La baguette magique de Vaclav Talich

Le disque et la bande magnétique démontrent que l'art de certains chefs d'orchestre disparus depuis des décennies est tout simplement inimitable. Tel est le cas de l'art de Vaclav Talich.

La baguette magique de Vaclav Talich

Vaclav Talich (Photo: CTK)

Aujourd'hui, il aurait 120 ans. Au moment où il est entré dans la vie musicale tchèque, le rôle du chef d'orchestre restait encore à définir. Avant, c'était surtout les compositeurs eux-mêmes qui dirigeaient leurs oeuvres, et le chef d'orchestre n'était alors considéré que comme leur remplaçant. La génération de Vaclav Talich était cependant beaucoup plus ambitieuse. Grâce à elle, le chef d'orchestre est devenu un artiste autonome, dont la gloire éclipsait parfois celle du compositeur. Après l'enfance passée dans les villes de Kromeriz et de Klatovy, et les études au conservatoire de Prague, Talich est devenu premier violon et maître de concert de l'Orchestre philharmonique de Berlin, et c'est probablement l'étape décisive dans sa formation artistique. C'est là où il a marié sa sensibilité slave avec une précision tout à fait germanique, c'est là où il a connu les secrets d'un brillant orchestre symphonique. Lorsqu'il est revenu à Prague, en 1906, après des épisodes pédagogiques à Odessa et à Tbilissi, il était déjà fermement décidé à devenir chef d'orchestre. En 1917, il a remplacé au pied levé Karel Kovarovic lors d'un concert de la Philharmonie tchèque, et ce fut la révélation d'un chef accompli.

Perfectionniste, il savait formuler exactement ses exigences concernant l'interprétation, le phrasé, la dynamique. On avait beau l'accuser de méthodes dictatoriales, il entendait en son for intérieur une musique idéale et faisait tout pour la transformer en une réalité audible. Directeur musical de l'Orchestre philharmonique tchèque, entre 1919 et 1941, il a hissé cette formation au niveau des meilleurs orchestres de son temps. Il a marqué par sa griffe aussi l'opéra du Théâtre national et créé, après la Deuxième Guerre mondiale, le célèbre Orchestre de chambre tchèque. Accusé injustement de collaboration avec l'occupant allemand, il a été obligé de se retirer, après la guerre, en marge de la vie publique. Les enregistrements qu'il a réussi à réaliser malgré la disgrâce confirment que c'était un bâtisseur de grandes architectures sonores, avec un sens aigu du détail. Son art basé sur la beauté caractéristique des cordes en équilibre parfait avec les vents et la percussion ferait merveille encore aujourd'hui ...