Martina Skala, de Prague à Hollywood (2e partie)
Deuxième partie de l’entretien réalisé avec l’illustratrice Martina Skala. Dans la première partie, Martina Skala avait parlé de son parcours, qui l’avait amené de Prague en Californie en passant par Paris. C’est une citoyenne du monde, qui dit « être étrangère partout et être à la maison là où elle se sent bien ».
Quel sentiment éprouvez-vous quand vous revenez à Prague aujourd’hui, vingt ans après la chute du régime communiste ?
« Je suis très contente que ce soit arrivé, que les gens peuvent voyager et vivre librement, je trouve ça formidable. Mais c’est vrai que c’est très différent de mon enfance, quand Prague était presque vide. Les maisons et les statues étaient noires, c’était comme un décor de cinéma assez fantastique. Il y avait une certaine poésie dans tout ça. Il n’y avait pas de publicités, c’est vrai que l’âme de la ville était plus présente que maintenant. Mais je trouve que c’est très important que les gens peuvent vivre comme ils veulent. »
C’est une ville qui vous a inspirée pour d’autres livres pour enfants, les aventures de Strado et Varius
« Oui c’est l’histoire d’une amitié entre un petit violon et un vieux violoniste. Le petit violon est né dans le 6e arrondissement de Paris, et ensemble ils traversent des villes. Le deuxième livre se passe à Prague, dans la villa Bertramka, où Mozart a composé une partie de Don Giovanni. Je l’ai fait avec un grand plaisir parce que je pouvais dessiner Malá Strana... »
Les Tchèques sont très friands de ce qu’on appelle les pohádky, ou contes de fées. Ils vous ont inspirée pour illustrer des livres pour enfants ?
« Pas forcément les pohádky de mon enfance... Il y avait quand même par exemple Karel Jaromír Erben, qui est très surréel. Mais c’est plutôt la vie qui m’inspire : un mot, une image, l’inspiration est partout si on fait un peu attention. »
Vous considérez-vous comme une artiste tchèque ?
« Oui, bien sûr, mais je ne donne pas de nationalité au talent. En France, on m’a dit que mes illustrations avaient un style un peu slave. Ici on me dit que mon style est un peu français, en Amérique on me dit encore autre chose : je suis étrangère partout et à la maison là où je me sens bien. Surtout, je laisse à chacun le soin de penser ce qu’il veut. Le talent n’a pas de nationalité. »
Vous avez parlé de Miloš Forman dans la première partie de cet entretien. Quand vous étiez à Paris, vous étiez beaucoup avec des Tchèques ? En Californie aussi ?
« Non, vraiment pas. J’aime bien rencontrer les gens du pays, parce que je veux m’intégrer et ne cherche pas vraiment les Tchèques à Paris et Los Angeles, de même que je ne cherche pas les Américains à Paris ou à Prague. Je ne cherche pas d’huîtres à Prague et ne cherche pas de bramboracek à Los Angeles... Je mange ce qu’il y a... J’aime bien, c’est comme changer de costume, j’aime découvir de nouvelles choses. »
Avez-vous encore de la famille ici ?
« Oui j’ai ma mère ici et mon frère, qui est le batteur du groupe Psí vojáci. J’ai aussi quelques cousins et cousines. »
Quels sont vos prochains projets après la sortie de ce dernier livre ?
« Il y a un autre livre que j’ai illustré et qui sort en même temps, Malostranské psí jaro, la vie de petits chiens qui vivent à Malá Strana, écrit par Pavla Skálová. »
A propos de Skálová et de votre nom, Skala, comment se fait-il que vous vous appeliez Martina Skala ? Les Tchèques ont du mal avec ça...
« Je m’appelais Skálová mais quand je suis arrivée en France et que j’ai fait mes papiers, ils m’ont dit ‘votre père s’appelle Skala et on n’a pas les –ová ici’. J’aurais pu garder le nom de Skálová. Mais skala, ça veut dire rocher et d’un coup j’ai trouvé que c’était formidable, que c’était la seule chose sur laquelle je pouvais m’appuyer parce que j’étais pauvre comme une souris... Donc je me suis dis que j’allais prendre le nom de mon père. En plus ça rappelle la Scala de Milan que j’aime bien... »