Les cercles de Jan Kaláb s’exposent à Paris
« Ne dérange pas mes cercles », aurait lancé Archimède à un soldat romain qui troublait sa concentration et qui, vexé, l’aurait alors tué d’un coup d’épée. A la différence du scientifique grec, le plasticien tchèque Jan Kaláb « dérange ses cercles » lui-même et consciemment, en les transformant là en un objet oblong, là en une sculpture abstraite. Ces installations colorées sont actuellement présentées à Paris dans le cadre d’une exposition personnelle de Jan Kaláb, la première du genre en France. Intitulée « Pluriforme », l’exposition se tient, jusqu’au 12 novembre prochain, à la Galerie Openspace, boulevard Richard-Lenoir, dans le 11e arrondissement. Directrice de la galerie, Samantha Longhi a présenté Jan Kaláb et son œuvre pour Radio Prague :
Pouvez-vous revenir sur ses débuts dans le domaine du graffiti et de l’art urbain ?
« Jan Kaláb a fait partie de plusieurs groupes, dont notamment le groupe ‘DSK’. Il s’est fait appeler dans la rue ‘CAKES’ et ‘POINT’. Sous le nom ‘POINT’, il a beaucoup travaillé en volume, ce qui était assez rare à l’époque. Il était encore dans le développement du lettrage. Les cinq lettres du mot ‘point’ qui investissaient l’espace public, il les faisait en volume, le plus souvent en polystyrène, et les posait dans différents lieux en hauteur pour obtenir le maximum de visibilité. Au niveau européen, cela a vraiment été un moment charnière de l’histoire du graffiti et de l’art urbain, parce que c’est là où les codes ont changé. C’est aussi pour cette raison qu’il a une place importante dans ce mouvement aujourd’hui global, parce qu’il a contribué à l’évolution formelle et normée du graffiti. »
« Aujourd’hui, son travail dans l’espace public est complétement décomplexé et libéré de toute contrainte liée au lettrage. Il s’est développé dans une abstraction géométrique dont l’héritage prend sa source dans différents mouvements et époques. »Jan Kaláb travaille aujourd’hui plus en atelier. Une partie de ces œuvres est actuellement exposée à la Galerie Openspace. Que présente concrètement cette exposition ?
« Cette exposition présente trente-cinq œuvres produites exprès à cette occasion. Elles se distinguent en trois séries. La première série présente des formes circulaires qu’on appelle les ‘Rainbow Circles’, qui travaillent le thème du cercle sur la toile. Jan Kaláb y fait des châssis proches de la forme dite ‘rondeau classique’, donc des cercles parfaits. Mais au sein de cette même série, il travaille aussi l’imperfection du cercle, en faisant des châssis pas tout-à-fait circulaires, avec un travail de couleur et de forme qui s’apparente à des abysses. La deuxième série est basée sur la représentation formelle du cercle sur la toile. Cette série montre une superposition et une juxtaposition très serrée de bulles. »
« La troisième série, quant à elle, a un peu étonné le marché français, et ce même si Jan Kaláb travaille dessus depuis des années. Cette série travaille le médium de la toile tout en déconstruisant le châssis. On est donc proche d’un objet sculpture où la toile et le bois du châssis sont découpés et réassemblés de telle façon qu’ils créent un nouvel objet. On est vraiment entre la peinture et la sculpture. C’est la raison pour laquelle les cinq dernières œuvres sont des sculptures, dont notamment une sculpture multi-sphérique en fibres de verre, qui est assez extraordinaire et qui fait l’écho à plusieurs œuvres emblématiques de son travail de ces dernières années. »Comment avez-vous découvert Jan Kaláb et pourquoi avez-vous décidé de lui consacrer toute une exposition à Paris ?
« Nicolas Chenus, le co-directeur de la Galerie Openspace, est également le fondateur de ‘Graffiti Art’, un magazine qui s’intéresse aux artistes issus de la rue et dont le travail s’exprime à la fois dans l’espace public et dans l’atelier. Nicolas travaille donc au sein du graffiti depuis très longtemps et il a suivi l’évolution de Jan Kaláb depuis ses tout débuts. Mais ce n’est que récemment, quand la galerie a été ouverte, que nous avons commencé à nous rapprocher de Jan Kaláb. Nous nous sommes rencontrés tous les trois à Prague en 2012, à l’occasion de l’exposition ‘Stock on the city’. Depuis, nous sommes restés en contact. Et puis, voilà, nous avons décidé de réaliser cette exposition. »
L’exposition a été ouverte il y a maintenant près de deux semaines de cela. Quelles sont les réactions du public ?
« Le public s’arrête très souvent. Nous avons la chance d’avoir une grande vitrine sur rue. La grande sculpture ‘Pluriforme’, qui a donné son titre à l’exposition, donne donc directement dans la rue. Beaucoup de gens s’arrêtent et rentrent pour voir l’exposition. C’est une manière de faire de la médiation autrement, nous attirons un autre public. Et pour le public averti qui suit le travail que la galerie effectue, Jan Kaláb représente une belle découverte. C’est un travail qui est assez intellectualisé et en même temps formellement très attrayant. Donc, cela plaît beaucoup ! »