Maria Tauberová ou le charme de l’art spontané
Il y a un siècle de cela, le 28 avril 1911, naissait Maria Tauberová, une femme qui allait devenir une des plus grandes cantatrices tchèques du XXe siècle. Maria Tauberová était très probablement une femme heureuse. Ses photos la montrent comme dans un nuage de bonheur car elle ne s’est jamais départie de son sourire contagieux.
Maria Tauberová souriait à la vie et la vie lui souriait. Son talent s’est imposé spontanément et sans entraves dès sa jeunesse et sa voix saine et radieuse ne l’a jamais trahie durant toute sa longue carrière. Elle est née dans la ville de Vysoké Mýto du Plateau tchéco-morave dans une famille tchéco-autrichienne :
« Ma mère était originaire de la ville d’Olomouc en Moravie et mon père était Viennois. Tout cela était l’Autriche, Prague aussi faisait partie de l’Autriche. En 1918, mon père devait être à Vienne et nous nous sommes donc installés à Vienne. »
C’est dans la capitale autrichienne que Maria passe sa jeunesse, et c’est dans l’Académie de musique viennoise qu’elle fait ses études de piano puis de chant, études qu’elle poursuivra à Milan. En 1934 elle suit son professeur de chant milanais Fernando Carpi à Prague et dès 1936, à l’âge donc de 25 ans, elle chante Gilda dans Rigoletto sur la scène du Théâtre national de Prague. Le metteur en scène Jiří Nekvasil retrace sa vie artistique :
« Maria Tauberová était une des cantatrices de la célèbre génération du chef d’orchestre Václav Talich. Le chef de l’opéra du Théâtre national, Václav Talich, l’a engagée en tant que soliste après sa première prestation sur scène en 1936. Et elle est restée jusqu’en 1973. Elle a pourtant continué à chanter et n’a décidé de mettre fin à sa carrière lyrique qu’en avril 1976 avec une représentation de l’opéra ‘Les deux veuves’ de Bedřich Smetana dans lequel elle campait le rôle de Karolina. »
Maria s’est sans doute glissée sans problème dans la peau de Karolina, femme énergique et émancipée qui sait jouir de la vie et rendre heureux les gens de son entourage. C’était le rôle préféré de Maria Tauberová, car il convenait non seulement à son tempérament mais lui donnait aussi la possibilité de mettre en valeur sa virtuosité vocale. Maria Tauberova a cependant incarné avec succès toute une série d’autres héroïnes du répertoire tchèque et mondial. L’agilité prodigieuse de sa voix et son talent de comédienne la prédestinaient aux opéras de Mozart. Elle a donc excellé comme Suzanna des Noces de Figaro ou la Reine de la nuit de la Flûte enchantée, mais a été très applaudie aussi dans des rôles plus dramatiques. Elle a été une émouvante Violetta de La traviata de Verdi, une ravissante Rosina dans Le Barbier de Séville de Rossini, une étonnante renarde dans la Petite renarde rusée de Janáček, une fantastique Olympia dans les Contes d’Hoffmann d’Offenbach et une séduisante Zerbinetta dans Ariane à Naxos de Strauss. Au cours de sa carrière, Maria Tauberová a incarné une cinquantaine de personnages féminins et les a tous marqués de son talent, de son tempérament et de son sens de l’humour.
Le théâtre lyrique a non seulement comblé ses ambitions artistiques mais lui a aussi donné l’homme de sa vie. A 90 ans, Maria Tauberová se souvenait encore de sa première rencontre avec le chef d’orchestre Jaroslav Krombholz :
« Nous nous sommes rencontrés ici à Prague, au Théâtre national et nous sommes tombés amoureux l’un de l’autre. Nous étions jeunes et nous nous sommes mariés en 1945. Nous avons vécu ensemble pendant 40 ans. Souvent, quand nous revenions d’une tournée, il me disait : ‘On rentre à la maison.’ »La vie de Maria Tauberová a été longue. Elle s’est éteinte en 2003 à l’âge de 92 ans. En 1995, elle a obtenu le prix Thalie pour l’ensemble de son œuvre. Elle avait alors remarqué avec son humour habituel : « Je savais un peu chanter mais je ne pouvais pas enseigner le chant. Je n’y entends rien. Quand mes collègues parlaient de respiration et d’autres aspects de la technique vocale, cela m’était complètement étranger. Je ne faisais qu’ouvrir la bouche et chanter. »