Facebook du Pražský studentský summit

En quelques minutes, il faut prendre la mesure de la situation, recevoir les consignes du sommet de l'État et s'adapter au mieux. Exit l'écologie, place à la crise.

Évidemment, et rassurez-vous, rien de tout cela n'est vrai. En revanche, les faux présentateurs, la fausse experte interrogée et les diplomates qui se mettent en branle donnent une allure parfaitement vraisemblable aux événements. Ils  sont tous étudiants, et le temps d'un week-end, ils miment le Conseil de l'Union européenne – à savoir la réunion des ministres européens.

Esther Hyhlíková, étudiante en relations internationales à Brno, incarne la représentation irlandaise :

« En réalité la simulation dure six mois, et au cours des réunions régulières que nous avons eues, nous avons aussi pu négocier en tant que parlementaires européens et incarner la Commission européenne. En fait, nous avons fait tout le processus législatif européen. Cette année, j’ai donc dû bien comprendre comment fonctionne l’Union européenne. Et me rendre compte d’à quel point c’est complexe … »

Sommet des étudiants de Prague en 2019 | Photo: Facebook du Pražský studentský summit

Le Pražský studentský summit consiste en neuf simulations. Deux sont dédiées aux étudiants du supérieur : UE et OTAN. Le reste, les comités des Nations-Unies, sont incarnés par des lycéens tchèques. L’Association pour les affaires internationales (AMO, Asociace pro mezinárodní otázky en tchèque) organise depuis 1995 des simulations de négociations internationales. Aujourd’hui, plusieurs centaines de jeunes participent à l’événement dont le partenaire principal est la fondation de la Famille Kellner. Karolína Oškerová est la coordinatrice  de l’événement :

Karolína Oškerová | Photo: Site officiel de l’Association pour les affaires internationales  (AMO)

« La plupart des lycéens et étudiants participent au sein de la simulation des Nations-Unies, ils sont moins nombreux au sein des modèles de l’OTAN et de l’UE. Cela varie chaque année, mais on compte en moyenne entre 300 et 350 participants. Pour organiser tout cela nous sommes une soixantaine de bénévoles, répartis entre les différentes simulations. Nous ne faisons pas que cela d’ailleurs, il y a des activités à côté des simulations : nous organisions des excursions à l’étranger avant la pandémie, des rencontres dans les ambassades – ce qui devrait avoir lieu malgré tout cette année, nous avons des invités pendant chacune des séances de préparation mensuelle … »

Une machine bien huilée à l'épreuve de la pandémie

Miloš Vystrčil | Photo: Facebook du Pražský studentský summit

Les voyages à l’étranger annulés ne sont pas la seule conséquence de la situation sanitaire. Alors qu’ordinairement les simulations ont lieu en personne, dans les locaux de la VŠE, l’Ecole supérieure d’économie de Prague, cette année les débats se sont déroulés sur Zoom. Les prestigieux invités, dont le président du Sénat tchèque Miloš Vystrčil, ou l’ancien candidat à l’élection présidentielle Pavel Fischer intervenaient aux aussi par vidéoconférence.

La vidéoconférence n’est d’ailleurs pas forcément l’outil le plus simple lorsqu’il s’agit de passer au vote, en fin de négociation.

Esther Hyhlíková voit malgré tout quelques aspects positifs au format en ligne :

« Certes, ce n’est pas aussi bien que si nous étions tous dans la même pièce, mais cette version en ligne fonctionne plutôt bien, et je pense que tous les participants sont plutôt surpris que cela marche ! Et il est plus flexible négocier ainsi, par messages et en ligne que si nous étions dans la même pièce. »

Pour compenser l’impossibilité de rencontrer le représentant d’un potentiel allié au détour d’un couloir, l’organisation a mis en place un système de salles de discussions informelles sur Zoom, de sorte à ce que les participants puissent échanger librement. Les messageries instantanées ont également tourné à plein régime durant tout le week-end.

Photo: Site officiel du Pražský studentský summit

Si par la force des choses les simulations ressemblent à s’y méprendre à de véritables réunions diplomatiques qui ont également lieu en ligne en ce moment, selon la coordinatrice Karolína Oškerová, le réalisme n’est pas l’ambition principale de l’événement :

« Je dirais que même s’il est bien que cela ressemble à la réalité et que les participants jouent un rôle, ce n’est pas notre but principal. Nous nous présentons en premier lieu comme un projet éducatif, c’est certain, même si cela a l’air un peu ennuyeux. Donc je préfère parler de ‘développement’ et de proposer un projet extra-scolaire. En temps normal je vous aurais également dit que notre second objectif c’est de créer une occasion de faire des rencontres. Mais, en ligne, ce n’est pas impossible, mais c’est effectivement plus compliqué d’apprendre à connaître les autres étudiants. »

Preuve s’il en fallait une que le réalisme n’est pas forcément l’effet recherché, au sein du Conseil de l’Union européenne fictif, après trois jours de débats – quelques peu dominés par l’Allemagne, les 27 se sont mis d’accord sur une déclaration vis-à-vis d’une crise pakistano-indienne, des mesures écologiques, la création d’un fonds de défense européen, la répartition de 5 millions de doses de vaccins, et ont ouvert la voie à un élargissement vers les Balkans. Rien que ça.