Économie/Commerce
La façon d'acheter a beaucoup changé ces dernières années. Nous ne sommes plus obligés de courir les magasins pour trouver quelque chose mais, d'un autre côté, nous devons faire attention pour ne pas se faire avoir. Dans ce qu'il convient d'appeler « les cathédrales de la consommation » - les supermarchés et les shopping parcs - nous nous trouvons sous une avalanche de marchandises, la publicité martèle que ceci est meilleur et que cela, etc. Qu'en est-il de la protection du consommateur tchèque? C'est le thème de ce programme économie-commerce sur les ondes de Radio Prague.
La protection du consommateur en République tchèque est d'abord institutionnelle. Elle est assurée par Ceska obchodni inspekce, soit "l'Inspection commerciale tchèque". A cela s'ajoute, bien sûr une législation inspirée de la législation européenne. Mais une législation toujours devancée, faudrait-il le préciser, par le développement vertigineux des pratiques de marketing et la myriade des entreprises qui oeuvrent dans une infinité de spécialités depuis 1990. Les unes et les autres sont averties de ce qu'elles font, mais aussi des failles d'une législation tchèque plus ou moins embryonnaire et à laquelle ils ne pardonnent aucune faille.
Mais le vrai problème est que le consommateur tchèque n'est pas bien averti du danger qu'il encourt et n'a pas le réflexe du recours à la loi. Ce qu'il sait faire, c'est chercher la protection auprès de l'administration. A l'opposé du consommateur occidental, dans son raisonnement, le consommateur tchèque a tendance à ignorer la responsabilité du fabricant, du grossiste ou du détaillant. Il se dit au fond de lui-même: "'J'ai mal fait, je ne me suis pas laissé conseiller, j'étais attiré par un prix bas, alors, c'est à l'Etat tchèque de trouver une solution ! C'est le parti-Etat qui n'existe plus depuis 1990. Pareil raisonnement est peut-être difficile à saisir par nos auditeurs. Dans toutes les situations, le consommateur tchèque a tendance à responsabiliser l'Etat.
Mais que peut faire pour ce consommateur l'Inspection commerciale tchèque. Cette question, l'hebdomadaire Kvety, l'a posée à l'un des responsables de cette inspection. Sa réponse était la suivante: " Nous ne pouvons que rarement reconstituer une situation concrète. Par exemple, un consommateur est escroqué dans une auberge, pour avoir reçu une ration inférieure au poids de la ration portée sur le menu. Il consomme et il s'en va. Mais il peut lui arriver de venir nous voir une semaine après ou se contenter de nous écrire et attendre une solution miracle. Difficile de lui faire comprendre que nous ne pouvons rien pour lui. La viande est mangée, le cuisinier jurera qu'au contraire il a donné au monsieur la ration convenue, les témoins sont introuvables... Nous avons beau visiter ce restaurant, nos contrôles ne mènent à rien et le plaignant est mécontent. Mais en réalité, il devrait en vouloir à lui-même, car il n'a pas réagi fermement et immédiatement." En fait le réflexe de ce consommateur est un réflexe logé dans son esprit par un demi-siècle de communisme. Se plaindre, c'est avoir des problèmes. Et ce monsieur ne veut pas avoir de problèmes. La plainte qu'il a faite à posteriori est en fait une vengeance. Dans l'incapacité de prendre de front le restaurateur, il le prend de revers.
Mais quelle chance pour que cela change? Les spécialistes de la consommation restent quelque peu pessimistes. Ils soulignent que l'actuelle mentalité du consommateur tchèque est venue non pas avec le communisme, mais bien avant lui: pendant la Deuxième Guerre mondiale et sous l'économie de guerre, avec les aliments et autres produits rationnés. Avant la guerre, le commerçant rampait devant le client; avec la guerre, c'était le client qui allait ramper devant le commerçant. Le communisme tchécoslovaque est venu rapidement se greffer sur cette situation en 1948, avec le gouvernement Gottwald. Pour que cela change, il faudrait au préalable que l'offre dépasse largement la demande, ce qui est déjà le cas dans les grandes villes; mais il faudrait que le client se rende compte qu'il est roi et que le commerçant se rende compte que roi, il ne l'est plus. Seulement voilà, aussi bien le client que le commerçant tardent à prendre acte de cette évidence, nous disent les spécialistes. Cela met tellement à l'aise les supermarchés occidentaux, qui, avec tous les oripeaux aidant à attirer le client, enseignent et imposent avec une discipline de fer l'amabilité à leur personnel vis-à-vis du client. C'est peut-être de là que viendrait la leçon-coup-de-grâce. Mais quand viendra-t-elle? Difficile de sortir les vieux magasins de quartier de leurs ornières. Du moins ceux qui ont survécu, jusqu'à présent, au cataclysme du communisme. Ils continuent mordicus leur train-train dans l'ignorance totale du supermarché, qui prospère allègrement à quelque centaines de mètres de là. Ils survivent tant bien que mal avec des retraités qui n'ont pas la force ni les moyens de locomotion pour se déplacer au marché d'à côté, mais aussi avec des voisins qui viennent faire des achats d'appoint.
Quel rôle peut jouer l'Inspection commerciale tchèque? Cette inspection date quand même, pour avoir vu le jour en 1952. Son rôle et sa forme étaient évidement tributaires de l'époque. Mais au cours de son histoire, elle s'est développée, et actuellement, elle est considérée par l'Union européenne comme étant un organe comparable au niveau européen. D'ailleurs, un accent particulier est mis au sein de l'U.E. sur la problématique des consommateurs. Seulement voilà, depuis 1990, les choses sont allées tellement trop vite dans le domaine commercial qu'aucune administration ne pourrait suivre. Première conséquence classique: le manque de personnel et de postes budgétaires pour recruter. L'inspection compte 513 employés, dont un peu plus de 400 inspecteurs. Certaines régions de Tchéquie ne sont pratiquement jamais visitées par des inspecteurs, et les aubergistes de ces coins ne savent même pas que les inspecteurs de la consommation existent. Mais ici comme ailleurs, la fraude est invincible. Tout au plus elle peut être réduite, déclare à Kvety, le chef de l'inspection. "Nous ne pouvons écarter, a-t-il ajouté, la falsification de même que nous ne pouvons pas éliminer les drogues et la prostitution. Il s'agit simplement de faire en sorte que des filles légères et leurs souteneurs ainsi que les dealers de drogue ne se promènent pas sur la place Venceslas à Prague, et que sur les marchés, des tonnes de marchandises falsifiées ne soient pas exposées."
L'amendement des lois relatives à la protection des consommateurs, à l'Inspection commerciale tchèque et à l'Inspection tchèque agricole et alimentaire permet la confiscation des copies pirates sur place, mais pour autant le consommateur n'applaudit pas. Beaucoup de gens achètent sur les marchés les tee-shirts Nike et Adidas, même s'ils savent qu'ils sont falsifiés. A premier vue cela ne se voit pas, et pour le prix d'un original ils peuvent en acheter quatre. Alors, la confiscation de ces marchandises, à la limite, elle les dérange.