Jan Klusák, un compositeur qui n’a pas dit son dernier mot
Le compositeur tchèque Jan Klusák, qui a laissé son empreinte dans la musique tchèque de la seconde moitié du XXe siècle, fête ses 75 ans ce samedi 18 avril. Son influence s’est aussi fait sentir dans le cinéma tchèque. Il est l’auteur de musiques de nombreux films et plusieurs réalisateurs lui ont confié des rôles importants.
«Mozart était l’enfant prodige et je me disais à six ans que j’aimerais faire quelque chose comme lui. Mais cela ne s’est pas réalisé. Peut-être y a-t-il un certain rapport à Mozart dans le style néo-classique qui a été moderne à l’époque de mes études. C’est dans ce style que composaient Stravinsky, Prokofiev et Iša Krejčí, tous mes compositeurs modèles, et au début ma façon de composer ressemblait à la leur.»
Jan Klusák est né dans une famille tchéco-juive. Son père est mort dans le camp de concentration d’Auschwitz et le nom de Klusák qu’il porte aujourd’hui est celui de sa mère. Il étudie à l’Académie des arts de Prague chez les compositeurs connus Jaroslav Řídký et Pavel Bořkovec et, ses études terminées, il entame une carrière de compositeur avant de devenir temporairement comédien et homme de lettres. Dans les années soixante, Jan Klusák se détourne du néo-classicisme et son style subit les influences de la Seconde école viennoise, de la dodécaphonie et du sérialisme.
Son visage expressif et ses manières caractéristiques attirent sur lui l’attention des réalisateurs de la nouvelle vague qui lui proposent des rôles dans leurs films. Il jouera dans onze films mais ne surestimera pas cette partie de ses activités qui le fera pourtant connaître du grand public:
«Quand on n’est pas acteur, on n’a pas de technique, pas de métier théâtral. On ne peut donc pas jouer. On ne peut que se faire filmer. Ce qu’on fait, ça reste dans le film. Je n’avais donc pas de trac, pas de problèmes, je ne faisais qu’exister devant la caméra.»
La modernité résolue de sa musique n’est pas bien vue par les autorités communistes et Jan Klusák aggrave encore sa situation en collaborant avec des réalisateurs proscrits par le régime. Dans les années 1970 et 1980, il est donc contraint de se retirer en marge de la vie culturelle tchèque mais ne perd pas le contact avec le public grâce à ses nombreuses musiques crées pour le cinéma, la télévision et le théâtre.
Ce n’est qu’après la chute du communisme en 1989 que Jan Klusák reprend son rôle dans la vie publique. Ses compositions sont de nouveau jouées en concert, il reçoit des distinctions et des prix. Aujourd’hui, à 75 ans, il réduit cependant ses activités pour se consacrer à la composition :
«Les propositions ne manquent pas mais moi, je veux me concentrer, à mon âge avancé, sur mes monuments, mes œuvres symphoniques, opéras, ballets et oratorios. Il ne me reste que peu de temps. Je ne compte pas rester ici jusqu’à l’infini. (…) Verdi a écrit ‘Falstaff’ à 80 ans, Stravinsky a composé, je pense, jusqu’à 85 ans. Mais tout le monde n’a pas la santé d’un Stravinsky. Espérons que le Bon Dieu me laissera encore faire quelque chose.»
Pour son 70e anniversaire, Jan Klusak a écrit une composition intitulée «Axis temporum». Inspirée de l’alternance incessante de levers et de couchers de soleil, cette oeuvre pour grand orchestre reproduit à sa façon ce que le compositeur appelle «la respiration de la planète». Souhaitons donc à Jan Klusák pour son 75e anniversaire d’entendre souvent cette composition et d’autres oeuvres de sa plume dans l’interprétation de bons orchestres symphoniques.