Repo : David Jarolím à Evian, le bonheur est dans le pré
De retour de Lyon après le match du Sparta Prague en Ligue Europa de football, il y a bientôt trois semaines de cela, Radio Prague a encore fait un dernier crochet par les Alpes, le lac Léman et Evian avant de reprendre pour de bon la direction de la République tchèque. Histoire, bien entendu, de savourer une tartiflette arrosée d’un petit blanc de Savoie (et tant pis pour la célèbre eau minérale locale), mais histoire aussi et surtout de rendre visite à David Jarolím. Francophone depuis le passage en France de son papa Karel à la fin des années 1980, l’international tchèque a récemment signé en faveur d’Evian. Après de longues années dans le championnat allemand, David Jarolím découvre donc ainsi la Ligue 1, un championnat dans lequel les joueurs tchèques restent relativement peu nombreux. Reportage…
Vendredi 21 septembre dernier, midi. Amphion les Bains, station balnéaire sur les bords du lac Léman. Le soleil brille sur les sommets alpins et une légère brise souffle dans les feuilles d’arbres sur les branches desquelles les oiseaux chantent. Malgré des installations provisoires et très modestes pour un club de Ligue 1, c’est dans cette atmosphère paisible et dans ce décor de rêve que l’équipe professionnelle de l’Evian Thonon Gaillard Football Club (ETGFC) achève son entraînement, le dernier avant un déplacement à Marseille, deux jours plus tard pour le compte de la 6e journée. Mais avant de se plonger dans l’ambiance autrement plus tourmentée du stade Vélodrome, les joueurs profitent encore de l’instant présent en s’adonnant à une ultime séance de reprises de volée.
Après dix-sept années passées en Bundesliga, dont les neuf dernières saisons à Hambourg, autre ville dingue de football à l’opposé donc de la quiétude de la Haute-Savoie, c’est tout cela qu’a choisi David Jarolím en signant, peu avant la fin du mercato, en faveur de l’ETGFC. A 33 ans, le milieu de terrain international tchèque désirait rejouer en France, un pays qu’il connaissait bien pour y avoir vécu à l’adolescence. Lui-même ancien joueur professionnel de talent et de renom, son père Karel avait évolué pendant quatre saisons à Rouen puis à Amiens au tournant des années 1980-90. Ce français appris à l’école et sur les terrains de Normandie et de Picardie, David Jarolím ne l’a pas oublié. A l’issue de l’entraînement, il a donc pu expliquer au micro de Radio Prague pourquoi ce choix de la France et de sa Ligue 1 après avoir passé l’essentiel de sa carrière en Allemagne :
« La France est une bonne expérience. C’était le deuxième pays dans lequel je souhaitais aller. Tant pour ma famille que pour moi avec la Ligue 1. Alors, oui, je suis vraiment content d’être arrivé ici. »
Content, David Jarolím n’est pas le seul. C’est aussi le cas de son nouvel entraîneur, Pascal Dupraz, qui a toujours titularisé le joueur tchèque depuis son arrivée au club :« Quand on sait bien choisir les joueurs, c’est toujours le même processus. David, on a l’impression que ça fait déjà quelques années qu’il est là. Et pourtant ça ne fait que trois semaines. Son intégration est parfaite. C’est un garçon très intelligent et expérimenté. Notre chance, c’est de savoir qu’il parle français. C’est important pour la communication. Après, c’est un grand professionnel, un garçon qui n’a plus à démontrer son talent, mais qui va encore le démontrer pendant quelques années ici. J’en suis sûr. »
Bien qu’il ait entamé sa deuxième saison en Ligue 1, le club savoyard reste encore mal connu du grand public, et plus encore bien entendu en dehors de la France. David Jarolím lui-même reconnaît que ce choix de carrière était un peu un saut dans l’inconnu :
« C’est vrai, je ne connaissais pas grand-chose du club. Je savais que Zidane et Lizarazu s’y étaient un peu engagés et qu’il était monté en Ligue 1 la saison dernière. Pour le reste… Mais quand j’ai su que j’intéressais Evian, je me suis renseigné sur Internet pour en savoir plus. »
Vous êtes ici depuis maintenant trois semaines. Comment se passe votre intégration ?
« Très bien. C’est un petit club, mais ses responsables et les gens à l’intérieur et autour font le maximum. Ils sont très engagés et sympas. Tout le monde essaie de m’aider pour quoi que ce soit. C’est vraiment bien. Je n’ai pas encore eu trop le temps de visiter la région, parce que je cherche une maison, donc c’est encore un peu difficile… »
Justement, le fait que club soit installé en Savoie et au cœur de ces Alpes magnifiques a-t-il influencé votre décision ?
« C’est difficile à dire. Ce que je voulais, c’était un club de Ligue 1. Evian était une possibilité. Mais bien sûr que l’on regarde aussi ce qu’il y a autour pour y vivre bien avec la famille. Et c’est vrai que la région est très belle et que c’était un bon choix. »
Si Jarolím continue donc encore de découvrir avec un enthousiasme certain son nouvel environnement, le staff technique d’Evian connaissait, lui, bien mieux le joueur. Et à entendre l’entraîneur Pascal Dupraz, on pourrait penser qu’il n’y avait pas de gros risques de se tromper :
« Toutes les personnes rompues au football connaissent David. C’est quand même un garçon qui est international et qui a joué de nombreuses années en Bundesliga. Donc, oui, on le connaissait. Il fallait juste que l’on se renseigne sur son état de forme et on s’est aperçu qu’il était plus que satisfaisant. Ca veut dire qu’on peut très bien avoir 33 ans et avoir encore des jambes, peut-être d’un jeune de 20 ans, mais d’un joueur de 25 ans. C’est le cas de David. »Est-ce difficile pour un club comme le vôtre aux moyens limités et encore en construction d’intéresser un joueur au parcours comme celui de Jarolím qui a passé près de dix saisons en Allemagne, dans un club, Hambourg, où la passion pour le football est toute autre que celle qui règne ici ?
« C’est certainement difficile, mais s’il est là, c’est parce qu’il l’a bien voulu. On ne l’a pas attaché pour qu’il signe… Personne ne l’a forcé. Mais on lui a aussi dit que notre club était un projet et qu’il grandissait de jour en jour. Dès la fin de cette saison, on pourra disposer d’un centre d’entraînement digne d’un club professionnel. Je pense que participer à la construction d’un club est certainement intéressant pour un joueur. C’est gratifiant. Et dans ce sens, David va nous aider à grandir. »
Si tout semble pour l’instant aller du mieux possible dans le meilleur des mondes pour les deux parties, tant pour le club que pour le joueur, David Jarolím reste toutefois prudent, bien conscient que dans le sport de haut niveau, et dans le football professionnel sans doute plus encore qu’ailleurs, non seulement le ballon mais surtout la roue tourne parfois très vite. C’est pourquoi David Jarolím refuse logiquement de voir plus loin que l’année pour laquelle il a signé, et ce même si une année supplémentaire figure en option dans son contrat en cas de maintien d’Evian en Ligue 1 :
« Il faut d’abord voir comment va se passer cette saison. La priorité, c’est d’abord d’avoir de bons résultats. Pour moi, il est aussi important que ma famille se sente bien. C’est vrai que je n’ai signé que pour un an avec une année supplémentaire en option, mais si j’ai fait ce choix, c’est aussi parce que les choses sont claires dans ma tête : je suis convaincu que nous allons nous maintenir en Ligue 1 et que je resterai une saison de plus ici. Et après… Vous savez, j’ai 33 ans et je ne peux affirmer aujourd’hui que je vais encore jouer cinq ans ici. »
En assistant à l’entraînement de l’équipe, on sent une ambiance paisible, même familiale. Toutefois, l’intérêt pour le football est nettement moins important qu’en Allemagne. C’est pour vous un grand changement : vous passez d’une ville de foot comme Hambourg avec un stade de 60 000 places pour vous retrouver un peu ‘à la campagne’, du moins pour ce qui est de l’engouement pour le foot. N’est-ce pas difficile ?
« Il y a une grande différence, c’est certain. Mais pour nos matchs, il y a quand même une bonne ambiance au stade à Annecy. Et à l’extérieur nous allons jouer dans de beaux stades. A l’entraînement, c’est vrai, il y a un bon groupe ici. Mais attention, aujourd’hui, c’était un entraînement un peu plus léger. Lors des autres entraînements, il y avait quand même de l’engagement. Ce qui n’enlève rien au fait qu’on prend du plaisir à s’entraîner, et c’est important pour les matchs. »Néanmoins, l’intérêt du public et des médias est incomparable par rapport à celui auquel vous étiez habitué en Allemagne…
« Oui, mais ce sont des choses qui ne vont pas me manquer. Après plusieurs saisons en Allemagne, vous êtes habitué à cette pression quotidienne. Ici, c’est plus tranquille, mais c’est mieux pour moi comme ça. Ce que j’ai vécu en Allemagne de ce point de vue-là m’a suffi. »
Avec Jaroslav Plašil à Bordeaux, David Rozehnal à Lille et Mario Lička à Brest, David Jarolím est désormais le quatrième joueur tchèque à porter le maillot d’un club français. Un chiffre relativement faible, surtout comparé au nombre de Tchèques évoluant en Bundesliga :
« C’est vrai qu’il y a beaucoup de joueurs tchèques en Allemagne. C’est peut-être à cause de la langue ou parce que c’est plus prêt que la France. Mais c’est une question à laquelle il est difficile de répondre. Je pense que le championnat français a un bon niveau. J’ai bien sûr été en contact avec David Rozehnal avant de venir, puisque nous avons joué ensemble en équipe nationale et un an à Hambourg. Je lui ai demandé quelques infos sur Evian, mais il ne m’a pas beaucoup aidé (rires). »
Néanmoins, selon vous, le championnat français est-il suffisamment intéressant, attractif pour les joueurs tchèques ? Après l’Angleterre, l’Espagne, l’Allemagne et l’Italie, ce n’est « que » le cinquième championnat européen ?
« Ce n’est pas juste une décision des joueurs tchèques. Ce ne sont pas eux qui décident de venir ou non en France pour réclamer un contrat. Il faudrait plutôt demander aux dirigeants des clubs français. C’est d’abord à eux de s’intéresser aux joueurs tchèques. »
Toutefois, à en croire l’entraîneur d’Evian, cela pourrait changer dans un proche avenir. Pascal Dupraz explique pourquoi :
« Le football tchèque regorge de joueurs de talent. Beaucoup sont expatriés et l’équipe nationale a eu de très bonnes performances. Apparemment elle est sur la voie du renouveau avec de jeunes joueurs. Et pour avoir regardé hier (jeudi 20) le match du Sparta à Lyon, je me suis aperçu que les Tchèques ont toujours de jeunes bons joueurs. C’est donc un pays intéressant et c’est peut-être une idée à creuser pour un championnat comme la Ligue 1 et un club comme le nôtre. Pourquoi pas à l’avenir s’intéresser de plus près au football tchèque ? »