Lida Baarova
Peu de temps après son 86e anniversaire, Lida Baarova, vedette du film tchèque de l?entre-deux-guerres, est morte le vendredi 27 octobre dans son appartement de Salzbourg. Sa carrière de star de cinéma restant un peu dans l?ombre durant sa vie, Lida Baarova est devenue célèbre notamment grâce à ses relations amoureuses avec Joseph Goebbels, ministre de l'Information et de la Propagande sous Hitler.
Lida Baarova a été trouvée morte dans son appartement de Salzbourg où elle vivait depuis son émigration de Tchécoslovaquie en 1948. Selon les informations de la police autrichienne, Baarova est morte naturellement, d'une crise cardiaque tout probablement. Après la mort de son second mari, le gynécologue Kurt Ludwall, Baarova vivait à l'écart de toute la vie mondaine presque vingt ans. Lors des dernières années de sa vie, elle a été déclarée incapable par le tribunal et mise aux soins d'une aide sociale. « Elle ne veut plus vivre. Son désintérêt pour le monde des gens est absolu », a dit le réalisateur tchèque Otakar Vavra, après avoir visité Baarova au début de cette année à Salzbourg. Les dernières années de sa vie étaient des plus tristes : malade, elle souffrait de la maladie Parkinson, elle les a passées en compagnie de médicaments, de boissons alcoolisées et de cigarettes. Ses amis disent qu'elle s'est suicidée littéralement à petit feu par l'alcool...
Ludmila Babkova que les cinéphiles connaissent sous le pseudonyme de Lida Baarova est née le 7 septembre 1914 à Prague. Après le succès de son premier film, en 1931, Baarova, à l'âge de dix-sept ans, quitte le Conservatoire de Prague pour se consacrer à la carrière d'artiste qu'elle voulait bâtir. Grâce à son acharnement, elle arrive à tourner huit films rien qu'en première année de sa carrière mais elle se consacre aussi au théâtre. Tandis que dans la première moitié des années trente, les réalisateurs profitent plutôt de sa beauté physique, plus tard elle a l'occasion d'interpréter aussi des personnages de caractère, par exemple dans la comédie « la Fille en bleu » tournée en 1940. Ses partenaires masculins sont souvent des comédiens tchèques les plus célèbres de l'époque, dont Oldrich Novy ou le « roi des comédiens » Vlasta Burian. Ce dernier s'est retrouvé littéralement en danger lors du tournage d'un film avec Baarova. En effet, si sa femme n'était pas intervenue, il aurait succombé désespérement à son charme. La vie de Lida Baarova change considérablement lorsqu'elle reçoit la proposition de tourner en Allemagne, en 1935. Elle prend les leçons de la langue allemande pour pouvoir jouer dans le film à grand spectacle « Barkarola » de 1935. Gagnant le public allemand, son succès se reflète non seulement sur son niveau de vie, elle se fait construire, entre autres, une villa de luxe non loin de Berlin, mais aussi sur ses relations intimes.
A la mi-des années trente, Lida Barova fait connaissance du ministre Goebbels qui, ayant tombé amoureux de la vedette tchèque, est prêt à tout sacrifice, y compris le divorce avec sa femme Magda, mère de six enfants. Pour éviter un scandale, c'est Adolf Hitler en personne qui doit intervenir pour mettre un terme à la liaison de son ministre amoureux, en 1938. Baarova tombe en disgrâce et devient une actrice proscrite après 1941.
« L'année où il (Goebbels) me poursuivait a détruit toute ma vie. Il est tombé amoureux de moi comme un fou. J'avais peur. Il ne me plaisait pas mais il était très intelligent et amusant... » a dit plus tard l'actrice qui se considérait comme victime dans la relation avec Goebbels. Le châtiment qui arrive est d'autant plus dur. La guerre terminée, Baarova est emprisonnée et accusée de collaboration avec les nazis. Mais, sa culpabilité n'étant pas établie, elle est libérée en 1946. Malgré tout, ses biens sont confisqués ainsi que la moitié de sa villa dans le quartier de Dejvice à Prague. Et comme un malheur ne vient jamais seul, c'est aussi sa soeur cadette, l'actrice Zorka Janu, qui se suicide en sautant de la fenêtre de leur villa, et sa mère qui meurt à la suite d'un interrogatoire.
En 1947, Lida Baarova se marie avec Jan Kopecky, neveu du ministre de l'Information de l'époque, avec qui elle quitte la Tchécoslovaquie, un an plus tard, pour s'installer tout d'abord en Autriche, puis en Argentine et après de nouveau en Autriche. A Salzbourg, où elle vit depuis, Baarova tombe malade et connaît son futur mari Kurt Ludwall.
Pendant la guerre, Baarova ne joue que dans peu de films italiens, dont la « Boulangère » du réalisateur Enrike Guazzoni ou le « Rhinocéros » du célèbre Vittorio De Sica. Dans les années d'après-guerre, elle joue encore dans plusieurs films espagnols de moindre importance, dont le rôle de la vendeuse d'images des saints dans le film « Batteurs de pavé » de Federico Fellini, pour terminer sa carrière définitivement en 1956. Dans ses Mémoires intitulés « Les douces amertumes de l'existence » Lida Baarova a écrit : » J'ai commis beaucoup de fautes dans ma vie, pour lesquelles j'étais aussi plus que rigoureusement punie... ».