En Tchéquie, une petite révolution se prépare dans la restauration en milieu hospitalier

L’Hôpital universitaire général de Prague

Si la République tchèque est réputée pour la qualité de son système de santé, on ne peut pas vraiment en dire autant de la nourriture proposée aux patients hospitalisés. Pour cause : les normes qui régissent la préparation des plats remontent à… 1955. Aujourd’hui, le ministère de la Santé envisage de bouleverser ces habitudes alimentaires avec l’introduction d’un régime nutritionnel plus adapté aux goûts et besoins du XXIe siècle.

Il suffit d’être hospitalisé(e) une fois en République tchèque pour comprendre sa douleur, surtout quand on est un peu gourmand, un peu gourmet, ou les deux : votre servante ici en a fait l’expérience en personne lors de deux séjours en maternité où après avoir découvert que la base des repas était réduite à des féculents à gogo et des plats en sauce, elle a prié pour qu’on lui apporte de la maison fruits, légumes frais et laitages pour compenser ce régime très riche…

Lucie Růžičková | Photo: Kateřina Šulová,  ČTK

Il semblerait en tout cas que les autorités tchèques aient pris conscience du caractère obsolète des menus des cuisines d’hôpital dont les normes n’ont pas changé depuis plus d’un demi-siècle, comme le décrit Lucie Růžičková, cheffe du service de diététique thérapeutique à l’Hôpital universitaire général de Prague :

« Nous faisons la cuisine d’après ces normes depuis tellement d’années. Elles ont été mises en place en 1955 par le professeur Doberský. Depuis, rien n’a vraiment changé. Cela veut dire que l’on cuisine des plats très classiques, sans beaucoup de variations. Cela ne convenait plus beaucoup à nos patients. »

Ces plats classiques, ce sont par exemple la « svíčková », une pièce de bœuf mijotée dans une sauce de légumes crémeuse ou le « španělský ptáček », une tranche de bœuf – encore – enroulée et remplie de lard, d’œuf dur, de saucisse et de cornichon, le tout service en sauce – oui, encore – et accompagné de riz, de quenelles ou de pommes de terre. Ou encore le traditionnel schnitzel. Bref, des plats qui ne laissent que peu de place aux légumes, légumineuses ou – si l’on préfère un régime carné – à une cuisson plus saine de la viande.

Photo: Kateřina Šulová,  ČTK

Des nutritionnistes ont planché durant un an et demi sur une nouvelle méthodologie destinée à changer ces habitudes culinaires. A Prague, l’Hôpital universitaire général applique depuis neuf mois ce système dans le cadre d’un projet pilote. Les menus dans leur ensemble ont été revisités, quelle que soit la pathologie des patients :

« Nous essayons de faire en sorte que tous les plats aient du goût, même dans le cas des régimes alimentaires très stricts. Ce système montre comment il faut cuisiner pour les personnes qui n’ont aucune restriction alimentaire et comment il est possible de manger de manière saine. De nombreux patients sont demandeurs en la matière, et pour d’autres qui aspirent à une nourriture plus saine, c’est un bon moyen de découvrir, grâce à nous, comme y parvenir. »

L’Hôpital universitaire général de Prague | Photo: Kateřina Šulová,  ČTK

Et en effet, les retours sont positifs dans cet hôpital situé place Charles. Le ministre de la Santé Adam Vojtěch a fait savoir fin juin que ces nouveaux types de menus seraient progressivement introduits dans tous les établissements hospitaliers du pays.

Les plats classiques tchèques ne vont pas disparaître de ces menus, mais seront complétés par des plats inspirés de la cuisine méditerranéenne, voire même asiatique, comme le détaille encore David Feltl, directeur du centre hospitalier pragois :

David Feltl | Photo: Kateřina Šulová,  ČTK

« Nous cuisinons deux types de plats. Il y a les repas dits ‘fit’ qui sont préparés d’après les principes d’une alimentation plus saine. On utilise de la viande maigre et plus de poisson. On fait des accompagnements différents qui intègrent davantage de légumineuses, de céréales. Ensuite, il y a toujours des légumes dans l’assiette. Nous avons toujours le menu traditionnel qui est essentiellement destiné aux patients en risque de sous-nutrition ou qui le sont de manière effective. Donc, ce qui compte dans ce cas-là, c’est avant tout la valeur nutritionnelle des plats. A titre d’exemple, aujourd’hui, nous avons servi au déjeuner du cabillaud dans une sauce au persil accompagné de couscous et de tomates séchées. C’était le menu ‘fit’ du jour. »

L’Hôpital universitaire général de Prague | Photo: Kateřina Šulová,  ČTK

Selon David Feltl, ce changement de régime a certes représenté un coût supplémentaire, mais depuis sa mise en place, il constate moins de gaspillage et de déchets, sans compter le succès remporté par ces nouveaux menus auprès des premiers concernés : les patients.