Françoiz Breut, avec un Z comme zygomatiques
Pour sa première représentation à Prague le jeudi 18 décembre, la chanteuse française bruxellloise d'adoption Françoiz Breut a réussi à remplir la salle de concert du Palác Akropolis de Žižkov. On peut dire qu’elle a été aidée indirectement par sa première partie, la chanteuse et actrice slovaco-hongroise Szidi Tobiáš, connue en République tchèque pour ses participations à un programme télévisé. Néanmoins, Françoiz Breut est une habituée des tournées à l’étranger où elle est souvent comparée à Françoise Hardy. Elle présentait dans la capitale tchèque son dernier album et Radio Prague en a profité pour recueillir ses premières impressions après le concert.
Vous tournez beaucoup en Angleterre ou en Allemagne. C’est étonnant de la part d’une chanteuse francophone de tourner autant à l’étranger. Comment cela se fait ?
« Je ne sais pas trop. Il est vrai que j’ai vraiment un bon accueil et bizarrement dans des pays qui ne parlent pas forcément le français. C’est quelque chose de musical comme quand on écoute des groupes anglo-saxons ou de la musique du monde, on ne comprend pas forcément ce que les gens chantent mais on est touché par la musique donc c’est un tout. Ce n’est pas que la langue, ce n’est pas que le sens, c’est aussi l’enrobage. »
Vous chantez aussi en italien et en espagnol. Est-ce que vous tournez dans ces pays ?
« En Italie nous avons déjà tourné mais il y a quelques années déjà. C’était il y a longtemps. C’était en 2002. Je n’y suis pas retourné depuis mais j’en ai un super souvenir. En Espagne aussi nous y allons régulièrement parce que le label qui nous distribue là-bas nous distribue depuis pas mal de temps parce qu’avant je chantais avec Dominique A et c’est un label qui s’occupait de Dominique A donc il nous suit vraiment et on a un public en Espagne qui est fidèle. »Françoiz Breut a donc commencé sa carrière aux côtés de Dominique A. Son influence est toujours palpable mais elle s’est néanmoins lancée aujourd’hui dans l’écriture de ses propres textes. Avec beaucoup de modestie et de simplicité, elle raconte comment elle est passée du statut d’interprète à celui d’auteur.
« C’est mon 4ème disque et sur les trois premiers, j’avais travaillé avec des auteurs différents. J’ai commencé à travailler avec Dominique A qui m’a écrit tout un disque, mon premier disque, il y a 11 ans. Ensuite pour le deuxième en 2000 j’avais commencé à solliciter d’autres auteurs dont j’aimais vraiment l’écriture. Pareil pour le troisième et puis j’en ai eu un petit marre de travailler de cette façon et j’ai eu vraiment envie de savoir comment on se met à fabriquer une chanson. Ce n’était pas spécialement parce que j’avais des trucs à dire mais c’est vraiment la fabrication, le petit truc artisanal, le bricolage d’une chanson qui m’intéressait. Le travail d’écriture s’est donc fait et j’ai été encouragé par mes musiciens Luc [Rambo] et Boris [Gronemberger] à la guitare et au clavier qui m’ont poussée à écrire et on a travaillé ensemble, à trois. »
Vous êtes graphiste de formation, vous continuez à faire du graphisme. Passer à l’écriture est un mode d’expression complètement différent. Est-ce que c’est un pas difficile à sauter ?
« C’est complètement différent mais comme j’ai toujours aimé écrire – j’ai fait de l’illustration, j’ai fait des livres pour enfants – j’ai écrit beaucoup mais ce ne sont pas des livres qui ont été publiés. Je faisais des petits livres que je mettais en scène dans des expositions. C’était plutôt un travail sur le livre, le livre objet etc. J’ai écrit des histoires mais ce n’est pas du tout la même façon d’écrire. Ecrire pour des enfants ou écrire des chansons, ça n’a rien à voir mais ce qui a surtout été difficile, étant donné que j’étais tellement habituée à chanter les chansons des autres depuis longtemps, est de se demander si j’allais réussir à chanter mes propres mots et si ça allait sortir aussi naturellement, aussi facilement. Avant j’étais sure de ce que les gens m’écrivaient, je trouvais qu’ils avaient vraiment un style super intéressant et donc pour moi c’était facile de les porter et de les chanter. C’est surtout ça qui a été plus difficile et ça a pris du temps. On travaillait ensemble à les jouer sur scène. Avant d’enregistrer, on a fait des concerts et c’est à ce moment-là qu’on a vu ce qui fonctionnait et ce qui ne fonctionnait pas. »
Et c’est donc vraiment difficile de passer des mots des autres à ses propres mots ?
« Oui parce qu’au début on manque de confiance. C’est vraiment à partir du moment où on les confronte au public qu’on se dit que ça marche. Et les gens qui viennent me voir et me suivent se disaient peut-être quand j’ai fait mes premiers concerts que c’étaient encore des chansons que les autres m’avaient écrites. Finalement je me rendais compte qu’ils rentraient quand même dedans alors j’avais plus d’assurance et c’est venu petit à petit. »
A l’Aveuglette est donc le titre de ce quatrième album. C’est de la chanson française, largement agrémenté de rock également et de petites sonorités surprenantes par-ci par-là notamment grâce à l’utilisation d’un vibraphone. Françoiz Breut nous décrit ce que raconte son quatrième opus.
« Ça part un petit peu dans tous les sens, c’est assez éclaté. Quand on se met à écrire, on se demande par quel bout commencer puis on glane des idées à droite et à gauche. Je parle par exemple dans les mots croisés de la difficulté d’écrire, de s’exprimer, de l’importance du silence. C’est une chanson au départ sur la page blanche. Il y a aussi des histoires d’amour. Je me suis aussi vraiment amusée dans deux chansons à faire des exercices de style. Il y a une chanson qui s’appelle De fil en aiguille qui est une métaphore sur l’amour où j’ai utilisé tout un tas d’expression sur la couture parce que j’ai remarqué que dans la langue française, il y a plein d’expressions figuratives. Dans L’étincelle ou la contrainte du feu, ça parle de la flamme qu’on doit entretenir dans la vie pour supporter et accueillir la vie. Il y a beaucoup de thèmes ; une chanson sur l’adolescence et une chanson sur les enfants dans la ville et les limites qu’on est obligé de mettre aux enfants qui vivent dans de petits espaces qui n’ont pas la chance de pouvoir galoper dans les champs. »
Pourquoi avez-vous changé le S en Z à la fin de votre prénom ?
« C’est une coquetterie. Je signais mes dessins autrefois avec un Z à la fin et Brrr. C’est un truc que j’ai gardé comme souvent les dessinateurs signent avec un pseudonyme. » Et si vous deviez trouver un Z comme… ? « Z comme zygomatiques ! »