Le triomphe d'une mezzo-soprano
Elle a chanté et c'était un triomphe. La mezzo-soprano américaine, Jennifer Larmore, a provoqué, dans la grande salle du Rudolfinum, mercredi, un enthousiasme qui frôlait la folie collective. Vaclav Richter était dans la salle.
Native d'Atlanta aux Etats-Unis, Jennifer Larmore, a chanté dans cette ville, en 1996, l'hymne des Jeux olympiques devant des millions de spectateurs. Sa véritable carrière avait commencé, cependant déjà, en 1986, en France ou elle s'est produite dans La Clemenza di Tito de Mozart. Depuis, elle a chanté dans les meilleurs maisons d'opéra sous la direction de chefs d'orchestre célèbres. Aujourd'hui, elle est, sans doute, l'une des plus grandes mezzo-sopranos coloratura du monde. Grâce à l'agilité exceptionnelle de sa voix, elle pourrait rivaliser avec une Marilyne Horne et avec d'autres grandes dames du bel canto. Mercredi, elle a présenté au public pragois, avec le concours de l'orchestre du Théâtre national placé sous la direction de Marco Guidarini, des airs de Händel, de Mozart et aussi sa spécialité, des rôles de mezzo-soprano de Rossini. Dans les airs de Händel, tirés de l'oratorio Hercules, et de l'opéra Rinaldo, elle a fait briller non seulement son art de la fioriture, mais elle a déployé aussi les facettes sombres, dramatiques et passionnés de son timbre. Dans Mozart (les deux airs du Cherubino des Noces de Figaro), elle a montré une finesse psychologique teinté d'humour. Les airs de Rossini, et notamment celui d'Arsace, jeune héros de l'opéra Semiramide, lui ont permis d'étaler, devant le public ébahi, l'éventail de ses possibilités. On a écouté, le souffle coupé, cette avalanche de trilles, de roulades, et de sauts périlleux, le torrent du chant orné, cette voix d'une agilité serpentine qui restait belle, opulente et veloutée, même dans les moments les plus dramatiques. Comme si elle était un geyser d'énergie impétueuse et indomptable, comme si elle voulait déclencher une tempête. C'était d'ailleurs un véritable orage de cris et d'applaudissements qui a éclaté à la fin de l'air d'Arsace. Et la cantatrice, bissée, a ajouté pour le public ravi et insatiable un air de Carmen de Bizet et une scène tirée d'une comédie musicale qui lui ont permis de mettre en valeur son talent de comédienne et de faire aussi une caricature irrésistible de son métier de prima donna.