Comment les Tchèques deviennent des vrais millionnaires ?
Devenir millionnaire ? Quelques-uns en font le but de son existence, d'autres en rient, considérant qu'il y a plus important. Mais comment les Tchèques arrivent-ils en fait à ces fortunes flanquées de chiffres avec six zéros ? Dans quelle branche c'est plus facile qu'ailleurs ? Et combien de millionnaires au fait vivent parmi nous ? C'est à cette question que le quotidien Pravo a tenté de répondre dans l'une de ses dernières livraisons.
« Si l'on compte en couronnes, dit Petr Zahradnicek de Conseq Finance, il suffit d'être propriétaire d'un appartement 2 pièces, cuisine, SDB à Prague et la personne est millionnaire. « Disposer d'un million de couronnes tchèques (un peu moins de 250.000FF) ce n'est pas un objectif difficile à atteindre. Du point de vue de la propriété, il englobe la majorité des propriétaires des appartements et des maisons individuelles, non seulement en ville, mais aussi en dehors » ajoute l'analyste. Au fait, 40 % des ménages en République tchèque logent dans des maisons individuelles.
Qui donc peut être considéré comme un vrai millionnaire ? Zahradnicek propose de prendre comme monnaie de référence le dollar américain ou le mark allemand. « Les biens personnels de l'ordre d'un million de dollars sont, tout au plus, détenus en République tchèque par quelques dizaines de familles. Dix mille peut-être, mais trente mille c'est trop. Si on compte en marks, le nombre de personnes qui dépassent la limite d'un million, comparé au nombre d'habitants, est inférieur, comparé à l'Allemagne. Quant aux Etats-Unis n'en parlons pas » dit-il.
Ce qui agace le plus dans cette affaire, est qu'il est difficile d'avoir des chiffres concrets. « Nous n'avons pas d'informations, comme le fait, par exemple, de savoir le nombre de personnes qui, en République tchèque, gagnent un million de couronnes annuellement. Les gens riches refusent de participer à nos enquêtes sur les revenus et dépenses des ménages, et même les formulaires de recensement de la population, prévu au printemps prochain, ne contiennent pas de question sur le revenu » a dit à Pravo le porte-parole de l'Institut tchèque des statistiques Ladislav Pistora.
Rechercher la profession qui mène directement vers les millions n'est pas non plus facile. Ce n'est certainement pas la science. Le plus grand astronome tchèque a déclaré à ce sujet à Pravo : « Avec la science vers les millions ? Si vous pensez à la science dans le milieu national, alors c'est absolument exclu. Peut-être qu'on peut y penser s'il s'agit d'un savant à l'étranger et qui est Prix Nobel. Il devient millionnaire automatiquement. Mais comme vous le savez, cette probabilité est infime. Si les parents ambitionnent que leur rejeton devienne millionnaire, alors, la science n'est pas la voie la plus bonne. Malgré cela, je la leur conseillerai. Je pense que la satisfaction qu'elle apporte à l'homme est beaucoup plus grande que la satisfaction d'avoir un million à la banque ».
Et l'art alors ? Pravo a posé la question à Milan Knizak, directeur de la Galerie nationale. « L'art est le meilleur investissement, car si vous choisissez bien, son prix ne baisse pas, au contraire il augmente. Les mieux placés de ce point de vue, sont évidement les artistes décédés » ajoute Knizak. Il existe au monde quelques artistes devenus millionnaires de leur vivant, mais en Tchéquie, il y en a très peu. Knizak voit les raisons clairement : « Le marché est peu développé et nos concitoyens riches préfèrent pour le moment acheter plutôt les grosses voitures et construire des grandes baraques moches, où ils habitent comme des barbares ».
Le psychologue Slavomil Hubalek connaît, grâce à sa profession, différentes voies propres à mener vers la richesse. « Je consacre 90% de mon temps à choisir des jeunes gens capables, qui veulent s'enrichir par le travail, mais en même temps je suis expert auprès des tribunaux, et les 10% restants, je les passe dans des prisons en contact avec ceux qui sont vraiment devenus millionnaires et risquent maintenant quinze ans de prison » a dit Hubalek.
Hubalek parle de deux groupes de gens susceptibles d'être sur le chemin de la richesse. « Les premiers étudient longtemps, parlent couramment une ou deux langues étrangères, connaissent parfaitement l'informatique, ont terminé une école supérieure, et ont souvent approfondi leur études à l'étranger, avant de rentrer au pays chercher une place de la catégorie top manager. Et nombreux sont ceux qui réussissent vraiment, et perçoivent ensuite jusqu'à 200.000 couronnes de salaire par mois (soit l'équivalent de 37.000 FF). Devenir millionnaire pour eux, représente seulement 5 mois de salaire ».
Et le second groupe ? La réponse du psychologue: « Ce sont des gens qui n'étudient rien, ne parlent aucune langue, l'ordinateur ne leur dit rien, et des technologies modernes ils ne connaissent que les armes à feu. Même eux réussissent souvent à s'enrichir rapidement. L'une des méthodes les plus rapides est, par ex., devenir un tueur à gage, ensuite vous pouvez aussi participer à la privatisation et « vytunelovat » quelques entreprises, c'est à dire les faire banquerouter frauduleusement, éventuellement faire du commerce avec les huiles légères de chauffage (cela s'est déjà vu), et à côté de cela, se livrer au commerce de drogues, ou à la traite de la blanche ».
Sept Tchèques sur dix pensent que les gens riches ont ramassé leur fortune par l'escroquerie. C'est ce qui ressort d'un sondage STEM du mois d'août. Dans une enquête similaire, réalisée six mois auparavant par IVVM (Institut des sondages de l'opinion publique), la part des sceptiques a été beaucoup moins importante: 53 % seulement des personnes interrogées pensaient que la plupart des riches ont obtenu leurs biens d'une manière malhonnête.
Une information pour finir, Le courrier des pays de l'Est est un mensuel traitant de la politique, l'économie et les sociétés. Pour ceux qui s'intéressent à l'Europe centrale, il a sorti un important numéro (juin-juillet 2000) traitant de l'Europe centrale 1999-2000, conflits politiques, reprise économique, malaise social. Pas moins de 15 articles de fond signés par des spécialistes, avec une annexe des principaux indicateurs socio-économiques des pays d'Europe centrale et orientale.