« Macron veut nous fermer les frontières »

Emmanuel Macron, photo: Richard Drew/AP/ČTK

La conception qu’a Emmanuel Macron de l’Union européenne se heurte à des résistances et critiques dans beaucoup de pays membres, et la République tchèque ne fait pas exception à la règle. Quelques commentaires ont été publiés dans les médias tchèques ces derniers jours, suite notamment au sommet informel de Salzbourg. Revue de presse.

Emmanuel Macron,  photo: Richard Drew/AP/ČTK
Lors de son discours prononcé à l’issue du sommet qui s’est tenu récemment en Autriche consacré aux migrations et au Brexit, le président français a pointé du doigt les pays qui ne veulent pas d’Europe - parmi lesquels notamment la République tchèque - en ajoutant que l’Union n’était « pas un menu à la carte ». Cette déclaration, parmi d’autres, a suscité la colère de l’analyste Lenka Zlámalová sur Echo24.cz, quotidien en ligne indépendant et site d’opinion. Dans un commentaire intitulé « Macron veut nous fermer les frontières », l’auteur, personnalité respectée du petit monde journalistique tchèque, estime que « le discours [de Macron] est digne de celui d’un dictateur, prêt à adapter les règles de manière à ce que celles-ci conviennent à ses idées et l’aident à faire valoir ses intérêts ». Plus loin, elle regrette que le président des Français ait fait le choix de donner des leçons, alors que ceux-ci, ne serait-ce qu’en matière de solidarité et d’accueil des réfugiés, sont mal placés pour parler. « La France non plus n’a pas rempli son quota. Elle n’a pas accueilli les 9 000 personnes comme elle s’était engagée à le faire », explique-t-elle. Enfin, Lenka Zlámalová rappelle aussi que la France protège très durement ses frontières. Non seulement des milliers de migrants ont été renvoyés en Italie, mais la France n’a jamais non plus proposé d’ouvrir ses ports lorsque des migrants secourus par trois bateaux humanitaires erraient, en juin dernier, dans les eaux de la Méditerranée avant finalement d’être acceptés par les autorités espagnoles à Valence.

De son côté, dans l’édition de mardi du quotidien Mladá fronta Dnes, Josef Brož, consultant à l’Institut des démocrates européens, estime que « c’est désormais une certitude. Neuf mois avant la tenue des élections européennes, deux camps se forment dans l’UE. Avec deux politiques opposés : Emmanuel Macron et Viktor Orbán ». Dans son papier, l’auteur affirme que ce n’est rien de moins que la forme qui sera celle de l’Europe dans un proche avenir qui est actuellement en jeu. « Quelqu’un voit cela comme une collision entre ‘la bonne vieille Europe de l’Ouest’ et ‘la nouvelle Europe de l’Est libérée’ qu’incarnent le mieux le président français et le Premier ministre hongrois. Deux hommes avec deux visions », développe-t-il sa pensée avant de se demander si l’Europe n’a pas toujours eu plusieurs visages. Sur ce point, il rappelle la dénonciation faite en juin dernier par le chef de l’Etat français de « la lèpre nationaliste et de la frontière fermée que certains proposent » et la réponse faite par Viktor Orban à Milan quelques jours plus tard qui avait répété sa volonté de « stopper l’immigration illégale ».

Plus loin dans son texte, Josef Brož prétend que ce qui devrait intéresser les Tchèques, est le fait que « la ligne de Macron envisage sérieusement de réduire ‘le noyau dur’ de l’Europe, dont l’Europe de l’Est serait exclue. Si le président français parvient à convaincre la chancelière allemande, l’idée d’une Europe à deux vitesses réapparaîtra alors ».

Ces analyses tranchent avec l’analyse qui était faite dans l’hebdomadaire Respekt il y a un an de cela, bien avant donc le sommet de Salzbourg. Dans un commentaire intitulé « Intelligent comme Macron », la journaliste soulignait alors que le président français allait « avoir 40 ans et c’est pourquoi il n’a pas les instincts des politiques français de l’ancienne génération qui considèrent l’Europe centrale et de l’Est comme un territoire étranger : c’est d’abord le rideau de fer qui le séparait, puis les Allemands ont commencé à s’en occuper. Macron, lui, veut communiquer directement avec l’Europe centrale aussi. » Mais de l’eau a coulé sous les ponts depuis et Jan Fingerland, sur le site de la Radio tchèque irozhlas.cz, regrettait récemment que ce soient des politiques « qui aiment à les simplifier pour leur public, qui se soient emparés des questions difficiles de l’évolution future de l’UE – comme par exemple la lutte pour la souveraineté nationale que nous menons contre le Goliath bruxellois. »