« Le problème n’est pas entre les jambes mais entre les oreilles » : polémique autour de la castration chirurgicale en République tchèque
Le mois dernier, le Comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) – organe du Conseil de l’Europe – a expressément demandé aux autorités tchèques de mettre un terme aux castrations chirurgicales pratiquées sur les auteurs de crimes sexuels.
« La castration chirurgicale est une intervention mutilante et irréversible. Elle ne peut pas être considérée comme une nécessité médicale pour le traitement des délinquants sexuels. Cette intervention ôte toute capacité de procréation et a d’importantes conséquences physiques et mentales. La conclusion du CPT était que la castration chirurgicale est un traitement dégradant et c’est la raison pour laquelle nous avons demandé un arrêt immédiat de la castration chirurgicale dans le cadre des traitements des délinquants sexuels. »
Dans sa réponse au Comité, le gouvernement tchèque a rejeté les critiques formulées, mais le nouveau ministre en charge des droits de l’Homme, Michael Kocáb, a envisagé que la castration chirurgicale puisse être à terme abandonnée au profit de la castration chimique, pratiquée dans d’autres pays d’Europe :
« Si l’on démontre que l’efficacité de cette méthode est comparable, nous déciderons d’avoir recours à cette solution plus modérée et moins mutilante. »
En République tchèque, la pratique de la castration chirurgicale a été légalisé en 1966. Selon le gouvernement, 94 hommes ont été castrés chirurgicalement depuis l'année 2001.
Nous nous sommes rendus dans l’hôpital psychiatrique de la ville d’Havlíčkův Brod et nous y avons rencontré plusieurs patients. Le premier d’entre eux, que nous appellerons Miroslav, a été castré en 2001, après avoir été condamné à 8 ans de réclusion pour un meurtre sexuel qu’il a commis alors qu’il était encore mineur:
« La castration chirurgicale est un choix individuel que chacun doit prendre en conscience, parce que c’est irréversible. Pour moi, c’était le bon choix, et le seul possible vu la gravité de mon état. Ça m’a aidé à diminuer mon taux de testostérone et mon agressivité. Maintenant je suis calme et peux vivre sans problème. »
En moyenne, trois patients de cet hôpital psychiatrique sont chirurgicalement castrés chaque année. Dénommée scientifiquement ‘pulpectomie testiculaire’, la castration chirurgicale encore pratiquée en République tchèque consiste à vider les testicules de leur tissu. Želmíra Herrová dirige le département de sexologie de l’hôpital d’Havlíčkův Brod :
« Les crimes qui peuvent être commis par ces déviants sexuels sont si horribles que nous avons besoin d’une méthode fiable. Pour l’instant hélas, la méthode la plus fiable dont nous disposons pour des patients aussi dangereux est la castration. »
František est un autre des patients de ce même département de sexologie. Condamné pour crime sexuel, il réfléchit à la possibilité de se faire castrer :
« Je ne suis pas contre la castration, mais je suis marié et ça aurait des conséquences aussi pour mon épouse. Alors j’essaie de poursuivre mon traitement sans avoir recours à la castration mais c’est une possibilité que j’envisage quand même. »
Pour le CPT, l’un des problèmes observés réside dans le consentement que doit donner le patient avant la castration. Un consentement pas assez informé, souvent donné contre la promesse de sortir plus tôt et parfois obtenu sous pression, comme le font également valoir les défenseurs des droits de l’homme en République tchèque. Jana Marečková est avocate et représente la Ligue des droits de l’homme :
« Le problème est dans la pratique, parce que les patients ne sont pas suffisamment informés et souvent le consentement du patient peut être obtenu sous la pression. Donc il existe des doutes sur le fait qu’il ait donné son consentement volontairement et librement. Même si le patient doit donner son consentement par écrit, il est impossible de savoir s’il l’a donné de son plein gré ou s’il l’a donné parce que les docteurs l’ont menacé de renforcer ses conditions d’internement en lui interdisant par exemple les promenades ou les visites. »
Une majorité de sexologues tchèques reste favorable à la castration chirurgicale, car elle permet selon eux de réduire drastiquement les risques de récidive et permet également de remettre en liberté des déviants sexuels qu’on aurait dû sinon laisser enfermés toute leur vie. Pourtant, certains spécialistes comme le docteur Kožnar de l’hôpital psychiatrique de Prague-Bohnice ne partagent pas cet avis :
« Je pense que ce n’est pas une bonne solution. Le centre sexuel n’est pas entre les jambes mais entre les oreilles. Même si le patient est castré, il doit quand même selon moi modifier sa façon de penser et c’est ce que nous essayons de faire en psychothérapie. L’opération seule n’est qu’une intervention biologique. Si l’homme ne change pas son mode de pensée, même après castration il sera toujours mentalement perturbé. »
La castration est un thème qui revient régulièrement à la une de l'actualité européenne suite à des affaires qui marquent l'opinion publique. Récemment, c'est un ministre italien du gouvernement Berlusconi qui s'est déclaré favorable à la castration chirurgicale après une affaire de viol.
En République tchèque, un homme a été condamné à perpétuité le mois dernier pour le viol et le meurtre d’un garçon de 9 ans. Selon son avocat, il va demander à être castré.