La route du Verre
Aujourd'hui, nous vous invitons dans la région des verriers, en Bohême du nord. Le verre y est fabriqué depuis le 13e siècle. Compte tenu de cette longue tradition et du fait aussi que la fabrication du verre ne connaissait pas, auparavant, de frontière, compte tenu, finalement, de la récente création d'Euroregion Neisse regroupant les régions limitrophes de Tchéquie, d'Allemagne et de Pologne, les représentants de ces pays ont décidé d'intensifier la coopération dans tout ce qui concerne le verre. Coopération donc entre producteurs, écoles, musées, mais aussi la création d'un intéressant projet touristique conduisant à travers les lieux de fabrication du verre dans les trois pays. La Route du verre, tel est le titre du projet. Du côté tchèque, il implique 28 villes et communes et 140 producteurs du verre. Notre premier arrêt, dans le cadre de la Route du verre, sera dans la ville de Novy Bor.
La ville pittoresque de Novy Bor peuplée par 12 000 habitants s'étend dans la région de Ceska Lipa, entre le Massif central et les monts Luzicke (Lusace). Son développement est lié à l'industrie du verre. En 1783, un certain Emanuel Kleinwächer a posé les fondements du plan actuel de Novy Bor, ville de la verdure et des jardins. Son nom - Novy Bor, pourrait être traduit comme la Forêt nouvelle. Le caractère montagnard de la région est documenté par des conditions climatiques: la température annuelle moyenne varie entre 5 et 7 degrés. Une grande partie du territoire est boisée.
Sur la place principale de Novy Bor, nos regards sont captivés par des toiles Empire des vielles maisons de verriers riches dans lesquelles se trouvent aujourd'hui des magasins de verre. Dans l'une de ces maisons, on a installé, en 1893, le Musée du verre de Novy Bor qui familiarise le visiteur avec l'histoire de la fabrication du verre dans cette région. Des fouilles archéologiques prouvent l'existence de deux verreries, déjà, au 13e siècle. Le verre tchèque devient mondialement célèbre depuis la deuxième moitié du 17e siècle, date où l'on commence à l'ennoblir par la taille et par la décoration de gravure. Les débuts de la production des fameux lustres de cristal de Bohême remontent au 18e siècle. La fin du 19e est sous le signe de l'industrialisation. Depuis les dix dernières années, les verreries subissent une modernisation: les fours de fusion utilisent le gaz et l'électricité. Une vingtaine de nouveaux ateliers familiaux a vu le jour autour de Novy Bor.
Nous voilà à l'intérieur du musée de Novy Bor. Dans des vitrines, un échantillon représentatif de tous les produits fabriqués dans la région rangés dans l'ordre chronologique: verres de toutes sortes, coupes, vases, doses, abat-jour, pots, pintes, flacons, presse-papiers en verre, carreaux peints, divers objets décoratifs, figurines d'animaux, la bijouterie, sans oublier les glaces et les lustres...
Le guide du musée nous explique les différentes techniques d'ornement. Le verre peint d'abord. Les Vénitiens ont transmis en Europe la technique de la peinture sur verre, connue en Egypte. Au 16e siècle, elle se répand dans les premières verreries tchèques. Un tournant dans la production du verre peint se produit au 19e siècle, grâce à Bedrich Egermann, peintre célèbre, marchand et technologue de verre. Sa grande contribution, c'est la peinture fine à la manière des peintres de porcelaine sur le verre d'agate, la découverte de l'émail de nacre et de biscuit et, surtout, la découverte des glacis.
Le verre est peint avec les couleurs de verre, ce qui sont des verres colorés moulus très fin ou des mélanges de verre aux éléments de couleurs. En mélangeant la poudre fine avec les diluants et les liants, une pâte souple se forme. Par celle-ci, à l'aide des pinceaux, les peintres décorent les produits de verre. A l'échauffement au four de cuisson à la température à peu près de 560 degrés, les couleurs percent, en fondant, et se lient solidement avec la surface du verre. Pour la peinture, on utilise aussi les solutions de métaux précieux, de l'or, du platine, des tranches arabesques dorées.
Quant à la tradition du verre gravé ou coupé, ses débuts sont liés avec la cour impériale de Prague où, sous Rodolphe II, travaillaient des coupeurs et des tailleurs de pierre. Caspar Lehman d'Uelzen fut le premier à transmettre, en 1609, la technique glyptique sur le verre. La technique de graver comme celle de tailler le verre n'a pu se développer pleinement qu'après la naissance, à la fin du 17e siècle, du verre aux parois épaisses, d'une dureté et brillance forte appelée le cristal de Bohême. Depuis, les graveurs sur verre deviennent nombreux. Les techniques sont perfectionnées et, au début du 19e siècle, la couleur s'ajoute au verre gravé. Les glacis d'Egermann sont combinés avec les décors gravés. Le principe de glaçage du verre consiste dans l'application des mélanges contenant des sels de métaux. Ainsi, les sels de l'argent produisent la teinte jaune. La plus sophistiquée est la couleur rouge. Produite par les sels du cuivre, elle ne naît qu'après trois cuissons. Le glacis noir fabriqué aussi avec les sels du cuivre est une technique de raffinage typique. La plus connue est la fameuse bijouterie noire de Novy Bor.
La taille de verre est incontestablement la technique du verre de Bohême la plus typique et la plus employée. L'épanouissement de la taille du verre arrive en Bohême à la fin du 17e siècle. Les propriétés optiques de la nouvelle pâte de verre ont été valorisées avec succès, pour la première fois, par la taille à olives et à facettes sur le verre de luxe et d'usage courant dans la première moitié du 18e siècle. La concurrence du verre anglais au plomb spécialement taillé qui dominait les marchés européens après les guerres napoléoniennes a donné une nouvelle impulsion au développement de la taille. Les tailleurs tchèques ont fait preuve non seulement d'une maîtrise technique, mais aussi d'une fantaisie inépuisable pour la création de motifs décoratifs. Le décor taillé contribue à former l'image du verre tchèque depuis trois siècles déjà. Il est lié traditionnellement avec le cristal de Bohême.
En parlant de Novy Bor, on ne peut pas omettre la fabrication de lustres. Le premier lustre de type tchèque, aux pendeloques de cristal, a été fabriqué dans l'atelier de Josef Pallme en 1724. Autour de 1740, il existe une importante production de lustres en style de Marie Thérèse qui sont exportés en Europe et en Amérique.
La production des glaces est documentée avant 1756. Le comte Kinski a fondé en 1767 une manufacture de fabrication des glaces d'amalgame. La production était orientée sur l'imitation des glaces de Venise, avec des cadres composés de petits miroirs richement taillés et gravés, et des glaces en style de Nuremberg avec des cadres en bois ou métalliques. Les glaces étaient exportées en Europe occidentale et du nord, en Turquie et en Amérique.
Finalement, c'est la production du verre optique qui ne peut pas manquer dans ce portrait de Novy Bor. Un certain Jiri Görner devient, au 18e siècle, pionnier de la fabrication des lunettes dans cette région. La production industrielle du verre optique y commence en 1933.