Albrecht de Wallenstein et son époque
Un noble tchèque, généralissime, commandant en chef des armées impériales, symbole de la Guerre de Trente ans, fin commerçant, stratège, diplomate, mais aussi un mécène grand amateur d’art, bâtisseur de palais et de villes, et généreux donateur : tout cela caractérise le duc Albrecht de Wallenstein dont nous fêterons l’année prochaine le 425e anniversaire de la naissance. Une grande exposition installée au palais que Wallenstein a fait ériger dans le quartier de Mala Strana à Prague et qui est aujourd’hui le siège du Sénat jette un regard nouveau sur cette personnalité controversée et sur son époque, longtemps considérée comme celle des ténèbres dans l’histoire tchèque.
En 1619, les troupes de Wallenstein participent aux combats du côté de l’armée impériale habsbourgeoise contre le nouveau roi de Bohême, Frédéric de Palatinat. Malade, Wallenstein n’intervient pas personnellement dans les combats, mais avec son régiment, il avance jusqu’à Louny, ville stratégique sur la route de la Saxe à Prague, et lorsque la ville refuse de capituler, il donne l’ordre de l’incendier… D’autres villes, sous l’effet des violences, n’opposent plus de résistance et payent à Wallenstein une forte rançon. Après cet épisode, Wallenstein va s’installer à Prague et grâce aux prêts généreux accordés à l’empereur, il accède aux grosses fortunes qui font de lui l’un des hommes les plus riches de l’empire. C’est à Prague qu’il entreprend la construction du somptueux palais Wallenstein et se procure d’autres biens confisqués. Ses troupes, toujours actives, réussissent à conquérir une grande partie de la Silésie.
La situation internationale s’aggrave et Wallenstein en profite pour mettre en oeuvre ses plans : auparavant, déjà, il avait proposé à l’empereur d’édifier une puissante armée, mais sa proposition n’est acceptée qu’en 1625. Le 25 juillet 1625, Wallenstein est nommé général des armées de 24 000 hommes. En septembre, son armée ouvre une offensive en Saxe qui va durer cinq ans. Wallenstein occupe de nombreuses villes saxes, occupe le territoire autour de l’Elbe et s’assure une position très forte en Allemagne qui lui vaut le surnom de général de la mer du Nord. Grâce à ces succès militaires, il s’inscrira dans l’histoire de l’Europe comme commandant militaire respecté et redouté. Durant la Guerre de Trente ans, Wallenstein connaît des hauts et des bas. Licencié en 1630 du poste de commandant de l’armée impériale, il entame des entrevues privées secrètes considérées comme hostiles à l’égard de l’empereur. Finalement, l’empereur l’engage encore une fois. La bataille de Lützen, où Wallenstein conduit les armées impériales contre l’armée du roi suédois Gustav Adolf, ne connaît ni vainqueur ni vaincu et ce résultat indécis compromettra la réputation de Wallenstein. En outre, des rumeurs courent sur ses entrevues avec l’adversaire. Les méfiances à son égard culminent le 25 février 1634 avec son assassinant à Cheb. Mais Wallenstein était plus qu’un guerrier. Propriétaire de vastes domaines dans le nord de la Bohême, il a contribué d’une façon marquante à la prospérité économique et culturelle des villes de Jicin, Frydlant et Liberec. La présente exposition réhabilite la personnalité de Wallenstein ainsi que son époque, souligne Eliska Fucikova, commissaire de cette exposition :« Les oeuvres exposées présentent d’une façon très personnelle Wallenstein et sa famille, elles montrent sa générosité, la grandeur de son esprit d’entreprise, ses réalisations qui ont changé l’image urbanistique des villes de Jicin, Liberec, et d’autres… Il est très intéressant de voir comment il organisait son immense domaine ainsi que ses entreprises militaires : Ainsi, par exemple, il était capable d’assurer la production journalière de 20 000 pains pour les soldats et de les acheminer vers l’armée. La logistique, les transports alors pratiquement inexistants étaient des armes très puissantes de Wallenstein. On peut conclure qu’il était l’un des rares Tchèques que toute l’Europe du XVIIe siècle connaissait, à part Comenius. »