L’univers cosmopolite de Jiří Slavík
Notre dimanche en musique sera consacré pour cette-fois au jeune compositeur Jiří Slavík. Son dernier album « La Jeunesse » est le fruit d’un projet réalisé avec près d’une dizaine de musiciens du monde entier. Car même si Jiří Slavík est Tchèque, c’est un globe-trotter musical, qui a sillonné diverses contrées et villes, comme Rome, Londres, Paris, pour n’en citer que quelques-unes, et a ainsi découvert de nouvelles sensations. Jiří Slavík, dont le nom de famille veut dire ‘rossignol’, aime avant tout faire de la musique créative, avec son instrument fétiche sous les doigts, la contrebasse. Car la contrebasse n’est-elle pas le gardien d’un groupe ? A vous d’en juger sur Radio Prague, qui a eu le plaisir de s’entretenir avec l’auteur des chansons qui suivront dans la prochaine demi-heure, sur la liberté du métier de musicien, sur son dernier album « La Jeunesse », et sur combien la musique a un pouvoir de communication.
Sur l’interdépendance entre la musique et les voyages
« On se rend bien compte lorsque l’on va dans de nouveaux pays, dont on ne connait pas la langue, alors on parle avec la musique. C’est comme cela que j’ai rencontré mes premiers amis à divers endroits. Je jouais la musique qui devait leur parler d’une certaine manière. J’aime beaucoup ça, et surtout quand on est un musicien freelance qui est libre de se déplacer, le fait que la musique devienne une espèce de passeport international, et qui n’a donc pas besoin de visa ; le fait de pouvoir aller n’importe où et être de suite accepté par une communauté de musiciens qui sont sur place. Si on leur dit, je vais utiliser ce terme même si je ne le trouve pas super, que l’on est un musicien de jazz, alors je peux aller en Inde, en Chine, en Amérique du Sud, et partout, les musiciens vont peut-être me permettre d’intégrer un peu leur scène afin de voir si j’arrive de faire quelque chose avec eux. Je pense qu’un musicien classique n’a pas forcément ces possibilités. Après, cela devient une addiction en quelque sorte, le fait de toujours vouloir rencontrer de nouvelles personnes, de vouloir jouer avec de nouvelles personnes, de voir de nouveaux endroits, apprendre de nouvelles cultures et traditions. C’est donc un choix de vie. J’imagine difficilement qu’un jour cela puisse s’arrêter. »« Il existe également une belle lettre écrite par Wolfgang Amadeus Mozart à son « patron » de l’époque, l’archevêque de Salzbourg, et par laquelle Mozart se plaint du fait qu’il ne puisse pas voyager autant qu’il le veuille. Il dit que cela fait partie de son métier. Il écrit : « Comme je suis musicien, je dois me déplacer aussi pour que ma musique reste en contact avec le reste du monde ». Cela fait donc vraiment partie de ce que l’on fait. Les musiciens sont un peu des ‘grands voyageurs’, un peu comme des gitans, les termes sont similaires. Mais j’aime plutôt bien ça. Cela ne me pose pas de problème. »
Le pourquoi du choix de la capitale française où Jiří Slavík a vécu sept ans
« Avant je vivais à Londres, j’ai eu envie de partir mais pas très loin, car j’avais rencontré là-bas des musiciens extraordinaires avec lesquels j’ai voulu rester en contact. A l’époque, je ne parlais pas le français, mais j’avais vraiment envie de parler cette langue. Il y avait également un autre facteur celui de la musique française, notamment la musique d’Olivier Messiaen, que j’ai beaucoup étudié à ce moment-là et qui me parlait beaucoup. Paris me semblait comme une ville que j’avais envie de connaitre, explorer, et de pouvoir grandir dans cette atmosphère. La ville m’a donc beaucoup marqué. Même si maintenant j’ai un peu moins de contact, je suis sûr que le contact avec la ville, il ne va pas se terminer, il va continuer. J’ai eu le privilège, par exemple, de jouer au Notre-Dame ou au Théâtre des Champs Elysées, donc dans lieux qui ont vraiment changé l’histoire de la musique. On ne peut se sentir que privilégié lorsque l’on vit de telles expériences. »
La genèse de la « La Jeunesse »
« La Jeunesse – le titre est très spécifique et pourtant très ouvert. J’ai 28 ans, ma jeunesse n’est pas terminée, mais je sens quand même qu’il y a des périodes de ma vie qui se sont terminées. C’est bien parce que la vie elle change, elle évolue. On ne peut pas être toujours la même personne à 40 ou à 20 ans. Mais j’avais envie de faire une espèce de journal en musique, et qui prendrait en compte toutes les expériences que j’ai eues, dans les derniers neuf ans, à partir de 2006 lorsque j’étais encore à Londres. Les musiciens que j’avais choisis pour ce disque, étaient justement des copains, avec lesquels j’avais vécu ces expériences, donc des copains de l’Académie de Londres, ainsi que d’autres personnes. J’avais donc envie de créer une espèce de documentaire de cette période, qui ne va sûrement plus se répéter, et de mettre cela sur un disque. Je suis très content d’avoir réussi à le terminer, car cela m’a pris quatre ans. Cela a demandé beaucoup d’efforts. Je crois que je n’ai jamais mis autant d’énergie dans un projet de musique. Je suis très contente du résultat, et de comment les musiciens se sont intégrés à la musique, qui est totalement écrite sur partitions. Même si ce sont des musiciens de jazz, ils n’improvisent pas. C’est un peu comme de la musique de chambre. J’ai voulu conserver l’intégrité de la pensée musicale tout au long du disque. »« On a enregistré l’album à Londres, mais il y a toutefois cette ‘présence française’, comme dans la personne d’Antonin-Tri Hoang, qui sera bientôt actif sur la scène musicale tchèque. C’est un jeune musicien, qui était soliste de l’Orchestre national de jazz pendant six ans. J’étais très content de pouvoir le ramener de Paris à Londres, parce que c’était important d’avoir cette empreinte de la France. Je crois que l’on peut ressentir dans certains morceaux de l’album que j’ai passé du temps à Paris, en France. »