Le rap tzigane, nouveau genre musical made in Prague
Quand le hip hop se mélange aux mélodies traditionnelles tziganes... Précurseur du genre en République tchèque: Radoslav Banga, alias Gipsy.
Romano hip hop, c'est le titre du dernier album de Gipsy, rappeur tchèque et tzigane. C'est dans un café du quartier pragois de Kobilisy qu'il nous a parlé de son nouveau style musical :
« C'est du hip hop rom, un mélange de hip hop classique et de musique traditionnelle du folklore tzigane. Je dirais que c'est un moyen pour moi de conserver mes racines. Parce qu'aujourd'hui les jeunes tziganes perdent ces traditions. Ils veulent du R'n'B, du MTV. Je pense que c'est vraiment dommage, on ne devrait pas oublier tout ça et moi je suis retourné vers ces traditions, pour que les jeunes qui m'écoutent reviennent aussi à ces racines. »
Dans son avant-dernier album (Ya favourite CD-Rom), Gipsy rappait surtout en anglais. Cette fois-ci, beaucoup des textes sont en langue romani, une langue que ne parlait pas Gipsy - comme de nombreux Roms tchèques - et qu'il a dû apprendre :
« J'ai compris, en apprenant d'abord quelques phrases, que c'était une langue magnifique et dure, qui ressemble paradoxalement au français quand on rappe, alors j'ai voulu apprendre à parler. Mais c'est vrai que peu de gens vont comprendre tous les textes, même dans la communauté rom. Je dirais qu'environ 20 à 30% des Roms pourront comprendre. »
En République tchèque aussi, la communauté rom, estimée entre 200 et 300 000 personnes, est confrontée à de sérieux problèmes d'intégration. Pour le rappeur Gipsy, pas question de s'apitoyer sur son sort ni de jouer les victimes. Une attitude que certains membres de sa communauté ont parfois du mal à accepter mais qu'il assume:
« Le problème rom est historique. Ca fait 600 ou 700 ans que ca dure et qu'il passe de générations en générations. J'ai longtemps réfléchi aux causes de ce problème. Pourquoi c'est si difficile d'intégrer les roms dans la société ? Parce que les Roms changent tout le temps de pays, tu vois, de Roumanie, ils vont par exemple en Irlande, puis en Suisse. Ils ne parlent pas la langue du pays dans lequel ils vivent, aucune référence culturelle. Je suis contre le nomadisme, je suis pour que les Roms conservent leurs traditions, en s'adaptant. Il faut changer de comportement, on a des droits, après il faut voir ce qu'on fait de ces droits. Moi, je suis Tchèque et Rom, j'ai mes traditions, ma culture et ma langue et malgré tout je suis Tchèque. Mais il faut qu'une famille reste au moins un siècle dans le même pays pour s'intégrer. C'est pas possible de s'intégrer en bougeant tout le temps, ça marche pas... »
« On me pose souvent la question : comment tu peux aider les Roms ? Je réponds que la meilleure manière pour moi c'est de ne PAS aider les Roms, mais de m'aider moi-même. Je vais faire mon truc, je suis Gipsy, célèbre, je passe à la télé et tout, j'ai une maison, j'ai réussi quelque chose dans ma vie et je suis Rom et je veux qu'on le se sache. Qu'est-ce que ça va changer ? Que les jeunes qui pensent que tous les tziganes sont bons à rien se disent 'ah Gipsy, lui, il a réussi' donc parmi eux il doit y avoir des gens normaux. C'est ça pour moi d'aider vraiment les Roms. »
A 24 ans, le rappeur Gipsy semble s'être déjà fait une place dans le show-business tchèque. Il a même composé une chanson de variété pour une émission de télévision, Cesko hleda Superstar. Un moyen pour lui de réinvestir les fonds dans le hip hop, le romano hip hop.