Exposition – découverte de Václav Ryčl, photographe et écrivain décédé à l’âge de 28 ans
« Václav Ryčl – Blue Boy » : tel est le titre d’une exposition de photographies inédites de Václav Ryčl, un jeune homme de talent qui s’est suicidé le 31 décembre 1994 à l’âge de 28 ans. Comme l’indique le titre d’un de ses livres publiés à titre posthume, la vie a été pour lui « une mauvaise compagne ».
« Si j’écris, c’est parce que c’est un besoin vital », explique-t-il dans une lettre adressée à un ami. « A travers le livre ‘Pavillon 13’, je voudrais dire aux gens combien un traitement psychiatrique peut être insupportable. Beaucoup de choses sont cachées au public. »
« Pavillon 13 » et un recueil de poèmes intitulé « La vie est une mauvaise compagne » sont parus une dizaine d’années après la mort de Václav Ryčl, en 2003 et en 2004, aux éditions Petrov. Ils ont enthousiasmé la critique et éveillé la curiosité pour cet auteur. A la même période, l’historien de l’art Jiří Pátek a découvert les photographies des Roms que Václav Ryčl avait prises comme jeune photographe amateur, entre 15 et 17 ans. Ces photos en noir et blanc, qui mettent en scène des enfants roms notamment, des enfants des rues, sont au cœur de l’exposition « Václav Ryčl – Blue Boy » qui se tient jusqu’au 29 mai à la Galerie morave de Brno. Jiří Pátek :« Dans les années 1980, lorsque ces photos de Roms ont été prises, il n’était pas courant de s’intéresser en profondeur à cette problématique. Václav Ryčl a eu une approche presque sociologique. Il est évident qu’il est allé dans les localités en question à plusieurs reprises, qu’il connaissait bien les gens photographiés, car ils se sont ouverts à lui, ils l’ont laissé pénétrer dans leur zone privée. A l’époque, il était adolescent, mais il avait ce même regard sensible que l’on retrouve chez les photographes renommés qui s’intéressaient eux-aussi à l’homme, comme Jindřich Štreit ou Viktor Kolář. » Outre une quarantaine d’images, l’exposition présente aussi de courts enregistrements vidéo réalisés par Václav Ryčl, ainsi que ses textes, tapés à la machine et accrochés au mur avec de simples punaises, tels des messages laissés par l’auteur au public. Ses photos représentent non seulement les Roms, mais aussi des jeunes désabusés dans des bistrots, des images de la vie quotidienne. Jiří Pátek :« Il s’intéressait, comme d’autres photographes orientés à l’époque vers la photographie documentaire, aux événements de masse organisés sous le socialisme. Il a photographié certaines festivités, par exemple une fête organisée par le journal Rudé právo. Il est clair que cet enthousiasme collectif qui nous était imposé sous l’ancien régime ne convenait absolument pas à Václav Ryčl. Le fait de photographier a été sa manière d’y faire face. »Plutôt que de décortiquer l’œuvre de Václav Ryčl, de l’interpréter, à la manière des historiens de l’art, Jiří Pátek présente ses travaux avec humilité et discrétion, travaux qui sont, d’après lui, « un témoin silencieux du combat entre le talent et l’âme souffrante » et qui expriment une expérience impartageable.
« Václav Ryčl – Blue Boy », Blue Boy étant un terme utilisé par Václav Ryčl lui-même, pour désigner les patients psychiatriques qui gardent l’espoir de guérir… Cette exposition est donc à découvrir jusqu’au 29 mai dans les locaux du Musée des Arts et des Métiers de Brno. Un des textes de Václav Ryčl présentés au public caractérise particulièrement bien ce que représentait la création artistique pour ce jeune Tchèque, dont le destin rappelle celui de la dramaturge britannique Sarah Kane…« Je ne suis pas sûr de ce qui est la vérité, de la perception juste de la réalité. C’est probablement lorsque trois personnes se mettent d’accord que le fruit posé sur la table est une orange. Celui qui dira que c’est une banane sera anormal, il sera tapé, ligoté, il criera d’horreur, parce qu’il a enfreint l’ordre de la normalité. (…) Heureusement qu’il existe la Poésie. Ce serait insupportable, une vie où il n’y aurait que des oranges. »