Funérailles de Milan Paumer, le « troisième frère Mašín »

Photo: CTK

Les funérailles de Milan Paumer se déroulaient ce mercredi à Poděbrady, sa ville de résidence. L’occasion de revenir sur le destin de cet homme, étroitement associé à celui des frères Mašín, et sur la résistance armée au régime communiste en Tchécoslovaquie.

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Pour comprendre l’histoire des frères Josef et Ctirad Mašín, celle de Milan Paumer et de la résistance anti-communiste, il faut remonter à la Seconde Guerre mondiale. Le père des frères Mašín était un général, grand résistant, assassiné par la Gestapo, dont les fils ont repris le flambeau. Décorés après la guerre, ils sont vite considérés comme indésirables par le régime communiste qui s’installe en 1948. Avec leur ami Milan Paumer, ils décident au début des années 1950 de se lancer dans la lutte armée contre le nouveau pouvoir. Interrogé par la radio publique tchèque, Milan Paumer se souvient que tous attendaient un clash décisif entre l’Est et l’Ouest, tous espéraient un soulèvement national qui ne viendra pourtant pas :

Les frères Mašín et Milan Paumer
« En 1948-1949, la situation était la suivante : tout le monde pensait que les Américains viendraient nous aider, que nous pourrions ensuite faire le ménage après, et pendre les communistes aux réverbères. Pendant ces deux années, nous n’avons fait de mal à personne alors qu’à cette époque le régime s’attaquait même aux femmes et aux enfants. Quand nous avons décidé de faire quelque chose, c’était parce qu’il y avait déjà eu plus de 80 assassinats politiques. L’Est menaçait l’Ouest et inversement, mais rien ne se passait. Alors on s’est dit : ici, les gens sont assassinés sans raison. C’est pourquoi nous avons décidé d’agir. »

Le groupe dirigé par les frères Mašín effectue plusieurs opérations de sabotage, notamment pour récupérer des armes. Milan Paumer leur sert en général de chauffeur. En octobre 1953, les deux frères et Milan Paumer réussissent à fuir en Allemagne de l’Ouest, après une cavale de quatre semaines au cours de laquelle ils tuent six hommes, dont certains armés. C’est justement une des raisons pour lesquelles le groupe anti-communiste reste controversé dans leurs pays d’origine, depuis la chute du régime communiste en 1989.

Héros pour certains, assassins pour d’autres, la question de leur distinction a par conséquent toujours fait débat au sein de la société tchèque. Une étape avait été franchie dernièrement, par l’ancien chef du gouvernement Mirek Topolánek, qui, en dépit de la controverse, avait remis en 2008 la médaille du Premier ministre à Milan Paumer. Peu de temps auparavant, il avait fait de même à Washington, distinguant également les Frères Mašín.

L’historien Petr Blažek a publié cette année un manuscrit des frères Mašín et de Milan Paumer, datant des années 1950, décrivant leur fuite vers l’Ouest. Après le décès de Milan Paumer, il s’est souvenu de la personnalité de ce dernier qui, à la fin de sa vie, allait raconter son histoire dans les écoles, pour ne pas oublier :

« C’était quelqu’un qui avait une très grande vitalité. Tout comme les frères Mašín, il ne faisait pas son âge du tout. Il faisait beaucoup plus jeune et était plein d’énergie. Il aimait les jeunes, il appréciait donc beaucoup les rencontres dans les écoles. Ça l’enthousiasmait de voir ces jeunes lui poser des questions, il leur racontait ces événements tragiques des années 1950, toujours avec beaucoup d’entrain. Il était satisfait de voir que les établissements scolaires étaient de plus en plus nombreux à l’appeler, il a participé à des centaines de rencontres. »

Après sa fuite, Milan Paumer se réfugie, comme les Frères Mašín, aux Etats-Unis. Il s’engagera dans l’armée américaine et fera la guerre de Corée, avant de s’installer en Floride où il exercera plusieurs petits boulots, d’ouvrier à chauffeur de taxi. Rentré en République tchèque depuis 2001, il est décédé le 22 juillet dernier. Des centaines de personnes se sont rassemblées ce mercredi à Poděbrady pour lui rendre un dernier hommage, dont de nombreuses personnalités politiques. Grands absents de la cérémonie : les frères Mašín qui refusent de revenir dans un pays dont ils estiment que la législation reste encore en grande partie inchangée depuis le régime précédent et dans lequel le Parti communiste est représenté au Parlement.