Na Morani, c'est une rue ordinaire qui descend de Karlovo namesti (Place Charles) vers le ministère du Travail et des Affaires sociales, situé sur le quai de la Vltava. On y passe sans se rendre compte de l'importance de cet endroit.
Il y a bien des siècles, sous le règne de la princesse Libuse, fondatrice légendaire de la ville de Prague, se trouvait en ces lieux la nécropole des anciens slaves. Les lieux de sépultures s'étendaient depuis l'emplacement actuel de la rue Na Morani, jusqu'aux bains de saint Venceslas, passant par l'endroit où se trouve aujourd'hui l'église Saint-Kosmas et Saint-Damian, ainsi que le cloître d'Emmaüs. Là, s'élevait la statue de Morana, déesse païenne de la mort, fixée sur une pierre recouverte de mousse verte. Les cheveux épars, son regard ténébreux fixé au loin, la déesse guettait les futurs victimes. Peu lui importait l'âge, la beauté, la laideur, si les futurs défunts étaient nobles, roturiers, de bonnes moeurs ou manants...Devant elle, incarnation majestueuse de la mort, toute vie humaine avait la même valeur. Lorsqu'elle trouvait sa victime, Morana descendait lentement de son piédestal, la rejoignait en passant inaperçue pour le commun des mortels. Elle effleurait de son index glacial, couleur de cire, le front du prochain habitant de son royaume, puis l'emmenait doucement au pays du non - retour. Morana veillait sur le sommeil éternel de toutes les âmes reposant en paix.
La nécropole était divisée en deux parties : le Grand cimetière et le Petit cimetière, situé un peu plus bas. Le Petit cimetière était le lieu de sépulture des princes de Bohême. Ainsi, les princes Nezamysl, Mnata, Vojen, Vnislav et Kresomysl reposaient tranquillement sous les branches des arbres feuillus.
La légende dit, qu'une fois par siècle, à minuit, un somptueux cortège d'anciens tchèques de l'ensemble du pays, précédé par Morana, se déplace du cloître d'Emmaüs au château de Vysehrad.
Si par hasard vous vous trouvez à proximité de la rue Na Morani, vous saurez maintenant, chers auditeurs, l'origine mystique de son nom.
