L’embarrassante visite à Moscou du président de la Chambre des députés tchèque
Le président de la Chambre des députés tchèque a effectué, lundi et mardi, une visite en Russie qui n’est pas restée sans réactions à Prague. Lors de son passage à Moscou, Radek Vondráček (mouvement ANO) a rencontré notamment les chefs des deux chambres du Parlement russe, deux personnalités qui figurent sur la liste des personnalités politiques frappées par les sanctions de l’Union européenne (UE) et des Etats-Unis en raison de l’annexion de la Crimée.
Cela n’a cependant pas été le cas d’une partie des médias tchèques, qui se sont étonnés que le président de la Chambre des députés, très proche au sein du mouvement ANO du Premier ministre Andrej Babiš, ait été accueilli par Viatcheslav Volodine et Valentina Matvienko, respectivement présidents de la Douma et du Conseil de la Fédération, les chambres basse et haute du Parlement russe. L’un comme l’autre font en effet l’objet des sanctions prononcées en 2014 par l’UE et les Etats-Unis en représailles de leur immixtion dans la crise ukrainienne.
Dans un long entretien accordé à la Radio tchèque à son retour de Moscou, Radek Vondráček a toutefois affirmé que l’annexion de la Crimée et le conflit dans l’est de l’Ukraine avaient justement fait partie des sujets de discussion avec ses homologues. Et s’il n’a pas remis en cause les sanctions appliquées, conformément à ce qui a été officiellement annoncé au Château de Prague en septembre dernier lors de l’adoption d’une position commune des plus hauts représentants de l’Etat tchèque (cf. : https://www.radio.cz/fr/rubrique/faits/affaires-etrangeres-pour-la-republique-tcheque-les-sanctions-contre-la-russie-sont-justifiees), tout en rappelant également la qualité de membre de l’UE et de l’OTAN de la République tchèque, Radek Vondráček refuse toutefois de couper la ligne avec Moscou :
« J’ai voulu me mettre au diapason de l’Allemagne, de la France, de l’Italie et d’autres pays qui mènent un dialogue de travail avec la Russie avantageux pour chacune des parties. Je ne pense pas être inférieur à un Allemand ou à un Suisse et je considère que la République tchèque doit elle aussi entretenir cette relation. Nous sommes un pays indépendant qui appartient à l’Europe de l’Ouest et nous avons pleinement le droit de participer à des relations diplomatiques. Je comprends le scepticisme de certains mais je suis convaincu que la majorité des Tchèques préféreraient qu’il y ait moins de tension avec la Russie et qu’une solution qui convienne à tout le monde soit trouvée. »
Grande reportrice et correspondante de guerre dans les pays du Caucase après l’effondrement de l’Union soviétique, spécialiste de la Russie et des anciennes républiques soviétiques, Petra Procházková porte, elle, un regard quelque peu différent sur cette « visite de courtoisie » de Radek Vondráček dans un pays qui continue à penser que l’Europe centrale fait partie de sa sphère d’influence :« Je pense qu’il aurait été préférable que cette visite se passe dans une autre atmosphère et un autre format. Le fait même que cette visite ait été entreprise ne me gêne pas plus que ça. D’autres pays européens, notamment les plus grands, ne se privent pas d’entretenir des relations avec la Russie et cela ne les décrédibilise pas aux yeux des autres. Le problème à mes yeux est que cette visite n’a pas été une grande réussite. Elle était mal préparée et donne le sentiment d’un trop grand amateurisme. »
Lors d’une conférence donnée lundi à l’Institut d'État des relations internationales de Moscou, qui dépend du ministère des Affaires étrangères russe, Radek Vondráček a donc exprimé son regret de constater que les relations tchéco-russes, « malgré leur immense tradition », ne soient pas aussi bonnes qu’elles devraient ou pourraient l’être.
Par ailleurs, selon les médias russes, et c’est là un point de sa visite qui n’est pas passé inaperçu à Prague, à l’issue de sa rencontre avec Valentina Matvienko, Radek Vondráček a aussi déclaré qu’on ne pouvait pas juger de l’opinion de la majorité des Tchèques - concernant la Russie - sur la base des informations diffusées par les médias tchèques. Une déclaration que le président Zeman, qui l’année dernière avait fait part à son homologue Vladimir Poutine de son désir de « liquider les journalistes » (cf. : https://www.radio.cz/fr/rubrique/faits/lassassinat-en-slovaquie-dun-journaliste-rappelle-la-liquidation-souhaitee-par-le-president-zeman), s’est bien gardé de commenter.