Le cinéma Světozor fête ses 90 ans et s’offre un lifting intégral
Changement de décor, aujourd’hui, nous nous rendons dans les coulisses du cinéma d’art et d’essai pragois Světozor. Rénové de fond en comble pendant deux mois, il a rouvert ses portes jeudi dernier, proposant comme film principal de son programme de réouverture, le documentaire consacré à l’ex-président tchèque et dramaturge, Václav Havel. Un redémarrage en beauté, donc. Mais lundi dernier, à quelques jours de l’ouverture, ça sentait encore le mastic, la peinture, de la poussière blanche recouvrait les sols… L’occasion rêvée d’aller visiter les lieux.
« Quand nous avons récupéré le cinéma Světozor le 1er mai 2004, il n'était pas en bon état. Nous voulions déjà voir si nous étions capables d’animer un cinéma d’art et d’essai. Après ces trois ans, nous nous sommes rendu compte que ça allait, qu’il y avait un véritable intérêt pour les films d’art et d’essai. On s’est donc dit qu’il était temps de faire des changements dans le cinéma pour les spectateurs. »
Est-ce que nous pouvons aller nous balader un peu dans le cinéma, et nous rendre par exemple dans la grande salle du cinéma Světozor ?« Alors, c’est dans la grande salle qu’il y a le plus grand changement. Le placement des rangées et des places a été modifié. Nous avons dû réduire la capacité de la salle de 488 places à 365, car les sièges ont été changés, ils sont plus grands et plus confortables. On a complètement refait l’accoustique et donc l’isolation de la salle. L’écran est nouveau, plus grand et il a été rapproché des spectateurs. Enfin, tout l’équipement son a été remplacé. »
Les travaux battent leur plein... Petr Vítek, vous parliez des sièges, le Světozor a lancé une campagne marketing assez efficace de parrainage de sièges du cinéma où des personnes connues ou inconnues peuvent adopter un siège du Světozor. Comment cette campagne est-elle née et quel est son objectif ?
« La reconstruction était chère. Nous sommes une petite structure et nous n’avons pas de partenaire financier fort. C’est pour cela qu’est née l’idée d’adopter des sièges. Sur Internet, nous présentons le projet. Les spectateurs peuvent choisir quel siège ils veulent. En devenant parent adoptif, le spectateur aura droit à pas mal d’avantages. Un des plus intéressants, c’est un siège avec son nom écrit dessus. On peut retrouver le nom sur notre site, donc tout le monde peut voir qui est parent adoptif. Il ne s’agit pas que de particuliers, il y a aussi des entreprises ou encore des représentants de festivals de cinéma tchèques. »D’ailleurs parmi les personnes qui ont adopté un siège, on compte Eva Zaoralová qui est la directrice du festival de Karlovy Vary, les frères Forman. Petr Vítek mentionnait aussi des sociétés : on compte par exemple le journal économique Hospodářské noviny ou encore la société MacDonald’s.
« On a vraiment eu un bon retour, la campagne semble avoir du succès. A l’heure actuelle, on a environ 250 sièges qui ont été adoptés. C’est la limite que nous voulions atteindre, on est donc très contents. »
Combien coûtent ces sièges à adopter ?
« Pour un particulier 4 500 couronnes. »
Le Světozor, c’est aussi un anniversaire, puisque le cinéma fête cette année ses 90 ans. Il a ouvert ses portes en 1918. Cette reconstruction, c’est donc aussi pour fêter cet anniversaire ?
« En fait, la vraie raison c’était juste de faire des travaux. Le fait que ça tombe en plein pour les 90 ans de l’ouverture du Světozor, ce n’était pas fait exprès. »
Le Světozor, à son ouverture, s’appelait d’abord Elektra. Est-ce que le Světozor a toujours été un cinéma ? Quels sont les grands événements qui ont marqué l’histoire de ce cinéma ?
« Après 1918, il n’a été un cinéma que pendant quelques années, 3-4 ans il me semble. Après il a été transformé en cabaret. Il a rouvert en 1957 avec cette fois un écran panoramique. Son plus grand événement, c’est sûrement le Kinoautomat, premier film interactif et un succès. Le cinéma jouait sans cesse à guichets fermés. Mais le régime communiste trouvait qu’idéologiquement, ce n’était pas ça… Le nombre de projections n’a pas cessé de diminuer. Après un an et demi, le Kinoautomat s’est arrêté et a été remisé aux archives, avant que nous allions fouiller dedans. L’an dernier, nous avons ressorti le Kinoautomat. »Et en 2008, le Kinoautomat va sortir en DVD…
« Oui, et il devrait être totalement interactif. »
Le Světozor fait partie du réseau Europa Cinéma, qu’est-ce que cela signifie pour le Světozor ?
« Le réseau Europe Cinémas est une association de cinémas qui doivent respecter certaines conditions. La condition principale, c’est de jouer un certain pourcentage de films européens. Ce qui donne droit à certains avantages, financiers notamment. Pour nous, c’est vraiment important de faire partie de ce réseau. »
On se rend maintenant dans la cabine de projection du Světozor, les travaux battent toujours leur plein… Mais les bruits cessent un peu… On se trouve donc dans la cabine de projection. Petr Vítek, pouvez-vous me présenter tous les appareils qu’on peut y voir…
« La cabine a seulement été modernisée. Il n’y a pas de nouveaux appareils. On voit là deux projecteurs pour des films 35 mm. On a refait toute la sonorisation, donc tout le matériel son est nouveau. Là, on ne le voit pas, mais normalement, il y a aussi un projecteur vidéo. »
Combien de films par an sont projetés au Světozor ?
« Il y a six projections par jour, soit six dans la grande salle, six dans la petite salle. »
Avec la concurrence des grands multiplexes, quelle est la place du Světozor à Prague ?
« Je pense que dans notre segment, on est en très bonne place. Après les multiplexes, le Světozor est le cinéma le plus fréquenté à Prague. La concurrence existera toujours, mais on n’a pas trop peur des multiplexes. En modernisant notre cinéma, les multiplexes perdent de leurs avantages, comme le confort des sièges. Nous avons aussi des sièges confortables maintenant, donc je ne vois pas de raison d’aller dans des multiplexes. »
On finit tout doucement notre visite, même si à cause des travaux, c’est un peu difficile de circuler d’un endroit à l’autre et qu’il y a beaucoup de bruit. Un des endroits intéressants au cinéma Světozor, c’est un petit magasin qui s’appelle « Les chaussettes de Terry » où on vend des DVD, des posters, des T-shirts en lien avec le cinéma.C’est Terry Gilliam qui en novembre 2005 a inauguré ce magasin. Pourquoi « les chaussettes de Terry » ?
« On s’est dit qu’on aimerait bien avoir un magasin avec des DVD et d’autres produits de cinéma, finalement on vend surtout des posters de cinéma. Et comme on connaît Terry Gilliam, qu’il est venu souvent nous voir à Prague, un de mes collègues a proposé ce nom. Ca nous a tout de suite plu, parce qu’on aime bien Terry. On s’est dit qu’il serait peut-être content. Le hasard a fait qu’un de ses films était présenté à ce moment-là. Donc dans le cadre de la première, il est venu l’inaugurer. »
Merci Petr Vítek, on souhaite beaucoup de succès au Světozor nouvelle version, version 2008.