Disparition de Jean-Claude Carrière, compagnon d’écriture de Miloš Forman
L’écrivain scénariste français Jean-Claude Carrière est mort lundi soir à l’âge de 89 ans. Avec le cinéaste tchèque Miloš Forman, qu’il considérait comme un frère, il avait participé à l’élaboration de plusieurs longs-métrages dont Valmont et les Fantômes de Goya.
Au micro de France Culture, Jean-Claude Carrière était revenu quelques mois après le décès du réalisateur en 2019 sur le début de leur complicité :
« Quand Miloš est venu à Paris pour la première fois, il habitait chez moi, il était évidemment fauché - il n'avait pas d'argent, on ne pouvait pas changer l'argent tchèque - Bunuel tournait Belle de jour, j'ai amené Miloš Forman à Joinville sur le tournage, et j'ai dit à Bunuel : Il y a Miloš Forman qui est là - Qui ? me dit-il, Les amours d'une blonde ? Je lui dis oui. Il arrêté le tournage pendant une heure pour aller à la cafétéria avec Miloš et moi prendre un café. Ça, Miloš, quand il le racontait, en pleurait de joie. Je suis très ému parce que que nous étions comme deux frères. »
Le travail sur le film Valmont, adapté des Liaisons dangereuses de Laclos, avait été compliqué par la sortie d’une autre adaptation par Stephen Frears. Pour la Cinémathèque française, Jean-Claude Carrière était revenu sur l’approche particulière de cette adaption avec Miloš Forman :
« Miloš connaissait le livre qu’il avait lu en tchèque avant de venir à l’Ouest. Il l’a relu en anglais, mais il existe deux traductions bien différentes l’une de l’autre. Moi je connaissais la version française, que Miloš avait lue aussi, et nous nous sommes mis au travail en essayant d’aller au plus près – et au plus trouble – des sentiments des personnages. »
Et Jean-Claude Carrière de décrire concrètement la manière de travailler en duo scénariste/réalisateur :
« On ne parle pas théorie. On a une scène à écrire et tout de suite on essaie de la jouer tous les deux, de l’écrire en jouant. Il faut bien donner une idée à l’autre de ce qu’on voit. Dans ces cas-là, le metteur en scène choisit toujours le rôle de la jeune femme, c’est très curieux. Avec Bunuel c’était pareil, pour Belle de jour il jouait Séverine et moi tous les clients de la maison close. Et je revois encore devant moi Miloš en train de jouer le rôle de Cécile quand je jouais Valmont. Il le jouait à fond, avec le plus d’innocence et de passion possible ! Je crois que ça tient au fait que le metteur en scène sait qu’il va devoir donner vie à ces personnages que nous écrivons. Et il va chercher celui qui est le plus éloigné de lui – et quoi de plus éloigné de Miloš Forman que Cécile de Volanges ?! C’est elle qu’il va chercher à jouer pour trouver en lui la vérité de la jeune fille. »
C’est Milan Kundera qui avait fait découvrir Les liaisons dangereuses à Miloš Forman dans sa jeunesse à Prague. Jean-Claude Carrière est également à l’origine de l’adaptation à l’écran de l’un des plus célèbres romans de l’écrivain tchéco-français : L’Insoutenable légèreté de l’être, réalisé par Philip Kaufmann.