Le festival du film de Karlovy Vary livre son palmarès

Radu Jude, photo: Kateřina Šulová / ČTK

Après plus d’une semaine de projection de films et d’événements en tout genre, le festival du film international de Karlovy Vary s’est clos ce week-end avec la cérémonie de remise des Globes de cristal. Le Roumain Radu Jude a décroché le principal prix d’un palmarès dans lequel le cinéma tchèque n’est pas tout à fait absent.

Les créateurs du film 'Il m'est égal qu'on se souvienne de nous dans l'histoire en tant que barbares',  photo: Štěpánka Budková
Avec plus de 140 000 billets vendus pour quelque 500 projections, le festival du film de Karlovy Vary a de nouveau enregistré une très belle affluence. Pour cette 53e édition, c’est le réalisateur roumain Radu Jude qui a reçu le Globe de cristal du meilleur long métrage avec I Don’t Care if We Go Down in History as Barbarians (un traduction française possible de ce long titre pourrait être : Il m'est égal qu'on se souvienne de nous dans l'histoire en tant que barbares). Le film a été réalisé en co-production avec la République tchèque et à ce titre, le réalisateur a tenu à remercier tous les Tchèques impliqués dans ce tournage et tout particulièrement le producteur Jiří Konečný. Dans cette œuvre, il aborde un thème particulièrement sensible, le massacre organisé de Juifs à Odessa pendant la Seconde Guerre mondiale, et la difficulté pour un artiste de reconstituer les faits. Radu Jude a expliqué le choix de ce sujet à la télévision du festival :

'Il m'est égal qu'on se souvienne de nous dans l'histoire en tant que barbares',  photo: Film Service Festival Karlovy Vary
« La raison pour laquelle on s’intéresse à l’histoire – ou au moins pour laquelle je m’y intéresse – est de trouver des liens avec le présent. Le film aborde le manque de transmission et les possibilités de représentation de la purification ethnique par l’armée roumaine et l’administration de 1941. Quand on regarde le monde d’aujourd’hui, l’Europe d’aujourd’hui, on ne voit certes pas les mêmes choses, parce que je ne pense pas que l’histoire se répète, mais on voit le racisme et l’antisémitisme, le négationnisme et beaucoup d’autres choses. Donc une histoire à propos de ce moment de l’histoire est intéressante, et c’est pour cela que j’ai réuni ces deux moments : le présent et le passé. »

Le Globe de cristal du meilleur réalisateur est quant à lui allé au réalisateur slovène Olmo Omerzu pour un film tchèque, Všechno bude, ou Winter Flies en anglais. Le cinéaste vit en effet depuis plusieurs années en République tchèque et a étudié à la FAMU, l’école de Miloš Forman et du photographe Josef Koudelka entre autres. Dans son film, Mára, adolescent de 14 ans, qui a été arrêté au volant d’une voiture en dehors de son pays d’origine, raconte à la police au cours d’un interrogatoire son voyage à la recherche d’aventures avec son ami Heduš. Le road-movie est ainsi mené par deux acteurs amateurs, Tomáš Mrvík et Jan František Uher, afin d’apporter plus de réalisme. Olmo Omerzu raconte :

Olmo Omerzu,  photo: Slavomír Kubeš / ČTK
« Le scénariste du film est Petr Pýcha, et quand j’ai lu la première ébauche, j’étais émerveillé et surpris de la virtuosité des dialogues. D’habitude, quand on regarde des films sur des enfants qui grandissent et mûrissent, leur personnage d’adulte est très présent : il se rappelle du passé ou réfléchit sur le sujet… J’avais le sentiment avec ce script que je n’utilisais pas ce procédé, que Petr Pýcha explore le sujet de la jeunesse d’une manière complètement documentaire. »

Autre découverte du festival, le film argentin Sueño Florianópolis d’Ana Katz, qui a obtenu le Prix spécial du jury et pour lequel Mercedes Morán a reçu le prix de la meilleure interprétation féminine. Le Tchèque Jaromír Hanzlík et l’Américain Robert Pattinson ont pour leur part reçu le Prix du président du festival pour leur contribution au cinéma. L’acteur de la saga Twillight, qui sera bientôt à l’affiche du film de science-fiction High Life, en a profité pour souligner l’importance des films à petit budget :

Robert Pattinson,  photo: Kateřina Šulová / ČTK
« Je pense qu’il y a un peu plus de liberté dans les films à petit budget. Plus le budget est bas, moins il y a d’investisseurs qui paniquent quand on fait quelque chose d’inattendu sur le tournage. Je ne peux pas vraiment parler pour les films qui ont un énorme budget, puisque je n’ai jamais fait quelque chose d’aussi colossal qu’un film Marvel ou quelque chose comme ça… Je ne sais pas trop ce qu’on peut ressentir. Mais je n’ai pas vraiment besoin de toutes ces fioritures quand on fait un film, comme les nombreuses bandes annonces et tout le reste, donc ça ne fait pas beaucoup de différence pour moi. »

Enfin, deux autres prix ont été attribués au réalisateur américain Barry Levinson. Il a en effet reçu à la fois le Globe de cristal pour sa contribution exceptionnelle à la cinématographie mondiale et le Prix du public : une belle récompense à l’occasion du trentième anniversaire de son film Rain Man.