Le château de Chvaly
Prague s’est dotée d’un nouveau château qui sert à la fois de salle d’exposition et de concert. Il s’agit du château de Chvaly, nom d’une petite commune dont la première mention écrite apparaît en 1088 dans l’acte de fondation du chapitre de Vyšehrad. Chvaly fait aujourd’hui partie du 20e arrondissement de Horní Počernice, s’étendant à l’est de la capitale. Une citadelle existait ici déjà à la période gothique. Les Jésuites l’ont remaniée en jolie demeure baroque mais qui, après leur départ, souffrait de dégradation. C’est grâce à la municipalité de Prague 20 et aux fonds de l’UE que tout le complexe du château, menacé de disparition, a pu être restauré. Compte tenu de sa valeur, il a été inscrit sur la liste des sites culturels protégés. Ses locaux Renaissance meublés de répliques des pièces baroques d’origine ont été ouverts au public le 1er mai 2008, en présence du cardinal Miloslav Vlk et des maires des villes partenaires, dont la commune française de Mions.
Notre visite du château de Chvaly dont beaucoup ignoraient encore tout récemment l’existence, commence dans sa partie la plus ancienne, au sous-sol conservant les vestiges d’anciennes fortifications médiévales. Jaroslava Schmidtová nous sert de guide:
« Les caves datent de la fin du XIIe et du début du XIIIe siècle, on y voit assez clairement les empreintes des ciseaux à l’aide desquels elles étaient sculptées dans les rochers de grès, car le château repose sur un immense nœud de grès. »
Les premiers documents mentionnant la citadelle de Chvaly datent du début du XVe siècle, lorsque la veuve de l’échevin Jan Kříž, fondateur de la chapelle de Bethléem à Prague, a légué, dans son testament, le complexe de Chvaly à sa fille. Plusieurs propriétaires s’y sont succédés, jusqu’en 1652 lorsque le domaine a été racheté par les Jésuites de Prague. Les rendements de ses terres leur ont permis de financer le collège Saint-Clément dans la Vieille-Ville praguoise, le fameux Clementinum abritant la Bibliothèque nationale. Et c’est justement aux membres de la Compagnie de Jésus que le château doit son aspect actuel :
« En 1734, un incendie causé par un éclair a éclaté dans le bastion et détruit tous les bâtiments. A l’initiative des Jésuites, le lieu a été remanié en château Renaissance à deux étages tel que nous le connaissons aujourd’hui. »
Après l’abolition de l’ordre des Jésuites, en 1773, le château et la cour ont passé sous l’administration du Fonds d’études impérial et royal. C’est dire que l’érudition tchèque était cultivée à partir de cet endroit, durant des siècles… Au XXe siècle, le domaine de Chvaly est devenu une propriété de l’Etat. Après 1948, ses locaux ont été utilisés par une coopération agricole qui les a aménagés pour les besoins de ses employés, en partie en logements, en partie en garages et en salles techniques. C’est alors que la tragédie du château commence. De même que beaucoup d’autres locaux historiques qui subissent le même sort, à l’époque, le château de Chvaly n’est pas épargné d’une dévastation :
« Les premières tentatives de sauver le domaine ont été entreprises après 1992, lorsque la municipalité de Horní Počernice l’a acquis. Hélas, l’état de dégradation exigeait des investissements de plusieurs dizaines de millions de couronnes ce que la commune ne pouvait pas se permettre. Ainsi, dans le premier temps, les travaux de sauvetage se sont limités à des interventions isolées. »
La reconstruction complète qui s’est déroulée entre 2005 et 2008 a pu être réalisée grâce à une subvention des fonds de l’UE. On a rénové non seulement le château, mais on a nouvellement aménagé aussi l’ancienne cour avec ses dépendances en état délabré. On écoute Jaroslava Schmidtová :
« Là où vous voyez la pizzeria se trouvait autrefois une forge, puis le grand bâtiment dont la façade brille de neuf, c’est une ancienne grange dans laquelle nous pensons donner des productions musicales. Les premières à être réparées dans ce complexe, ont été les anciennes étables où se trouve aujourd’hui un restaurant, tandis qu’au 2e étage, on a aménagé deux salles d’expositions et une petite scène de théâtre qui convient à des spectacles de troupes d’amateurs. On a aussi un hôtel qui occupe les locaux des anciennes écuries. Et dans ce bâtiment tout petit, dont on dit que c’était une morgue, un restaurant a été installé. »
Le château de Chvaly propose aussi des visites de ses intérieurs. Nous entrons dans le salon équipé d’une grande table ovale. Les fresques ornant le plafond sont les seules qui se soient conservées dans leur état d’origine. Le château a été remanié selon les plans de l’architecte Tomáš Šantavý qui a su mettre en valeur les éléments historiques en symbiose avec une architecture originale. Ainsi, on admire les arcades Renaissance vitrées ou la cour du château recouverte d’un système de voiles amovibles sous lesquelles on a installé une scène de théâtre. Quant au mobilier, il n’est pas d’origine :
« Puisque le château a été nationalisé, déjà en 1918, les meubles et les équipements d’origine ne se sont pratiquement pas conservés. Tout ce qu’on peut voir dans les salons et les salles, ce sont les répliques de meubles baroques créés sur commande dans les ateliers de Litomyšl justement pour compléter l’aménagement de ce château. »
Le château de Chvaly abrite plusieurs expositions et une salle est réservée à l’exposition permanente de la première dame de la graphique tchèque, Ludmila Jiřincová. De sa riche création de plus de 1200 œuvres graphiques, rappelons notamment ses illustrations de recueils de François Villon, ses ex-libris, ses lithographies, ses dessins animés récompensés de prix internationaux, sans oublier ses collections d’art sacral et de porcelaine.