Un accord européen inespéré mais vague sur les migrations
Un accord sur les migrations a été trouvé aux premières heures du jour, ce vendredi matin, entre les dirigeants des Etats membres au sommet de l’Union européenne. Alors que ce sujet empoisonne les relations des Vingt-Huit depuis quelques années, c’est finalement « la coopération européenne [qui] l’a emporté », ainsi que l’a souligné le président français Emmanuel Macron, à l’issue de neuf heures de négociations intenses. Côté tchèque, la satisfaction était, pour une fois, également au rendez-vous.
Au sortir des négociations nocturnes, le Premier ministre tchèque Andrej Babiš n’a pas boudé son plaisir d’avoir, avec ses collègues polonais, hongrois et slovaque, pu faire entendre leur voix, alors même que les quatre pays du groupe de Visegrád s’estimaient traités comme la cinquième roue du carrosse depuis le début de la gestion de la crise migratoire. Il y a quelques jours seulement encore, les petites remarques acerbes fusaient entre la France et la République tchèque, ravivant de mauvais souvenirs et des tensions rarement aussi intenses ces dernières décennies.
En amont du sommet de Bruxelles, pourtant, le président français Emmanuel Macron a rencontré les dirigeants des quatre pays considérés comme réfractaires vu de l’Ouest. La discussion aurait été « calme et constructive » selon des sources diplomatiques, le président français donnant des gages aux pays du V4 sur la question des quotas, tout en maintenant le principe de solidarité européenne. Il pouvait en être difficilement autrement, alors que les pays d’Europe centrale ne sont plus les seuls à faire pression avec leurs revendications spécifiques, le nouveau gouvernement d’extrême-droite italien s’étant positionné comme l’acteur intransigeant des négociations, son pays étant aux premières loges en ce qui concerne l’arrivée des migrants.
En attendant, pour la partie tchèque, l’essentiel résidait dans les termes de l’accord, comme le soulignait le Premier ministre Andrej Babiš :« Le groupe de Visegrád a pu imposer ce qu’il souhaitait. Il n’y aura pas de quotas migratoires, la relocalisation des migrants se fera sur la base du volontariat, et l’Union européenne va essayer d’installer des ‘hot spots’ hors du continent européen. »
Les déclarations optimistes et satisfaites, côté français, italien ou centre-européen, ont toutefois été plus nuancées chez la chancelière allemande Angela Merkel qui estimait qu’il y avait « encore beaucoup à faire pour rapprocher les différents points de vue. » Et c’est sans doute davantage dans cette déclaration qu’il faut chercher la réalité des résultats de ce sommet présenté comme « historique ». Certes les Vingt-Huit ne se sont finalement pas déchirés, comme on pouvait le craindre, mais les conclusions avancées dans le communiqué final restent assez vagues pour que chacun y trouve son compte…
L’accord de Bruxelles continue de prévoir une réforme de la convention de Dublin, censée permettre une répartition plus équitable des réfugiés, mais les pays du groupe de Visegrád s’opposant à tout accueil, les Etats-membres ont entériné le principe de « plateformes de débarquement » installées hors territoire de l’Union européenne, dans les pays d’Afrique du Nord. Or, évidemment, ce concept reste pour le moins flou puisque nul n’a demandé l’avis des pays potentiellement concernés. De même, l’aspect volontaire de la répartition des demandeurs d’asiles dans des centres dits « contrôlés » a bel et bien été entériné, mais les Vingt-Huit se sont bien gardés, pour l’heure, de se porter candidats à l’implantation de tels centres sur leur sol.Ainsi donc, ce qui ressort au regard de ces conclusions principales, et derrière les déclarations de principe, c’est un gros point d’interrogation : qu’en sera-t-il de la mise en place pratique des conclusions du sommet ? A cette question nulle réponse n’a été donnée…