Entretien avec Matyáš Kodl de la Galerie KODL
Entretien avec Matyáš Kodl sur la transition numérique des ventes aux enchères, l’intérêt croissant des collectionneurs francophones pour l’art tchèque, mais aussi l’internationalisation des artistes tchèques classiques et contemporains.
« Cela faisait déjà pas mal d’années que nous avions dans l’idée de lancer un site en ligne de vente aux enchères. Mais la pandémie de Covid-19 nous a poussés à accélérer la mise en place et le développement de notre plateforme Artslimit. Car les rassemblements étaient impossibles, et le seul moyen d’organiser des ventes aux enchères était de passer par le numérique. La plateforme Artslimit compte actuellement plus de 3000 abonnés. »
« Nous avons enregistré un intérêt très important pour les ventes en ligne, d’une part en raison de cette impossibilité de participation physique aux ventes aux enchères, d’autre part, en raison de la plus valeur moins élevée des œuvres d’art que nous choisissons de proposer sur cette plateforme. Il s’agit néanmoins bien d’objets d’art faisant l’objet d’une expertise d’historiens de l’art ; cependant, leur valeur ne se mesure pas en millions de couronnes, mais elle peut atteindre jusqu’à 500 000 couronnes [20 000 euros environ]. Il s’agit donc d’un art abordable pour une clientèle plus large. C’est aussi cela qui a fait que nous avons constaté un grand intérêt pour les enchères et la participation aux ventes. »
Pensez-vous pouvoir fidéliser cette clientèle, même dans le cas d’un retour aux ventes aux enchères sur site ? Ou prévoyez-vous de continuer les ventes aux enchères en ligne et/ou hybrides ?
« Le modèle que nous aimerions utiliser est celui des ventes aux enchères hybrides, à savoir une vente réalisée en ligne, mais avec les objets exposés dans notre galerie. Ce qui peut permettre aux enchérisseurs et aux personnes intéressées de venir voir les tableaux et autres objets d’art ; en revanche, pour enchérir, il faut s’abonner et enchérir en ligne. Cela permet à la fois de vérifier l’authenticité de l’œuvre et de la voir en vrai. Car il est presque impossible de reproduire un tableau, par exemple, de façon numérique. Pour cela, donc, il est mieux que les gens se déplacent. Mais pour la vente elle-même, le fait qu’elle se passe en ligne ne fait pas vraiment de différence, et je dirais même que pour beaucoup de gens, c’est plus confortable de cette façon. Car ils peuvent enchérir où qu’ils se trouvent. La seule condition étant une connexion Internet… »
… et ainsi il est possible de participer à la vente en ligne, où que l’on se trouve dans le monde. Pouvez-vous nous en dire plus sur l’intérêt renforcé des acheteurs étrangers, et notamment de ceux des pays francophones ?
« Oui, la clientèle francophone ne cesse d’augmenter. Cela est dû à deux choses : d’un côté, nous constatons une augmentation des personnes intéressés par la vente de tableaux. Il faut préciser qu’en France, il y a toujours énormément de collections privées comprenant de l’art tchèque. Or vu l’augmentation constante des prix sur le marché tchèque ces dix dernières années, les gens sont intéressés par la vente…. Et pour eux, il est très simple de nous contacter par mail. De l’autre, l’art tchèque – et certains artistes en particulier – deviennent de plus en plus connus à l’étranger. Ainsi, de plus en plus d’acheteurs étrangers sont intéressés par l’acquisition d’œuvres d’artistes tchèques. Pour nous, il est très satisfaisant de constater que des artistes tchèques deviennent internationaux, et non plus uniquement régionaux. »
Cet intérêt accru concerne-t-il des artistes classiques et déjà réputés, ou bien également des artistes contemporains ?
« J’ai été surpris de constater un intérêt non seulement pour des artistes tchèques classiques tels que Kupka, Filla ou Špála, mais également pour des artistes contemporains. D’après moi, c’est parce que ces artistes tchèques contemporains ont la possibilité de voyager et d’exposer à l’étranger. Nombre d’entre eux ont des galeristes à Paris, à Londres, à New-York… Grâce à cela, ils ont des collectionneurs dans ces pays. C’est très important, grâce à cela, l’art tchèque reste tchèque, bien sûr, mais il prend également une dimension internationale. »
Quel artiste tchèque contemporain vous plaît particulièrement ?
« C’est difficile de donner un seul nom, car depuis cinq ans, notre galerie organise un salon d’art contemporain estival, et nous avons donc coopéré avec énormément d’artistes de notre région. Mais je citerais le peintre Jan Kaláb, issu de la génération des graffeurs de Prague dans les années 1990. C’est un exemple d’artiste tchèque présent dans de nombreuses galeries sur la côte est des Etats-Unis, ainsi qu’en Asie du Sud-Est, à Hong-Kong ou à Singapour. C’est un artiste dont la valeur est reconnue non seulement en République tchèque, mais aussi à l’étranger. »