Le monde en bleu de Vaclav Spala
"Vaclav Spala était, tout simplement, un peintre génial. Sa manière de peindre est intuitive, mais parfaite. Il avait un sens étonnant de la couleur, de l'espace. Sa touche énergique est intemporelle, mais en même temps, quand on regarde ses toiles, on sent qu'il les a créées dans une époque de bouillonnement, de tendances modernes, révolutionnaires dans l'art. Or, Spala ne les copiait pas, il les synthétisait et parfois même anticipait, comme c'était le cas du fauvisme et de l'utilisation surprenante des couleurs."
...Explique Helena Musilova, commissaire de la vaste exposition Spala au Manège Wallenstein, à Mala Strana, organisée par la Galerie nationale de Prague. Né en 1885 et mort après la Deuxième Guerre mondiale, Vaclav Spala a été effectivement influencé par le fauvisme, le cubisme et l'expressionnisme, qu'il transforme à sa manière. Van Gogh, Cézanne, Gauguin, Braque - autant de grands noms qui nous viennent à l'esprit lorsqu'on voit ses paysannes, baigneuses et blanchisseuses, ses paysages et bouquets de fleurs.
Mais pour beaucoup de ses admirateurs, Spala reste surtout le "maître du bleu". Dans les années 1920, le bleu mais aussi le rouge dominent sa palette. C'est curieusement en bleu que le peintre crée ses paysages ensoleillés, des toiles immenses considérées aujourd'hui comme des chefs-d'oeuvre de l'art tchèque, avec, pour sujet, les bassins des rivières tchèques telles que Otava, Vltava, Sazava, Berounka. Helena Musilova. D'où vient cet amour pour le bleu ?
"Je crois qu'il lui est venu avec ses voyages en mer Adriatique. Il est vrai qu'à son époque, le bleu était en vogue, le peintre Kubista, par exemple, a fait son autoportrait en bleu. Avec des bleus différents, Spala a réussi à exprimer aussi bien la chaleur du sud que l'ambiance du paysage tchèque, pluvieux mais agréable."
"Vaclav Spala, entre l'avant-garde et la vie" (mezi avantgardou a zivobytim)... L'exposition, comme le sous-entend son titre, veut présenter Spala, peintre dit "national", sous un nouveau jour. C'était d'ailleurs le souhait de Milan Knizak, directeur de la Galerie nationale :
"Je suis fier de ce titre, « Spala entre l'avant-garde et la vie », je trouve qu'il exprime exactement la position de Spala dans l'art et dans la vie. D'un côté, c'était un avant-gardiste non-conventionnel, qui allait très loin dans ses jugements artistiques, et de l'autre côté, il a magnifiquement su s'adapter au système du marché capitaliste. Cette faculté-là apparaît, chez les autres artistes, après la Deuxième Guerre mondiale, mais Spala l'avait bien plutôt. Il s'agit, chez lui, d'une combinaison du grand geste avec une manière de vivre réaliste. Il savait créer et tirer profit de cette création, et c'est ce qui préoccupe même les artistes contemporains."
Les bouquets de fleurs et les natures mortes, exposés, bien sûr, au Manège Wallenstein, ont valu à Vaclav Spala ses plus grands succès commerciaux. Helena Musilova ajoute :
"Ses bouquets de fleurs ne sont pas tellement originaux, presque chaque peintre en a faits. Mais c'est sa manière de les vendre qui est originale et ceci au niveau national et même européen, je pense. Spala était son propre manager, il savait peindre des tableaux de qualité, leur faire de la publicité et les vendre à une vitesse étonnante. Sa clientèle était constituée de directeurs de banques, d'entreprises et d'institutions d'Etat. Il s'est fait construire une villa dans le prestigieux quartier pragois d'Orechovka, sa famille s'habillait dans des maisons de mode renommées... Oui, il a bien gagné sa vie."
L'exposition dédiée à Vaclav Spala a pour but de présenter l'oeuvre de l'artiste d'une manière systématique et complexe : ainsi, vous pouvez y voir, à côté d'une centaine de peintures, ses illustrations, jouets, vitraux, affiches et dessins. C'est jusqu'au 11 septembre, dans la galerie du Manège Wallenstein, station de métro Malostranska.