« Les Tchèques rentrent chez eux, et s’ils ont faim, ils mangent »
Les voyages formant la jeunesse, douze élèves du lycée Pays de Retz à Pornic (Loire-Atlantique) ont passé récemment une dizaine de jours à Prague dans le cadre d’un échange avec le gymnázium Nad Kavalírkou. Le projet, financé grâce au partenariat européen Comenius, doit permettre de découvrir et apprendre à mieux connaître la culture de l’autre, en l’occurrence tchèque pour les jeunes Français et française pour les jeunes Tchèques. Certains d’entre eux sont venus nous rendre visite dans les studios de la radio. Accompagnées de leur professeur Emmanuel Boubacha, Nawel et Alice, deux élèves pornicaises, nous en ont dit plus sur l’expérience qu’elles venaient de vivre à Prague. Mais avant cela, elles ont laissé la parole à leur nouvelle amie tchèque, Eliška :
Vous vous êtes donc lancés dans ce projet pour faire mentir ces idées reçues. De quelle manière ?
Eliška : « Nous avons créé un questionnaire pour découvrir la réalité sur notre génération. Nous avons interrogé d’abord les jeunes Tchèques sur leurs goûts, leur mode de vie, leurs préférences culturelles ou encore leur gestion de l’argent. Nos partenaires français ont fait la même chose de leur côté, et quand nous irons en France au printemps prochain, nous échangerons nos questionnaires pour comparer nos résultats. Ainsi, nous verrons quels sont les points communs et les différences entre les jeunes Tchèques et Français. Mais déjà, nous nous sommes découvert beaucoup de points communs et nous avons hâte de voir où eux aussi habitent et d’en savoir plus sur leur vie en France. »
M. Boubacha, vous êtes le responsable du projet côté français. Que pourriez-vous ajouter aux propos d’Eliška ?
Emmanuel Boubacha : « J’ai eu l’opportunité de lancer ce projet avec M. Jan Novák, qui est professeur au lycée Nad Kavalírkou, lors d’une rencontre à Istanbul. Nous nous sommes dit qu’il fallait absolument que l’on lance un projet franco-tchèque. Nous avons donc déposé une candidature Comenius pour que notre projet soit financé par la Commission européenne. »« Cela fait maintenant dix jours que les élèves sont à Prague, leur séjour touche à sa fin, et nous sommes tous ravis. Pour eux, ça change beaucoup, car Pornic est une petite ville au bord de la mer en Bretagne. C’est donc un changement d’environnement complet, mais ils apprécient beaucoup cette rencontre avec les jeunes Pragois qui leur permet de voir toutes les différences qui existent entre eux et leur pays. En même temps, se lancer dans cette étude leur permet de prendre conscience que beaucoup de choses les rapprochent. Je dirais même qu’il y a beaucoup plus de points communs que de différences. »
Nawel et Alice, qu’avez-vous découvert à Prague et que retirez-vous de votre séjour ?Nawel : « Nous étions là aussi pour parler et enrichir notre anglais… Mais c’est vrai, on a vu les points communs entre eux et nous… »
Alice : « La seule langue que nous pouvons utiliser est l’anglais, mais cela ne nous a pas empêchés de voir les différences de mode de vie qu’il peut y avoir avec la France. Malgré tous les points communs, il y a aussi pas mal de différences. »
Par exemple ? Vous avez logé dans des familles pragoises, qu’est-ce qui vous a donc surprises ?
Alice : « Les repas ! Ils n’ont pas du tout la même culture que nous. Les Tchèques rentrent chez eux et s’ils ont faim, ils mangent directement, même si toute la famille n’est pas là. Et puis ils mangent à n’importe quelle heure de la journée, alors qu’en France, on a des heures fixes… »
Nawel : « …Et on mange ensemble. »Quels sont les enseignements avec lesquels vous allez revenir de ce voyage à Prague ?
Nawel : « Bonne question… »
Alice : « Au-delà de l’anglais, sur notre sujet ‘Les jeunes et les préjugés’, on a fait un sondage dans la rue en demandant aux Tchèques ce qu’ils pensaient des jeunes, et on s’est vraiment rendu compte qu’il y avait encore beaucoup de préjugés. Par exemple, les gens pensent que les jeunes passent tout leur temps sur les réseaux sociaux, ce qui est faux. »
M. Boubacha : « L’objectif est vraiment que les jeunes se prennent en charge. La plupart des études sur les jeunes sont réalisées par des adultes avec un regard d’adulte. L’idée est donc que les jeunes deviennent acteurs et mènent eux-mêmes leur étude sociologique en leur donnant les moyens d’identifier d’une part les clichés et d’autre part de les démonter, par exemple à travers une exposition qu’ils ont dû monter ensemble, étudiants tchèques et français, pour montrer la réalité de leur vie. Ils ont aussi monté une vidéo pour se moquer un peu du regard que l’on porte sur eux. En fait, ils sont assez libres d’exprimer ce qu’ils sont vraiment en tant que jeunes, tout ça en travaillant dans une optique d’échange culturel entre la France et la République tchèque. Pour cela, ils ont eu des cours de tchèque avant de partir. Bon, cela ne leur permet pas d’avoir un niveau de conversation, mais une professeure tchèque est venue au lycée à Pornic pour leur apprendre des rudiments, et je pense que cela a été très utile. »L’objectif de ces différents programmes d’échanges européens, notamment Erasmus dans l’enseignement supérieur, mais aussi comme le vôtre, est de rapprocher les peuples. Ce séjour à Prague vous donne-t-il envie d’en savoir plus sur la République tchèque et plus généralement sur les pays mal connus d’Europe centrale ?
Nawel : « Oui, cela me donne envie de participer à d’autres échanges et à d’autres voyages en Europe. »
Alice : « Nous avons découvert de nouvelles personnes. Nous avons passé quand même dix jours avec nos douze correspondants tchèques. C’est forcément intéressant. »
Prague vous a-t-elle plu ?
Alice : « Oui, surtout que nous sommes allées voir un ballet dans une salle magnifique. C’est ce qui m’a le plus marquée. »
Nawel : « Pour ma part, c’est quand nous sommes passés devant le mur Lennon. J’ai trouvé très forts avec ces mots dans toutes les langues… »
Juste en face de l’ambassade de France…
« Ah, on savait pas… »
Quelle sera la suite de cet échange franco-tchèque ?
M. Boubacha : « Je citerais mes étudiants qui se demandaient comment, après avoir vu Prague, ils allaient pouvoir impressionner leurs hôtes tchèques. Pornic est une petite ville et c’est vrai que, niveau culturel, il y a une grosse différence. Mais je pense que nous allons miser sur le fait que c’est un environnement plus modeste mais aussi plus naturel au bord de la mer. Nous leur ferons découvrir le monde de la mer, à travers par exemple des activités sportives, pour vraiment dépayser nos Pragois. L’idée est de les surprendre par d’autres moyens. Et puis il faudra interroger aussi les Français pour voir si on observe les mêmes clichés sur les jeunes dans notre région. Nous avons donc hâte de recevoir nos amis tchèques fin avril – début mai 2015. »