« Kappa », champion de Trackmania, à toute vitesse sur la route de Bercy
Si le sport électronique – ou esport, fait de timides incursions dans le programme des Jeux olympiques au travers de démonstrations, il n'est pour l'heure pas encore possible pour Martin Krompolc d'aller y chercher une médaille pour le compte de la délégation tchèque. Et pourtant, il y aurait toutes ses chances : sous le pseudonyme « Kappa », il a décroché en 2018 un titre mondial et vient, il y a tout juste quelques semaines, de décrocher la troisième place de la Grand League, sorte de ligue mondiale réunissant les 16 meilleurs joueurs de la planète. Sa spécialité : Trackmania. Un jeu de courses automobile … déroutant.
Si la complexité des jeux-vidéo vous effraie, n'ayez crainte : le principe de Trackmania est on ne peut plus simple. Au volant d'un véhicule de course, les joueurs s'affrontent sur différents circuits. Le premier à franchir la ligne d'arrivée remporte des points. Le joueur ayant accumulé le plus de points à l'issue d'un nombre défini de manches remporte le match. Petite particularité toutefois : pas de tours de circuits lancinants et interminables comme en Formule 1, sur Trackmania les courses sont ultra-dynamiques, les tracés tous plus fantaisistes les uns que les autres, et les lois de la physique volent allègrement en éclat au gré des sauts et autres loopings à plusieurs centaines de kilomètres à l'heure.
« Kappa », star de la discipline …
Martin « Kappa » Krompolc, 25 ans, figure aujourd'hui dans l'élite mondiale de la discipline. Il se souvient de ses débuts. C'était il y a presque dix ans, il habitait encore en Silésie.
Martin « Kappa » Krompolc :
« J'ai commencé au lycée. J'étais ce genre de personne, qui, au lycée, consacre la plupart de son temps libre à jouer. J'ai toujours aimé passer du temps avec mes amis, mais quand je rentrais chez moi, je jouais aux jeux-vidéo. J'avais un bon niveau dans plusieurs jeux, mais lorsque j'ai commencé à entrevoir un avenir et l'espoir de gagner de l'argent grâce à Trackmania, je me suis investi encore davantage. Des structures ont commencé à apparaître, entre 2012 et 2014. J'étais encore au lycée mais comme j'étais parmi les meilleurs joueurs, je me suis dit qu'il serait dommage de tout abandonner. »
Depuis 2015, il s'impose régulièrement aux cours de tournois organisés partout en Europe. Le format numérique permet en effet aussi bien d'organiser des compétitions en ligne, qu'au cours de grands rassemblements. En 2017, « Kappa » atteint la demi-finale du tournoi français le plus médiatisé, la Trackmania Cup organisée par le streamer (animateur diffusant des émissions en ligne sur la plateforme Twitch, le plus souvent des parties de jeux-vidéos en direct) Adrien Nougaret dit « Zerator ». Il échoue alors aux portes de la finale, devant 2500 personnes présentes sur place à Lyon, et près de 50 000 autres spectateurs connectés en ligne.
En 2018, il est sacré champion du monde, et n'a pas perdu le rythme depuis, malgré de nombreuses modifications apportées au jeu par ses concepteurs, l'entreprise française Nadéo. S'il se maintient au plus haut niveau, et malgré la popularité de Trackmania, les gains en tournoi ne dépassent que rarement les 2000 dollars. Un pécule certes honorable, mais bien maigre par rapport aux montants à six, voire sept chiffres offerts sur d'autres jeux comme Dota 2, League of legends ou encore Counter Strike.
Pas question donc de vivre uniquement de ses performances. Une partie de la scène professionnelle de Trackmania vit de dons récoltés auprès des spectateurs lorsqu'ils diffusent leurs parties en direct sur la plateforme Twitch, et tous sont membres d'équipes qui les rémunèrent plus ou moins bien.
Martin « Kappa » Krompolc a beau être sponsorisé par McLaren – un point commun inattendu avec Lewis Hamilton, Alain Prost ou encore Ayrton Senna en leur temps, rien que cela – il demeure avant-tout étudiant, et ne s'entraîne que sur son temps libre. Il se prépare actuellement pour plusieurs échéances : d'abord, il doit obtenir son diplôme de droit de l'Université Charles de Prague, dans les prochaines semaines. Plusieurs grosses compétitions apparaissent également à l'horizon – il ne choisit « que les plus rémunératrices ou les plus prestigieuses », par manque de temps. Ensuite, il devra faire un choix sur la poursuite de sa carrière « esportive » :
« Ce sera une décision très compliquée à prendre. Après des études de droit, ce n'est pas la fin. Ce n'est que le début, en fait. Et il faut investir encore plus de temps dans son nouvel emploi que dans les études, alors que le rythme était déjà compliqué. J'aurai donc encore moins de temps. Mais je ne crois pas être en mesure de vous donner une réponse pour le moment ».
Avocat ou pas, une date est malgré tout marquée d'une croix rouge dans son calendrier. Le 4 juin 2022, l'Accor Hotels Arena de Paris, la fameuse salle de Bercy, accueillera la finale de la Trackmania Cup. Alors, dans l'espoir de jouer devant près de 20 000 personnes, « Kappa » répondra présent « à cent pourcents ». Et qu'importe si les circuits de cette compétitions sont particulièrement biscornus :
« Si je compte le temps passé pendant l'édition de 2017, lorsque j'ai quasiment atteint la finale, je m'étais entraîné sur quatorze ou quinze circuits différents. Cela représente bien … cent à cent trente heures passées dessus. »
Au-delà de 2022, aucune route n'est pour l'heure tracée. D'ailleurs, à l'intention des créateurs du jeu, il ajoute que ce serait dommage « d'arrêter [sa] carrière, alors que finalement, le jeu, après toutes ces années, part dans la bonne direction ». En clair : grâce à de récentes mises à jour, et entre autres innovations, il est désormais possible de rouler sur de la glace, au fond de l'eau, sur des tronçons en plastique ou sur une gamme enrichie de tuyaux colorés. Ainsi sera faite la route que « Kappa » tentera d'emprunter jusqu'à la scène de Bercy.