Prague s’offre la plus grande rétrospective de Gerhard Richter en Europe centrale

Gerhard Richter, 'Betty', photo: Archives de la Galerie nationale de Prague

Impossible d’y échapper : les affiches de l’exposition pragoise de l’artiste allemand Gerhard Richter se trouvent à tous les coins de rue de Prague. Elles invitent les touristes à l’aéroport, dans le métro, dans les hôtels ou encore dans les trains en provenance d’Allemagne. Ce mercredi, la Galerie nationale a inauguré la plus importante rétrospective de Gerhard Richter jamais organisée en Europe centrale et orientale. Histoire de faire découvrir au public la création d’un des grands artistes allemands actuels, dont les tableaux battent tous les records de ventes d’art contemporain.

Gerhard Richter,  photo: ČTK
« Voilà ce que le régime communiste nous a empêché de voir et de découvrir ! » C’est avec cette exclamation que Jiří Fajt, le directeur de la Galerie nationale, a inauguré la rétrospective d’une des figures majeures de l’art contemporain, venue en personne à Prague. Attiré par les possibilités de création qu’offre le monde libre, Gerhard Richter, aujourd'hui 85 ans, a lui-même fui l’Allemagne de l’Est, au début des années 1960, pour s’installer de l’autre côté du mur de Berlin.

Peintre classique dans sa pratique du métier, Gerhard Richter expérimente notamment la peinture photographique. Fasciné par la capacité photographique de reproduire les œuvres de maîtres anciens, il pratique l’inverse et reproduit des photos en peinture, ou alors, peint directement sur ses photographies. Une des peintures photographiques les plus connues de Gerhard Richter, s'intitule « Oncle Rudi ». Offert par l’artiste au Musée de Lidice, le tableau, inspiré d’une photo issue des archives familiales de l’artiste, montre un soldat en uniforme nazi, mais pas seulement, comme le précise Milena Kalinovská, une des commissaires de l’exposition :

Gerhard Richter,  'Oncle Rudi',  photo: Archives de la Galerie nationale de Prague
« On voit sur cette toile un bel homme qui sourit. Mais nous savons bien ce qu’il symbolise. Ce tableau nous suggère l’idée que les hommes ordinaires et d’allure sympathique sont peut-être responsables des plus grands massacres de notre époque. »

C’est un cas typique pour Gerhard Richter qui a été un des premiers plasticiens allemands à refléter le passé nazi de son pays dans son œuvre. Mais l’exposition pragoise présente aussi les tableaux abstraits de l’artiste, inspirés des photos prises en 1944 par un des prisonniers déportés à Auschwitz.

« Il est insensé de parler de peinture. C’est une tentative d’exprimer ce qui est inexprimable par des mots », expliquait Gerhard Richter au début de sa carrière à la télévision allemande, dans une des rares interviews qu’il a accordées aux médias. A Prague, il a toutefois expliqué aux journalistes ce qui l’a poussé à créer un tableau inspiré des attentats terroristes du 11 septembre 2001, jour où Gerhard Richter se trouvait lui-aussi à bord d’un avion à destination de New York.

« Je détestais les photos en couleurs, de belles photos en soi de New York que les journaux ont ensuite publiées. »

La rétrospective pragoise de Gerhard Richter présente, dans les locaux du palais Kinsky et du couvent Sainte-Agnès, plusieurs dizaines d’œuvres de l’artiste, des peintures photographiques, des portraits, des paysages, des œuvres réalistes et abstraites. Un des auteurs de l’exposition, Norbert Arns, précise :

Gerhard Richter,  'Betty',  photo: Archives de la Galerie nationale de Prague
« Toutes ses œuvres sont liées à sa vie, elles forment ensemble une biographie de l’artiste. J’ai trouvé important de présenter la création de Gerhard Richter dans toute sa dimesion et sa complexité, depuis le début des années 1960 jusqu’à ses œuvres les plus récentes, créées l’année dernière. »

« Mes tableaux les plus chers ne sont pas forcément ceux que je trouve les plus beaux », a dit Gerhard Richter, dont la peinture « Eisberg », qui sera elle aussi bientôt exposée à Prague, vient d’être vendue pour plus de 20 millions d’euros à Londres, battant ainsi le record pour un paysage, lors d'une vente aux enchères de Sotheby's.