La farce de Jenik, le rebelle
Les propriétaires du château Bezdruzice, construit au début du XIVe siècle, ont changé à plusieurs reprises : la Maison des seigneurs Bezdruzic de Kolovrat a été succédée par les Svamberk, puis par les comtes de Heissenstein. Au XVIIe siècle, le château s'est détérioré et les parties ayant pu résister aux injures du temps, ont été reconstruites au XVIIIe siècle. Dès lors, le château Bezdruzice, situé dans la région de Tachov, en Bohême de l'ouest, a conservé son apparence, jusqu'à nos jours.
Le percepteur d'impôts et le copiste du château étaient prétentieux, rogues et bêtes. Ils se disaient soit-disant amis, mais en vérité les deux hommes se détestaient. Ils n'étaient liés que par quelques traits de caractères communs : l'envie, la lâcheté, la lésinerie. Le percepteur et le copiste ne répondaient jamais aux salutations des villageois. Les braves habitants de Bezdruzice pensaient bien que les deux bourgeois étaient impolis, mais ne disaient rien, habitués aux caprices des bourgeois et de la noblesse, depuis des générations. Sauf Jenik, un jeune homme intelligent, au gabarit impressionnant, faisait exception. Son esprit rebelle ne pouvait supporter une telle offense. Alors, il décida d'apprendre aux deux bourgeois les bonnes manières. Il fit un pari sur un baril de bière, avec quelques jeunes gens et artisans, que non seulement le percepteur d'impôts et le copiste répondront aux salutations, mais qu'ils s'inclineraient jusqu'à ce que leur front touche le sol.
Le dimanche, comme d'habitude, les deux bourgeois dînèrent à l'auberge locale, où ils savourèrent un bon rôti de porc avec de la choucroute et des boulettes de pâte bouillies, le tout accompagné de plusieurs chopes de bière bien fraîche. Vers minuit, ils s'en retournaient vacillant au château de Bezdruzice. En franchissant le portail du château, Jenik apparu en leur souhaitant poliment le bonsoir. Soudain, les deux bourgeois trébuchèrent contre un obstacle invisible, perdirent l'équilibre et tombèrent à genoux, touchant le sol avec le front. Le fou rire des villageois cachés dans le fourré accompagna le comique de la situation. Jenik avait tout simplement tendu une vulgaire corde en travers du chemin !
Depuis cet incident, le percepteur d'impôts et le copiste répondaient gentiment aux salutations des villageois et se gardaient bien de mentionner l'incident. Et Jenik gagna son baril de bière bien mérité, qu'il partagea avec ses amis.