Bernard Lesaing : 26 portaits, 26 rencontres

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Le photographe Bernard Lesaing, établi à Aix-en-Provence, est venu présenter à Prague un ouvrage collectif intitulé « visages et paysages tchèques », où il a réalisé 26 portraits d’artistes et de créateurs tchèques, introduits par un texte de l’historien d’art Pavel Chalupa, et commentés par les photographiés eux-mêmes grâce aux propos recueillis par Kamila Drtilová. Les clichés sont exposés jusqu’au 30 janvier à la galerie du Centre tchèque, dans le 1er arrondissement de Prague.

Bernard Lesaing,  photo: www.imagesetrecherche.com
« Mon histoire avec la République tchèque a commencé très jeune – j’avais 12 ou 13 ans – et j’étais en vacances en Savoie. Le 21 août 1968, c’était l’invasion à Prague par les troupes des armées du Pacte de Varsovie. En France et en Europe, on venait de vivre le mois de mai et ça a été un choc pour moi de voir que ce qu’on vivait en Europe de l’Ouest n’était pas vécu, et même le contraire, en Europe de l’Est. Ça a été ma première image avec la République tchèque. Ensuite, en 1988, j’étais en reportage à Munich. De Munich j’ai regardé une carte et je me suis dit que je n’étais qu’à 300 km de Prague. J’ai donc fait un petit séjour à Prague et à Plzeň et j’ai fait quelques images qui sont présentées à la galerie du centre tchèque dans le cadre de l’exposition. Ensuite, j’ai eu la chance d’être invité en 2005 et 2006 à faire deux expositions, à Litomyšl et à Vysoké Mýto. »

Sur quoi portaient ces expositions ?

« C’étaient des expositions sur un travail rétrospectif de l’ensemble des reportages que j’ai fait et notamment sur les sociétés locales, sur lesquelles je travaille beaucoup, par exemple le monde touareg, par exemple l’île d’Ischi en Italie. C’était aussi le fameux petit reportage sur l’histoire de cette saga du cirque à cheval et en roulottes. »

Concernant l’exposition et le livre que vous présentez actuellement, comment s’est monté ce projet franco-tchèque ?

« Le projet s’est monté parce qu’il y avait deux structures qui existaient déjà. L’une qui s’appelle Images et Recherche, qui est basée à Aix-en-Provence, et la seconde, Artefactes, qui est basée à Prague. A l’invitation de cette exposition en 2005, les deux structures se sont rapprochées et on a pu imaginer un projet en commun. »

Est-ce que vous pouvez nous décrire en quoi consistent ce projet et cet ouvrage ?

« Cet ouvrage, qui s’appelle « Visages et paysages tchèques », est composé de 26 portraits de 26 rencontres avec 26 créateurs et artistes tchèques, connus ou moins connus, et de toutes disciplines : des peintres, des sculpteurs, des musiciens, des photographes, etc. Autour de ces portraits, ça a été mon petit voyage en République tchèque – je travaille en noir et blanc – et qui sont des photographies en fait des allers et des retours quand j’allais rencontrer ces artistes ou ces créateurs. Donc ce sont des scènes de vie, des scènes de rue, des paysages, des ambiances dans un train. »

Comment avez-vous choisi ces artistes et créateurs et pourquoi des artistes et créateurs ?

« Pourquoi des artistes et des créateurs ? Je souhaitais déjà depuis longtemps rendre hommage aux métiers de la création et aux métiers de la culture. »

Qui vous a aidé à les rencontrer ?

« La rencontre s’est faite bien entendu avec les amis de l’association Artefactes – Pavel, Kamila, Veronika – qui dans leurs réseaux m’ont présenté des artistes. Ces artistes m’ont présenté d’autres artistes. Moi-même, j’ai aussi par d’autres connaissances que j’avais eu auparavant, pu retrouver des artistes tchèques que j’avais connus à Marseille dans les années 80. »

Est-ce que vous avez eu des coups de cœur en découvrant le travail de ces artistes ?

« Ce n’était pas 26 portraits, c’était un prétexte. C’était pour moi 26 rencontres, de pouvoir un moment avoir la chance de passer quelques heures. Il s’est instauré un vrai dialogue, un vrai échange, des fois sur une journée ou des fois sur un week-end. Ces 26 artistes m’ont tous autant les uns que les autres remplis d’intérêts et de découvertes. »

Sur les co-auteurs de votre ouvrage puisque c’est un ouvrage collectif, pouvez-vous nous parler de ces personnes qui vous ont aidées à produire cet ouvrage ?

« Il y a Pavel Chalupa qui a écrit le texte d’introduction, pour moi, un texte merveilleux parce qu’il parle d’une complicité de trois ans entre Pavel et moi, et qui parle, pour un Français, pour moi, d’une telle qualité d’écriture... C’est tellement tchèque avec son humour, cette discrétion et en même temps ce sens de l’information qu’il nous donne ! C’est d’une très grande qualité littéraire. Ensuite, il y a un très beau texte, un texte plus ‘critique’ sur le travail du photographe, qui est pour moi flatteur et qui me fait plaisir, mais qui en même temps pour le lecteur peut donner des clés, de comment un photographe, dans ce type de projets, s’inscrit. Quels sont ses rapports avec l’Autre, le politique, l’espace public, la commande... Ça démystifie un peu, en tout cas ça explique comment ce projet peut naître et être vécu. Enfin, la photographie ne peut pas tout dire et que si on rend hommage à 26 créateurs, il me semblait indispendable qu’on ait des paroles recueillies de ces 26 artistes. Donc Kamila Drtilová a fait un travail remarquable d’écoute et de transcription de 26 textes que les artistes nous ont gentiment et généreusement envoyés. Ce sont de courts textes qui les uns après les autres nous donnent une sensation de vécu assez forte de ce que c’est que d’être créateur. »

Comment l’exposition a-t-elle été reçue à Aix-en-Provence ?

« Je ne peux pas dire comment elle a été ressentie. Il y a eu beaucoup de monde, de l’intérêt, il y a eu un succès. Pour certaines raisons : il faut le savoir en France, il y a une communauté franco-tchèque, tchèque, on enseigne la langue tchèque au département d’Etudes slaves à l’Université de Provence. Il y a des associations de jumelage de petites villes de Provence avec des villes tchèques. Ce travail a permis aux Aixois et de manière générale aux Provençaux ou aux touristes, de connaître à travers ce travail un pays dont dans le Sud de la France on connaît peu ; on est plus orienté vers la Méditerrannée. C’est aussi pour moi l’idée de renforcer les liens pour créer cette Europe qui, on le voit, est souvent décriée. Nous avons une histoire commune, il faut la continuer, il faut poursuivre le rapprochement entre les pays d’Europe. Notamment parce que le nationalisme a plombé le XXe siècle avec ses guerres terribles. »